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Le bac, une réforme impossible ?

Souvent décrit comme un monument national auquel il est impossible de toucher, le bac va peut-être bouger un peu. Le rapport Mathiot, publié en janvier dernier, avait ouvert des pistes intéressantes, notamment en termes de diminution du nombre d’épreuves finales au profit d’une meilleure prise en compte du contrôle continu en cours de formation et avec la place faite à l’interdisciplinarité et à l’oral. Las ! Ce que le ministère en a retenu s’est progressivement réduit à peau de chagrin et ce qui semble actuellement envisagé pour la génération des lycéens entrant en classe de 2de risque de produire l’effet contraire à celui recherché ! Trop d’épreuves dans le bac actuel ? Oui, mais avec un contrôle continu reposant sur des épreuves nationales dès la classe de 1re, la pression sur les élèves va s’accentuer, les lycées vont vivre au rythme de ces épreuves et les chefs d’établissement dénoncent d’ores et déjà l’accumulation des tâches d’organisation correspondant ; l’objectif était-il donc avant tout de soulager la grande machine administrative et de faire des économies en reportant cette organisation sur les enseignants et les chefs d’établissement ?

Ce dossier est l’occasion, avant que la réforme ne prenne effet, de revenir sur l’histoire de cet examen, sur son évolution et les nombreuses tentatives pour le réformer. Oui, le bac a changé, mais pas dans le sens que l’on déplore souvent en prétendant que «tout le monde peut le réussir». Il s’est démocratisé, avec la création du bac professionnel, mais il n’ouvre pas les mêmes portes selon les séries, et 20 % d’une classe d’âge n’atteignent pas ce niveau ; il s’est aussi complexifié, avec une multitude de séries et d’options, rendant son organisation de plus en plus lourde et couteuse.

Le rôle du baccalauréat dans le cursus des élèves sera-t-il clarifié avec cette réforme ? La comparaison avec d’autres pays peut nous aider à situer l’examen français, qui semble vouloir conserver sa double fonction de certification des connaissances en fin de parcours du lycée et d’accès aux études supérieures. Il est encore trop tôt pour mesurer l’impact de la transformation d’APB (admission postbac) en Parcoursup et celui de la suppression des filières au lycée général, mais on peut d’ores et déjà constater que la réforme ne concerne que le lycée général et n’envisage aucun rapprochement entre les bacs généraux, technologiques et professionnels, avec des effets sur l’orientation en fin de 2de et des conséquences sociales sur le système éducatif.

L’objectif de ce dossier est aussi d’anticiper pour mieux se préparer à cette réforme, en proposant quelques pistes pédagogiques et une réflexion sur des disciplines (philo, français, sciences) qui se sentent mises en danger par les annonces ministérielles, et en donnant la parole à des enseignants qui questionnent les orientations annoncées. Et, bien sûr, une réflexion sur l’évaluation s’impose : qu’entend-on par contrôle continu et pourquoi multiplier à ce point les épreuves ? L’annonce d’une nouvelle épreuve, dite «grand oral», a déjà suscité des réactions diverses dans les médias. Nous y reviendrons, avec des propositions concrètes expérimentées par des collègues, dans un prochain dossier consacré à la pédagogie de l’oral.

Celui-ci mêle les réflexions sur l’actuelle réforme et des articles que nous avons publiés dans des précédents dossiers sur les examens, le coup d’œil rétrospectif étant parfois très éclairant. Élaboré à la fois dans l’urgence et dans le flou d’une réforme qui s’est annoncée à grand bruit et tarde désormais à se préciser, il aidera, nous l’espérons, à mieux appréhender les tenants et aboutissants de cet examen intouchable.

Hélène Eveleigh
Professeure de français retraitée, académie de Créteil

Philippe Pradel
Proviseur honoraire