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Le numérique contribuera à lutter contre l’échec scolaire… si on y travaille !

On a vu l’échec du Plan Informatique pour tous de 1984-85, avec les formations peu adaptées des enseignants, la production de nombre de programmes médiocres, les exercices mécaniques, le tout sans vraie réflexion de fond sur ce que pourraient être des outils pertinents pour personnaliser les apprentissages de manière progressive et interactive.

Le mouvement des classes inversées, nous parait fécond et riche de promesses, bien qu’il engendre aussi d’autres illusions, lorsqu’il en reste à une conception simpliste qui pourrait sous-estimer la difficulté du travail « à la maison » d’une grande frange de la population scolaire.

Oui, le numérique peut nous éloigner du concret, de la manipulation effective (pas seulement avec les doigts sur le clavier), alors même que tant d’élèves auraient besoin de pouvoir exprimer leurs compétences manuelles et physiques, dans un cadre cependant bien différent de la séparation élitiste entre soi-disant manuels et soi-disant intellectuels.

Oui, internet est aussi un monde de dangers, de possibles enfermements communautaires et déversoir d’un culture fragmentée. Mais ne peut-on dire, à peu de chose près, la même chose de l’écrit, des autres médias, etc.  si l’on ne fait pas travailler les élèves sur le sens et l’esprit critique ?

Plus que jamais, il nous faut quitter les logiques binaires improductives et les prêt-à-penser qui fleurissent dans les ouvrages simplistes ou les discours démagogiques de certains politiques…

Conditions

Le problème n’est plus, nous semble-t-il, s’il faut ou non du numérique à l’école et par rapport à la thématique de cette journée si le numérique peut être un élément de lutte contre l’échec, ou plutôt une contribution à la réussite de tous, mais à quelles conditions cela se peut faire. Citons-en seulement ici quelques-unes :

  • 1. Le numérique est un plus, « ceci ne tue pas cela » selon les mots de Victor Hugo, ou ne doit pas le faire. Les élèves doivent aussi bien apprendre à se servir d’un GPS que d’une carte de géographie et lire sous les supports les plus divers, même si on ne lit pas de la même façon sur tablette et dans un livre, de manière linéaire ou hypertextuelle.
  • 2. Le numérique ne doit pas être seulement un moyen plus attrayant de faire la même chose qu’avant le numérique. On a évoqué plus haut ces activités mécaniques qui sont aussi inefficaces sur ordinateur qu’autrement. On connait aussi le peu attrayant diaporama qui ne fait que moderniser le cours magistral dans trop de cas. En revanche, le numérique apporte un plus quand on écrit de manière collaborative un texte, qu’on peut travailler les réécritures en live, quand on échange en langue étrangère à l’autre bout du monde…
  • 3. Le numérique permet d’éviter des activités fastidieuses, si on sait bien s’en servir. L’écriture a bien jadis permis de libérer la mémoire de tout ce par cœur nécessaire dans une culture orale. Arrêtons de valoriser la recherche dans le « bon vieux dictionnaire » si improductive pour beaucoup d’élèves au détriment des multiples utilisations d’outils de toutes sortes sur ordinateur (banque de synonymes, recherche adaptée à l’âge, etc.)
  • 4. La recherche d’informations doit devenir une compétence essentielle du socle commun, à condition qu’on conjugue les trois verbes : chercher, trier, exploiter et qu’on mette au premier plan la vérification des sources. Nous proposons par exemple dans le dossier des Cahiers pédagogiques « Apprendre à chercher, chercher pour apprendre » (n°508) des pistes très riches empruntées par des enseignants dans cette perspective. Une nécessité : que les élèves n’aillent pas chercher dans une seule direction, diversifient leurs sources, comme le soulignait Jacques-François Marchandise dans une conférence-débat de nos récentes Rencontres d’été.

Ce ne sont là que quelques suggestions, qu’il faut sans doute compléter par la richesse créative qu’offre le numérique et la nécessité de faire entrer les élèves dans le « back office » (d’où un apprentissage raisonné du codage par exemple, comme le propose La main à la pâte). Nous renvoyons à la réflexion déjà ancienne de notre revue sur le sujet, depuis des numéros et ateliers des années 80 jusqu’à la production actuelle de plusieurs dossiers sur l’usage du numérique à l’école primaire, dans les disciplines au collège et lycée, en attendant un numéro sur les classes inversées dans quelques mois.

Contribution du CRAP-Cahiers pédagogiques à la Journée de refus de l’échec scolaire de l’AFEV sur le thème «Le numérique contre les inégalités éducatives».