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Les jeunes se mobilisent pour le climat

Vendredi 22 février 2019, la deuxième marche pour le climat organisée dans le cadre de la « grève scolaire pour le climat » s’est déroulée à Paris, sous un soleil inquiétant. À l’origine de ce mouvement, en Suède, la lycéenne Greta Thunberg y participait, entourée, protégée par un cordon d’adolescents et de jeunes enthousiastes. Greta, son manteau trop chaud descendu sur ses épaules, restait apparemment stoïque, iconique sous les regards d’adultes impressionnés par sa présence et son charisme naturel.

« Je sèche comme le climat »

« Et 1, et 2, et 3 degrés, c’est un crime contre l’humanité ! » scandait une manifestation avec une large représentation de jeunes femmes décidées. C’est, en effet, ce qui sautait aux yeux lors du regroupement initial sur les marches du Palais-Garnier : les filles, les adolescentes et les femmes sont à la pointe de cette lutte vitale, remplies d’une énergie communicative et joyeuse. « Papa, maman, désolée, je sèche comme le climat ! ». La présence lycéenne était belle, débordant largement des syndicats présents qui ont tenté, parfois, de lancer des slogans, sans grand succès.

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« On est plus chaud, plus chaud que le climat » a scandé la foule dans les rues parisiennes. Ce slogan parcourt les marches pour le climat depuis des mois. « Il faut vous le dire comment ? » interrogeait encore la pancarte d’une jeune femme. Claire Renauld, l’une des responsables du mouvement Youth For Climate, le dit haut et fort : « Il n’est plus temps d’attendre, les scientifiques nous donnent les clés de ce qu’il convient de faire, il faut les entendre et agir ». Et les pancartes de dire et redire cela : « Les élus seront soit les pires lâches, soit les premiers héros ! »

Greta nous interpelle depuis bientôt six mois. « Mais pourquoi les jeunes devraient-ils étudier et préparer leur avenir si personne ne fait quoi que ce soit pour assurer cet avenir ? » répond-elle quand on lui demande les raisons de sa grève hebdomadaire. Et nous ? Ne pourrions-nous pas, enseignants, adultes, reprendre cette phrase à notre compte : « Mais pourquoi devrions-nous enseigner et préparer un avenir si celui-ci est tellement compromis ? »

À quoi bon enseigner ?

J’ai toujours pensé qu’au-delà de mon métier d’enseignant, ma fonction était d’abord civilisatrice. Ma présence d’adulte devant des adolescents relève des lois fondamentales de l’humanité qui nous ont sortis de la horde, du clan, lois parmi lesquelles figurent l’interdit du meurtre, de l’inceste, ou encore le fait d’œuvrer pour la survie de sa propre lignée et de celle de l’humanité. Des lois faites pour vivre ensemble et perpétuer l’espèce.

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Mais à quoi bon enseigner si la pulsion de mort l’a emporté sur l’instinct vital, comme on peut le craindre ? Quel sens donner à la construction d’un futur si celui-ci n’existe plus ou si on est capable d’en fixer le terme en siècles pour les plus optimistes, en générations pour d’autres peut-être plus lucides ? Mais non, « il est encore temps » dit cette belle jeunesse à la suite de Greta Thunberg, car on ne peut pas vivre sans bouger : là réside la pulsion de vie, le mouvement.

Le « mouvement » s’organise d’ailleurs, intensément, suivant les modes fulgurants des réseaux sociaux qui, pour une fois, portent bien leur nom : groupes de travail sur l’application Telegram, diffusion large et coordonnée sur Facebook et Twitter, organisation pointue à l’aide de dossiers partagés, groupes de photographes, d’activistes médiatiques…

Julie Henches, du mouvement citoyen Alternatiba et co-organisatrice des prochaines grandes marches (notamment les journées des 15 et 16 mars prochains), est lucide : « Changer le climat ne se fera que si nous changeons le système. »

Soigner l’humanité avant de soigner la Terre

Cette jeunesse revendique l’action non-violente. Chez elle, c’est la solidarité qui prime, le commun, le groupe. Huit organisations écologistes ont ainsi créé « La Base », un lieu de rencontres, d’échanges, un « accélérateur de la mobilisation ».

« Rejoignez-nous, ne nous regardez pas ! » martèlent les manifestants. C’est une société qu’ils veulent réinventer, car celle-ci a montré ses limites et son incapacité à changer. Soigner la Terre n’est peut-être pas le plus important : il faut d’abord prendre soin de l’humanité pour qu’elle redevienne féconde en avenir ; alors seulement elle saura comment s’occuper de la planète. Quelles seront les ruines sur lesquelles ce nouvel humanisme devra nécessairement se construire ?

Le 22 février, à Paris, les manifestants marchèrent jusqu’à la place de la République. Une agora se forma au pied de la statue ensoleillée, et autour de Greta Thunberg, six adolescentes volontaires, souriantes et lumineuses prirent la parole : « Revenez tous les vendredis ! Répandez la nouvelle, dites à vos voisins, à vos camarades de classe, qu’il faut agir. En 2050, nous, on sera en vie. »

Jean-Charles Léon
professeur d’éducation musicale à Saint-Germain sur Morin (Seine-et-Marne)


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