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Manuel de qualité, mirage de l’été ?

Changement de programme, changement de manuels. Les maisons d’édition submergent les enseignants de spécimens. L’énergie des professeurs s’investit dans le choix : il faut bien faire ses cours ! Ils sentent bon le papier neuf, sont richement illustrés, mais ils ressemblent furieusement aux précédents et sont élaborés dans la précipitation ? Ce sont les collectivités territoriales qui payent et leurs subventions sont exclusivement affectées à leur achat. Autant dépenser l’argent !

Avec le changement de programme, nous aurions pu espérer une modernisation des outils et des méthodes : différenciation des apprentissages, recours plus important au numérique pour aider tous les élèves. Non, ce sera « page 66, exercice 3 », pour toute la classe. Comme à l’accoutumée, les enseignants déçus se lanceront dans la course aux photocopies qui épuisent les crédits pédagogiques.

On pourrait faire autrement, travailler de manière plus intelligente, vraiment ?

Première rupture : demander des formations. De vraies formations avec de vrais formateurs et pas de cours magistral sur la réforme. Et puis soyons audacieux : faisons abonner l’établissement aux Cahiers pédagogiques !

Deuxième rupture : commencer par prendre le temps de lire ces nouveaux programmes, d’étudier en équipe comment les mettre en œuvre, de parler ensemble de notre travail.

Nous sommes capables de créer nos propres outils, nous sommes des intellectuels, quand même ! C’est décidé, nous allons préparer en équipe une progression de grammaire par exemple, mais quand ? Là, c’est trop nous demander, nous avons déjà du mal à nous croiser dans la semaine, pendant les récréations, et notre pouvoir d’agir ensemble est encore très limité. Voici une stratégie plus simple : en tant que professeur de français, disposer avec les collègues d’anthologies de textes et d’images, destinées aux élèves, quitte à bénéficier de livres du professeur avec groupements de textes, problématisations, tâches complexes, activités, voire questionnaires. Et pour la grammaire, on peut avoir des réserves d’exercices pour l’entrainement, le travail en autonomie ou en différenciation.

Sur Éduscol, sur les très nombreux blogs gratuits, dans les revues pédagogiques, il est extrêmement facile de trouver des outils adaptables à nos besoins. Beaucoup de collègues ont contribué aux groupes ministériels qui mettent au point des documents d’accompagnement pour les nouveaux programmes. Qui en parle ? Les inspecteurs pédagogiques régionaux ? Très peu ont joué ce rôle de relai. Il aurait fallu qu’une campagne de communication, aussi dynamique que celle des maisons d’édition, accompagne leur parution. Encore une occasion manquée.

Aurons-nous la force de nous détourner du mirage créé par les manuels, prédigérés par d’autres, pour des élèves mais qui ne sont pas les nôtres ? Aurons-nous la force de bousculer nos habitudes pour nous engager dans la voie de l’autonomie et de la responsabilité professionnelle ?

Michèle Amiel, avec l’appui actif de la liste de discussion du CRAP