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Manque d’équité : première place pour la France

Nathalie Mons en parlait au salon de l’éducation, les résultats des épreuves PISA en 2012 le confirment : « En France, la corrélation entre le milieu socio-économique et la performance est bien plus forte que dans la plupart des autres pays de l’OCDE, et pourtant le score obtenu en mathématiques demeure quant à lui au niveau de la moyenne des pays de l’OCDE. »

Des hauts et des bas

Qu’est-ce que cela signifie ? Cela signifie qu’en neuf ans, ceux qui ont pâti du système scolaire français ce ne sont pas ceux qui réussissaient déjà le mieux, ceux qui sont le plus favorisés, (dont sont nos enfants, et réjouissons-nous pour eux et pour les autres, n’entrons pas dans la haine de soi.). Non, ceux-là restent protégés. Mais les autres sont encore plus démunis : « En France, par rapport à 2003, il y a un peu près autant d’élèves très performants, mais surtout beaucoup plus d’élèves en difficulté, ce qui sous-entend que le système s’est dégradé principalement par le bas ces 9 dernières années. »
Le bas… Il se détermine sur le niveau de formation et sur la profession des parents. Mais aussi sur le nombre de livres dans la bibliothèque familiale ou la présence d’un bureau où faire les devoirs. Eh bien dans ce bas-là, ça se passe mal et c’est là que cela se passe le plus mal en mathématiques : « La performance des élèves en mathématiques varie selon leur milieu socio-économique dans la plupart des pays participants, mais la France est le pays de l’OCDE où les écarts sont les plus grands. » pas tellement à cause des mathématiques, plutôt la faute au français, ou plus exactement au langage autour des mathématiques : « Les élèves français de 15 ans ont beaucoup de mal à « formuler » des
situations de façon mathématique, alors qu’ils « interprètent »
relativement bien des résultats mathématiques et qu’ils « emploient »
des concepts, faits, procédures et raisonnements mathématiques aussi
bien que les élèves des autres pays de l’OCDE.
 » Et ce matin, si vous allez en cours avec Samia, Razvan ou Minh, surtout gardez bien pour vous, mais gardez bien en tête, que : « les élèves issus de l’immigration représentent en France 15 % des élèves testés dans le cadre des épreuves PISA 2012 et sont au moins deux fois plus susceptibles de compter parmi les élèves peu performants. »

Oh, les filles

A propos de Samia, ce sera encore plus difficile pour elle que pour eux. En effet, on peut confirmer la catégorie « défavorisée-anxieuse-moins-persévérante-parce-qu’on-est-une-fille », puisque « la proportion de garçons dans le groupe des élèves les plus performants est bien plus élevée que celle des filles (15% pour les garçons, contre 11 % pour les filles) ». Puisqu’aussi à performances égales avec les garçons, « c’est en France, juste après la Suisse, que la proportion de filles à se déclarer anxieuses vis-à-vis des mathématiques est la plus élevée des pays et économies participant à l’enquête PISA. » et que « Face à un problème à résoudre, la proportion de filles à abandonner facilement est plus importante que celle des garçons, avec des proportions s’établissant respectivement à 60 % et à 44 %. »

Le grand écart

Et le rapport précise : avec nos élèves de milieux favorisés, la France se place en 13e position sur les 65 pays et économies participants, bien au-dessus de la moyenne de l’OCDE. Avec ses élèves les plus défavorisés, elle n’arrive qu’en 33e position. « Le manque d’équité du système français se traduit, en termes de classement dans l’enquête PISA, par un écart de 20 places si l’on compare les performances des élèves issus des milieux les plus favorisés à celles des élèves issus des milieux les plus défavorisés. » C’est le pire, nous disons bien le pire, écart de tous les pays et économies participants. Et cela va s’accroissant, puisque les élèves issus de populations favorisées ont un avenir de plus en plus dégagé : « l’augmentation d’une unité de l’indice PISA de statut économique, social et culturel entraîne une amélioration du score en mathématiques de 57 points en France en 2012, alors que cette augmentation n’était que de 43 points en 2003 (soit 14 point de plus). ». Et les élèves dits résilients, c’est-à-dire qui vont faire mentir les prédictions d’échec à l’école, lancées par les fées penchées sur les berceaux les moins garnis, ceux-là sont de moins en moins nombreux : « la proportion d’élèves résilients est passée en France de 7.4 % en 2003 à 4.9 % en 2012, montrant la difficulté croissante d’obtenir de bons résultats aux évaluations PISA lorsque l’on est issu d’un milieu très défavorisé.  »

Alors comment faire ?

La lamentation n’est pas de mise. Que faire est bien la seule question qui tienne. Tout au long de l’année, Eric Charbonnier apporte des réponses que l’on gagnera, à la saison de PISA aussi, de bien entendre :

Vous citez des pratiques que l’on gagnerait à mettre en place : nommer des enseignants expérimentés dans les établissements difficiles comme à Shanghaï, » « changer les méthodes pédagogiques pour individualiser davantage l’enseignement, à l’instar de l’Allemagne». Vous parlez du Portugal aussi. Qu’est-ce que le Portugal a fait de particulier, qui pourrait inspirer la France ?

Le Portugal a un système qui ressemble beaucoup au nôtre : auparavant on réglait le problème de l’échec scolaire par le redoublement, et c’était un système qui favorisait beaucoup les inégalités sociales. Et puis, et c’est intéressant à savoir pour la France, il a été beaucoup investi dans les milieux défavorisés, avec une aide financière aux familles, des éducateurs pour accompagner l’éducation, ou une formation spécifique pour les enseignants, destinée à leur permettre d’adapter leur enseignement en fonction des difficultés des élèves.

Avez-vous en tête un autre pays dont il faudrait s’inspirer ?

Je pense au Canada, avec les programmes revus tous les ans, et l’idée qu’ils doivent suivre les évolutions de la société pour que les élèves s’y indentifient. L’utilisation du numérique est également beaucoup développée au Canada.

(Eric Charbonnier, interview le 22 novembre 2013)