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Les idées simples

Qui est dupe ? Les projets de remise au pas des fauteurs de trouble ne rassurent que ceux qui ont besoin de changer les discours pour avoir l’impression de changer la réalité. Les ministres eux-mêmes admettent l’irréalisme des mesures envisagées dans les premiers emportements. Non le CNIRS n’est pas supprimé… Mais non, il n’est pas question que les plaintes pour incivilité transforment l’école en champ de bataille judiciaire. Non, non, les centres fermés ne seront pas des prisons…

De leur côté les enseignants avaient eux aussi donné le ton : un certain nombre de profs de lettres et de philo, hérauts d’une culture que personne ne songe à détruire et protecteurs d’une « philosophie » qu’il est pourtant bien question de rendre accessible, se sont élevés contre une évolution de l’école qui fait que les professeurs, ne pouvant plus compter sur le seul pouvoir du discours magistral, sont contraints de se préoccuper aussi de questions que se posent réellement les élèves et d’inventer des dispositifs pédagogiques capables de les mettre en activité.

Tout le monde, donc, entend défendre la culture et les lettres et la langue et l’école et l’enfant. Pour cela, il faut se méfier de l’innovation pour plutôt s’en remettre au pénal, enfermer les rebelles et imposer par la contrainte l’obligation scolaire protectrice de la dictée [[Du moins, Luc Ferry en a-t-il fait un surprenant éloge]], de l’étude linéaire [[Voir note 3 de l’article de Marie-Christine Chycki]], de l’autorité des penseurs patentés et des anciennes épreuves du bac qui fichent la paix au professeur et au correcteur… Sans vouloir minimiser les réelles difficultés que rencontrent les enseignants face à l’évolution de leur métier ni les cafouillages qu’ont entraînés les nouveaux dispositifs du bac de français, on ne peut s’empêcher de voir dans tout cela une volonté d’afficher le souci de préserver l’ordre ancien plus qu’une intention de rappeler la règle.

Tout se passe comme si la difficulté que représente la nécessité de se remettre en question déclenchait mécaniquement le réveil des « idées simples » qui se traduisent par un retour aux bons vieux principes, aux constats en béton, aux évidences inoxydables, aux procédés imbattables… parfaitement inapplicables et contre-productifs dès qu’ils sont mis en perspectives et replacés dans le contexte des réalités.

Nous n’avons à opposer en contrepartie que des solutions nécessairement complexes, inscrites dans la durée, sans cesse compromises par les dérives inhérentes à toutes pratiques. Plus que jamais nous devons dire, échanger, « ce qui marche », ce qui a fait sens, dans nos classes, nos établissements… seule réponse et la plus difficile sans doute à la démagogie sécuritaire.

Pierre Madiot