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Les Entretiens de la Villette comme si vous y étiez

Les dés sont jetés par F. Dubet, avec force et conviction : l’école est nécessairement en mutations du point de vue des technologies, de l’état des savoirs, des moyens d’information, des décalages sociologiques. Ce n’est rien de le dire ; c’est le mouvement de toute société. Cela rassure et fait très, très plaisir. Il nous reste à assumer professionnellement tous ces changements. C’est là le cœur de notre métier et c’est ici l’exercice de nos compétences.

Les Québécois R. Cloutier et M. Tardif se positionnent aisément d’un point de vue sociologique et idéologique (contrairement aux chercheurs de l’éducation de Paris) autour de la question : quels enjeux pour l’éducation et pour qui ?

Les mutations de la société profitent-elles à toutes les populations scolaires de la même façon ? Non, on le sait bien car les lois du marché pénalisent de fait, et surtout, les milieux faibles économiquement et culturellement. Alors quelle école publique voulons-nous promouvoir dans ce contexte ? Les méthodes, les programmes, les contenus, les outils proposés aux élèves sont-ils interrogés, travaillés, construits pour que ces élèves eux aussi accèdent au savoir, à la parole, au pouvoir ?

C’est au niveau national que se définit avec « force » la politique d’éducation attendue ; c’est aux enseignants, sur leur lieu de travail, d’inventer, d’organiser, d’expérimenter et de pratiquer des démarches pédagogiques et didactiques les plus à même d’atteindre les objectifs visés pour la nation.

C’est au nom de cette politique publique d’éducation que les évaluations doivent s’effectuer, plutôt que d’afficher les performances libérales des établissements publics. Chacun peut sans difficulté dans sa région situer les « bons » et les « mauvais » établissements. Chacun connaît aussi les stratégies et les moyens pour déroger.

Innover dans son coin ne suffit pas, même si c’est vital. Si le métier d’enseignant doit changer, alors il faut la volonté politique de prendre des mesures pour effectuer ce changement (programmes, statuts des maîtres, moyens d’enseignement, évaluation des dispositifs…)
Il est nécessaire d’afficher sans tarder ce que M. Tardif appelle « une éthique professionnelle de l’enseignant » pour permettre aux élèves et aux familles de trouver la ré-assurance culturelle et personnelle qu’ils attendent d’une école non élitiste.

R. Cloutier propose quelques interrogations fondamentales pouvant guider nos pratiques et nos choix : – Quelle incidence les évolutions des savoirs ont-elles sur les conditions de vie quotidienne de chacun ?

Quelle formation des enseignants doit-on envisager pour les préparer à l’analyse des faits sociaux ?

Quel impact les acquisitions scolaires ont-elles sur le développement des solidarités et de la citoyenneté ?

Quels moyens sont attribués au secteur public pour pouvoir rivaliser avec le secteur marchand de la formation.

Elle nous invite en quelque sorte à aiguiser davantage notre analyse sociopolitique du point de vue d’une école qui doit être réellement au service de tous les publics.

Christian Frin (IUFM Nantes)