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Le CRAP Cahiers-pédagogiques et la réforme du bac

Les lycéens manifestent leur mécontentement devant la future loi d’orientation et s’élèvent en particulier contre le projet de réforme du bac, qui notamment diminuerait le nombre des épreuves et introduirait une petite dose de contrôle continu. Le ministre avance des arguments dans la presse pour justifier cette réforme, tout en semblant reculer. Il faut bien dire que ses attitudes méprisantes envers les opposants taxés globalement de conservatisme et les accusations faciles de « manipulation » n’ont guère facilité le dialogue. Essayons d’y voir clair, en nous tenant à l’écart de toute démagogie comme de toute complaisance envers qui que ce soit.

Le CRAP Cahiers-pédagogiques a été à l’initiative d’un texte co-signé par 13 organisations [[Texte signé le 13 octobre par les organisations suivantes : CEMÉA, CRAP-Cahiers Pédagogiques, ÉDUCATION & DEVENIR, FEP-CFDT, FOEVEN, Francas, GFEN, ICEM, La Ligue de l’Enseignement, OCCE, SE-UNSA, SGEN-CFDT et SNUIPP-FSU]] « Pour la réussite des élèves, faisons avancer l’école » [[ https://www.cahiers-pedagogiques.com/article.php3?id_article=1169 ]] dans lequel il est affirmé (point 5) :
« Repenser le rôle et la place des examens terminaux de manière à alléger leur influence sur l’ensemble de la scolarité, sans remettre pour autant en cause leur caractère national. On doit faire preuve d’imagination dans les évolutions nécessaires des modalités d’évaluation de certification : amélioration des épreuves terminales, recours dans certains cas aux unités capitalisables ou au contrôle en cours de formation. »
Il serait bien incohérent du coup de s’opposer à une évolution du bac. Le contrôle en cours de formation existe déjà pour un certain nombre d’épreuves (l’EPS par exemple) et dans l’enseignement professionnel, la sélection pour les classes préparatoires se fait sur dossier, à partir notamment des notes obtenues en contrôle continu bien avant le baccalauréat, qui n’est qu’une confirmation. Le baccalauréat est trop lourd, trop chargé d’épreuves, et il y a longtemps que la recherche a montré que la notation de ces épreuves ne garantissait pas l’objectivité.

Le problème est que la réforme proposée, si elle touche à cette « vache sacrée » qu’est le baccalauréat, est en même temps d’une timidité extrême sur le contenu. On est loin de « l’imagination » évoquée ci-dessus, on est loin de l’idée d’évaluer d’autres compétences que celles qui relèvent d’une certification académique : davantage d’évaluation de l’oral en langues, soutenance de travail personnel [[Les professionnels que sont les enseignants savent et sauront parfaitement distinguer un dossier personnel solide d’un vulgaire « couper-coller ». C’est leur faire injure que de penser qu’ils puissent se laisser berner par cela !]] exposé devant un jury (tiens, justement ce qui apparaissait avec les TPE supprimés en terminale [[Nous continuons et continuerons à nous battre pour le rétablissement de ces TPE en terminale, même si nous considérons comme une première victoire la promesse par le ministre (entretien dans le Parisien du 12/02) de leur prise en compte dans le bac dès 2006 comme épreuve anticipée. Mais ce n’est qu’un pis aller.]]), épreuves scientifiques ou littéraires davantage basées sur la recherche et sur la créativité du candidat. La diminution du nombre d’épreuves à l’examen pouvait justement laisser la place à ce type d’évaluation nouveau, qui entraînerait sans nul doute une modification des pratiques pédagogiques. Mais, on sait que, au contraire de cela, la loi encourage le conservatisme en la matière sous couvert de « liberté pédagogique », en fait la liberté de ne pas changer…

Nous ne nous laisserons pas enfermer dans de curieux dilemmes : selon le gouvernement, les conservateurs seraient ceux qui s’opposent aux réformes du ministre ; selon certaines organisations, défendre le bac tel qu’il est serait le dernier cri de l’antilibéralisme et tout projet de transformation serait introduire dans l’enseignement le cheval de Troie de la « marchandisation ». Face à de tels slogans simplistes, et avec d’autres organisations, nous critiquons sur le fond le projet de loi d’orientation, qui à bien des égards est un retour en arrière justement bien peu « réformiste », et nous refusons le maintien du simple statu quo.
Nous comprenons bien la colère des lycéens devant la réduction de moyens (qui va de pair avec celle des impôts nationaux, ce qui est difficilement compatible avec la réduction des inégalités !), devant la suppression des TPE en terminale, nous comprenons leur désarroi devant un avenir très bouché (et peu d’éléments dans la loi laissent un espoir de déblocage). Mais la sacralisation du baccalauréat n’est pas, selon nous, un bon axe de combat. Oui, il faut faire évoluer la loi d’orientation, mais surtout faire avancer l’école dans le sens de la réussite de tous. Le surplace est aussi catastrophique que la marche arrière.

Le bureau du CRAP, le 14 février 2005.

Le CRAP et la réforme du bac