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Le corps à l’école

 » Tout savoir, je veux ça./ Tout savoir, c’est comme une mélodie, une petite symphonie. Tout savoir des secrets de la vie./ L’enfant qui sait où il va peut sortir du silence. L’homme qui sait où il va ne marche pas : il danse, il danse, il pense, il pense. » La danse du gai savoir. Daniel Beaume, auteur compositeur.

Qu’en est-il du corps, des corps lorsqu’ils pénètrent les murs de l’école ? Bien sûr, les choses ont évolué depuis la publication par les jésuites, en 1599, du Ratio Studiorum ; pourtant, les innovations de l’époque, fondatrices des invariants de la culture scolaire française (espace clos, récréations, emploi du temps, programmes, etc.), influencent toujours notre système et son fonctionnement. Notamment cette idée qu’il faudrait discipliner, voire contraindre le corps pour permettre à l’esprit d’apprendre. Et pourquoi ne pas s’appuyer sur son épanouissement plutôt que de l’enfermer dans un cadre souvent douloureux ? Dans ce débat sur les liens entre corps et esprit (le mind-body problem, comme disent les Anglo-Saxons), certains font le pari que dans la construction du (gai ?) savoir, le corps est un allié plutôt qu’une gêne, par l’intermédiaire, entre autres, de la perception (ce que je vois, ce que j’entends, ce que je touche, ce que je sens, ce que je ressens, ce que je goute).

Le débat est récurrent, peut-il en être autrement ? De précédents dossiers des Cahiers pédagogiques sur ce sujet avaient mobilisé des professeurs, formateurs d’éducation physique et sportive et parfois de théâtre. Ce sont aujourd’hui des enseignants du premier et du second degrés, des conseillers pédagogiques, des formateurs, des enseignants de nombreuses disciplines, des chercheurs, des infirmières, un inspecteur général qui prennent la plume pour nous faire part de leurs expériences et de leurs réflexions.

La première partie de ce dossier interroge la manière dont les corps vivent l’école. Corps des enseignants, qui s’exposent, qui jouent de leur image, qui souffrent aussi. Corps des enseignés, qui imposent leurs besoins, qui se transforment, qui se plient sous les contraintes, se déplient vers la sculpture qui leur « tend la main ». Des dessins de collégiens montrent la violence ressentie. Des lycéens s’étonnent en découvrant des activités antistress. Qu’ils soient professeurs ou élèves, ils ont à gérer leur différence, leur handicap, parfois.

La deuxième partie s’intéresse de plus près aux apprentissages directement liés à la connaissance du corps, au sens large : les élèves doivent à la fois le découvrir dans son fonctionnement biologique, dans ses transformations (notamment à l’adolescence), le maitriser dans ses possibilités physiques (sportives, vocales) et se préparer à l’entretenir. Un exemple d’activités d’EPS, au Danemark, montre différentes voies possibles.

Enfin la dernière partie propose expériences et réflexions autour du corps perçu comme levier à mobiliser, quels que soient les apprentissages. Dans de multiples allers et retours entre sensations, perceptions, mémorisations, compréhension et conceptualisation, les élèves peuvent progresser dans toutes les disciplines : des activités de motricité pour enrichir le langage en maternelle, le geste graphique pour mieux fixer l’orthographe, la construction corporelle d’une image pour entrer dans une œuvre littéraire. Sur le site on découvrira comment la danse aide à comprendre la grammaire anglaise.

Dans ces analyses et témoignages, le corps apparait bien, non seulement comme un vecteur, mais plus encore comme un acteur à part entière des apprentissages. Moyen et fin en soi, incontournable à maitriser dans ses fonctions, son langage, ses possibilités. « Il danse, il danse, il pense, il pense. »

Armelle Legars et Odile Tripier-Mondancin