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Le CDI pour former à l’esprit critique

Le fait d’avoir aujourd’hui l’information à portée de main et de clavier, via Internet en particulier, ne garantit en rien que se développe mieux l’esprit critique [[ Voir à ce sujet le site du Café pédagogique qui propose un dossier sur le récent Congrès de la Fadben selon lequel « la nécessité de travailler en équipe devrait être relayée lors de la formation initiale des enseignants. » Lire le dossier ]]. Les élèves croient savoir chercher, ils trouvent des pages, ils sont sûrs qu’ils ont la réponse à la question posée par le prof. En tant que prof documentaliste, je mesure leur difficulté à se distancer de l’information brute donnée par Internet qui demande une éducation, un suivi, surtout lorsqu’ils sont envoyés seuls pour préparer un exposé ou faire une recherche « en autonomie ». Et ne parlons pas des recherches faites à la maison…
Quelles propositions, quelles solutions ? L’initiation au CDI doit aller au-delà d’un simple repérage des
ressources papier et numériques en 6° : le BO de 1986 (que devrait compléter bientôt, on l’espère de puis longtemps, un nouveau texte) nous incite à proposer au moins 6 heures au CDI[[Les députés de tous bords qui ont réfléchi à la question du socle commun au sein de la Commission des affaires culturelle, familiales et sociales présidée par Pierre-André Périssol, ont d’ailleurs recommandé « l’apprentissage des technologies de l’information et de la communication (TIC) non pas dans une optique de connaissances des techniques usuelles à des fins utilitaristes professionnelles mais comme un moyen de développer l’aptitude à rechercher, valider, trier de l’information. » Lire le rapport ]]. Mais l’on sait très bien que si ces heures, parfois réalisées par le prof documentaliste seul, ne sont pas actualisées dans des travaux en projet et en partenariat avec les enseignants de discipline, elles sont aussitôt oubliées par les élèves . Il nous est recommandé maintenant par notre Inspection, de mettre dès le début de l’année, les élèves en situation dans des projets en relation avec les programmes disciplinaires, en essayant de convaincre les professeurs de l’intérêt de cette démarche et en leur demandant de participer avec nous. Car non seulement les élèves percevront alors mieux le « sens » de la discipline enseignée, mais cette dernière contribuera à l’apprentissage par tous des règles de l’information et de la documentation : nous sommes bien là dans le registre de la citoyenneté et de la démocratie.

Comment faire œuvre de démocratie ?

C’est-à-dire comment toucher TOUS les élèves de façon égale ?
– Les IDD en cinquième et quatrième sont un excellent moyen de réactiver des connaissances, des savoir-faire mis en œuvre en 6°.
– Le travail sur documents de toutes sortes est formateur pour l’élève quand il est bien intégré, et non quand l’élève pense tout trouver d’un coup sur Internet : « plus on accumule d’informations, on copie ou imprime des pages et surtout en couleurs, même si on ne les a pas lues, mieux ça ira, ça plaira au prof, car en général, on ne comprend pas trop les consignes ». Où est l’esprit critique là-dedans ? Je me bats chaque jour pour faire comprendre aux élèves que rechercher l’information ce n’est pas ça, même construire un exposé consiste à engager une recherche personnelle et non à effectuer une compilation.
Mais, comment former les élèves ? D’abord cette formation ne devrait pas se réduire à la sixième, même si elle est prioritaire dans mon établissement. Elle concerne tous les niveaux. Et les enseignants devraient avoir une réflexion à ce sujet. Lorsqu’un élève a un travail de recherche à faire en autonomie, il faudrait que l’on se préoccupe de savoir s’il a déjà intégré certaines notions et si ce n’est pas le cas, mettre tout en œuvre pour le mettre en situation d’apprentissage mais accompagné et non livré à lui-même : savoir se poser des questions et problématiser son sujet, lire de manière diversifiée pour pouvoir sélectionner et traiter les données pertinentes, aboutir par des opérations de tri, de classement, à une réflexion personnelle, un sujet original, c’est cela la pensée critique en œuvre. Et enfin l’apprentissage de la « production » permet à la fois d’analyser et de critiquer les règles de communication : publicité, panneau d’exposition, article de journal, page web, cd-rom, diaporama numérique, pages web etc, qui ont chacune leurs critères propres.
C’est en réalisant ces productions que l’élève peut les comprendre de l’intérieur, se les approprier de manière distanciée donc critique. De plus, ces réalisations ne sont pas faites seulement pour le professeur comme dans le cas du dossier classique, ou même l’exposé, mais pour une communauté plus large, ce qui change complètement les règles d’énonciation.
Conséquences à tirer de tout cela : toutes les classes du collège sont concernées. Des travaux en partenariat devraient donc être poursuivis au-delà de la 6° en plus des IDD, et en particulier en 3° pour la préparation au lycée où les élèves rencontreront l’ECJS et les TPE. Le manque de temps dû à la préparation du brevet est très souvent invoqué comme un obstacle pour ne pas entrer dans ce processus, mais il faudrait s’interroger pour savoir en quoi ce travail est nécessaire aux élèves et développe la citoyenneté qui est un des objectifs d’une école démocratique. Pour l’instant, l’inégalité de traitement domine.

Nadine Lanneau, Prof documentaliste, collège de Boulogne sur Gesse.