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« Le cinéma permet d’atteindre l’universel »

Au sortir de cette coordination de dossier, qu’est-ce qui vous laisse étonnés ?
azamaron.jpgAlain Zamaron : Le fait que finalement beaucoup de collègues utilisent le cinéma en classe. J’avais un peu l’impression d’être un extra-terrestre lorsque j’en faisais, critiqué de tous côtés (inspecteur – attention, pas tous, loin s’en faut –, parents, collègues). Beaucoup d’idées à travers les témoignages, dans des disciplines très, très variées.

 

A travers les témoignages recueillis, que diriez-vous que le cinéma apporte de particulier, voire d’unique, aux élèves ?
guy_lavrilleux.jpgGuy Lavrilleux : Les cinéphiles ont toujours été une minorité même quand le cinéma était un art populaire (aujourd’hui, l’industrie dominante ne vise plus que les jeunes de 12 à 25 ans). La consommation d’images va croissante et réalise la « société du spectacle » décrite par Debord au (grand) profit, comme annoncé, des oligarchies régnantes : aliénation des images prises avec smartphones, consommation de la télévision (en lent déclin) et de l’internet (en forte progression). De ce fait, il me semble plus indispensable que jamais de travailler dans les domaines scolaire et éducatif à la déconstruction de ce renoncement à l’humain.

En fait, pour les élèves, il s’agit donc, à propos du cinéma, en lecture ou en création (quand c’est possible), de les aider à prendre du recul, à en finir avec la spontanéité, à se situer dans une Histoire. Rien d’autre, finalement, que ce qui est demandé pour toute forme d’apprentissage. En ce sens, le cinéma n’a rien « d’unique » : il est seulement un domaine de connaissance indispensable, y compris parce que la diversité de ses oeuvres permet d’atteindre, directement, à de l’universel, pour peu que l’on refuse toute vision « religieuse » donc sectaire.

Et vous-mêmes, quelles réussites gardez-vous de vos propres utilisations du cinéma dans vos classes ?
Guy Lavrilleux : Pour ma part, je suis devenu prof de français par passion pour les BD quand j’étais écolier, pour le cinéma dès que j’ai pu « sécher » les cours de mon « grand lycée » nantais à partir de la 5e. C’était l’autre siècle ! Quand j’ai commencé à enseigner, j’ai failli être viré (j’étais MA) pour faire étudier des BD en classe. Quant au cinéma, il n’était matériellement possible dans les campagnes où j’ai débuté, que de créer des ciné-clubs, ce qui, au moins, permettait aussi d’avoir un lieu de contact avec les parents.
Évidemment, avec l’apparition des magnétoscopes, j’ai pu commencer à, vraiment, travailler sur et avec le cinéma. Et le retour, un peu plus tard, sur la ville de « Lola », m’a ouvert bien d’autres possibilités matérielles s’ajoutant aux 5 000 films de ma vidéothèque.

Pour citer une expérience, renouvelée une dizaine de fois, vraiment marquante : le travail – dans le cadre de Collège au cinéma – avec un ingénieur du son (un « boom operator » pour être précis) apprenant à la classe à reconnaitre un montage son, à réaliser par groupes un doublage voix ou à choisir des illustrations sonores (musique ou bruitages) pour une séquence d’un film contemporain («Alien » de Ridley Scott, par exemple) Réussite toujours renouvelée pour mes élèves de ZEP : pour une fois, ils découvraient dans la classe un vrai travailleur ! (Très sympa, mais très peu « pédagogue » pourtant.)

Alain Zamaron : Malgré toutes les difficultés, les satisfactions sont venues des élèves. Trente, voire quarante ans plus tard, tel ou tel vous aborde dans la rue en disant « vous vous rappelez de notre film ? J’étais dans la promotion qui a réalisé celui-ci ou celui-là… » ? Au-delà de l’acquisition des connaissances et du respect des programmes, la mise en place du dispositif a permis de « raccrocher » des élèves qui ne trouvaient pas grand intérêt à l’école, ou a permis, pour les autres, de mettre un peu de fantaisie, de magie, dans leur cursus scolaire.