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Les jeunes, l’actu et les médias

Bonne nouvelle : les jeunes aiment s’informer ! C’est la conclusion que l’on peut tirer d’une enquête du Cnesco (Conseil national d’évaluation du système scolaire[[Note d’analyse, Éducation aux médias et à l’actualité : comment les élèves s’informent-ils ?, http://www.cnesco.fr]]), réalisée au printemps 2018 auprès de 16 000 élèves de 3e et de terminale, portant sur l’école et la citoyenneté. Un volet était consacré au rapport qu’entretiennent les élèves avec l’actualité, les médias, ainsi que sur l’éducation aux médias.

Bien que qualifiés de digital natives, les jeunes interrogés associent le terme « média » aussi bien aux supports papier que numériques. En outre, il existe des disparités notables, pas tant en matière d’équipement, mais dans la maitrise et les usages faits des différents médias. D’où l’importance de l’éducation aux médias et à l’information (EMI), enseignement qui doit permettre aux élèves d’agir en tant que citoyens informés, capables de prendre du recul et d’adopter une posture critique. Or, un élève interrogé sur deux indique n’en avoir pas fait en classe.

Parmi les répondants, 54 % des élèves de 3e et 68 % des élèves de terminale disent s’informer sur l’actualité en France. Cet état des lieux plutôt encourageant s’accompagne d’un constat quelque peu surprenant : au lycée, la première source d’information, parmi la liste proposée, est « l’entourage » (elle arrive en deuxième position au collège, après la télévision). Autant dire que la fiabilité des informations ainsi recueillies est une variable difficile à mesurer, même si l’entourage est la source dans laquelle les élèves ont le plus confiance (82 % au collège, 77 % au lycée). Toutefois, 68 % des futurs bacheliers s’informent avec un panachage d’au moins quatre médias, traditionnels ou nouveaux. Leurs sources d’information sont donc diversifiées.

Paradoxe

Du côté des médias traditionnels, seule la télévision est citée avant les réseaux sociaux et les vidéos. Viennent ensuite la radio et les journaux en ligne. Les journaux papier sont relégués en bas du classement, avec un tiers des élèves qui les consultent pour s’informer. De manière générale, plus la consommation d’informations est fréquente (au moins une fois par semaine), plus les jeunes privilégient les supports numériques.

Paradoxalement, les jeunes font davantage confiance aux médias, qu’ils utilisent moins, à savoir les journaux papier (à 71 %) et à la radio (autour de 68 %). Ils sont beaucoup plus critiques à l’égard des nouveaux médias : seuls un quart d’entre eux font confiance aux réseaux sociaux, et un tiers aux vidéos en ligne. À noter qu’ils font cependant la différence entre les sources numériques, puisque les journaux en ligne, eux, inspirent confiance à 62 % en terminale, et à 51 % en 3e. Le Cnesco observe aussi que dès la 3e, 65 % des élèves (75 % en terminale) pensent qu’il doit y avoir un pluralisme économique et politique dans les médias. Mais ils sont 67 % (58 % en terminale) à estimer que l’État doit pouvoir contrôler l’information « lorsque la nation est menacée ». Globalement, quelle que soit la source d’information médiatique, moins d’un élève sur cinq déclare lui faire « tout à fait confiance ».

Des Disparités

Derrière ces résultats généraux se cachent des disparités sociales importantes, également mises en avant par l’enquête du Cnesco. Elle souligne notamment un écart de vingt-et-un points entre les élèves de milieux favorisés et les élèves défavorisés qui s’informent sur l’actualité (67 % contre 46 %). Le rôle du contexte familial est mis en avant pour expliquer ce différentiel. Ainsi, les élèves déclarant que leurs parents ne s’intéressent pas à l’actualité sont nettement moins nombreux à s’informer eux-mêmes, en 3e (26 % contre 61 % lorsque les parents s’y intéressent) comme en terminale (42 % contre 73 %).

Des disparités qui se retrouvent (sans surprise) dans le milieu scolaire. Ainsi les collégiens des établissements classés en éducation prioritaire montrent-ils un intérêt moindre pour l’actualité, et une confiance plus faible pour les médias traditionnels.
Si l’EMI, un des remparts contre les fausses informations (« infox »), n’est abordée que dans la moitié des collèges et lycées, l’éducation par les médias, en revanche, qui utilise des ressources documentaires (émissions de télévision, vidéos ou articles sur internet, journaux, etc.) dans le cadre d’un travail en cours d’EMC (enseignement moral et civique), est plus généralisée. Les élèves reconnaissent volontiers (82 % en 3e, 70 % en terminale) que l’EMC, même s’il n’aborde pas directement l’éducation aux médias, leur permet d’avoir une meilleure approche de l’actualité.

Des pratiques Efficaces

Les pratiques efficaces en éducation aux médias sont d’ailleurs listées par le Cnesco, qui s’appuie pour cela sur différents travaux de recherche, principalement réalisés au niveau du secondaire. Les pratiques multimodales sont à privilégier, en ce sens qu’elles permettent d’améliorer les compétences de compréhension, mais également la capacité à collecter des informations de différentes sources de manière cohérente et hiérarchisée.
Il est également recommandé d’engager les élèves dans la création médiatique, pour faire en sorte que l’élève soit acteur de sa consommation médiatique. Il peut s’agir d’activités de production ou de discussion collective, qui permettent de développer les compétences sociales et la capacité à manier le langage. Or, selon le Cnesco, seulement 13 % des élèves de 3e ont déjà participé à l’élaboration d’un journal du collège, et 10 % des élèves de terminale.

Les pratiques collaboratives sont encouragées : faire comprendre qu’un même message peut être perçu différemment par les récepteurs améliore la capacité critique des jeunes envers les médias. L’enseignant peut d’ailleurs collaborer au groupe en réfléchissant à ses propres pratiques. Les recherches montrent, en effet, qu’une condition importante de la posture critique est sa coconstruction.

Efficaces, également, les pratiques réflexives : elles favorisent les conduites responsables dans l’usage des médias numériques comme la lutte contre le harcèlement en ligne. Enfin, les pratiques impliquant des journalistes sont conseillées, par exemple pour travailler sur les théories du complot.

Afin de poursuivre l’effort engagé, le Cnesco préconise de généraliser l’EMI, en particulier dans les établissements accueillant une forte proportion d’élèves défavorisés, et de former les enseignants.