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La violence en milieu scolaire, tome II : le désordre des choses

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Nous avions ici parlé en termes très élogieux du premier tome de La violence en milieu scolaire. On lira avec intérêt ce second tome, écrit avec d’autres membres de l’équipe de chercheurs pilotée par E. Debarbieux, même s’il n’a pas un côté aussi novateur que les analyses percutantes proposées dans le tome I.

On retiendra cependant les vigoureuses alertes à propos de la montée des  » tensions ethnicisantes  » et de la tentation du  » tout-répressif « . Certaines pages font froid dans le dos, comme dans le compte rendu d’un sinistre débat à l’Académie des sciences, pages 55 à 57 au cours duquel par exemple une inspectrice générale évoque  » les hordes barbares  » et  » les troupes d’enfants-loups errant le couteau à la main dans les campagnes  » et un académicien  » l’invasion  » (de devinez qui !) Les  » crispations identitaires  » flirtent bien souvent avec un racisme qui certes reste très minoritaire dans le corps enseignant, mais progresse insidieusement.

On appréciera aussi la mesure de l’auteur qui refuse tout autant une dramatisation outrancière qu’une insouciance coupable et qui dénonce chez certains ce qu’il appelle  » l’oubli des victimes  » (la violence ne s’exerce pas contre les puissants, mais bien souvent contre les plus faibles).

La troisième partie, devant constituer les tentatives de réponse, est, dirons-nous, forcément décevante. L’auteur et son équipe refusant les  » y a qu’à « , ce qu’ils proposent ne peut être que partiel et modeste ( » modestie  » fortement revendiquée dans la conclusion). Ils font à nouveau référence à leur travail d’enquête dans les établissements et constatent que  » ça marche  » (que la violence baisse, pour aller vite) lorsqu’un certain nombre de facteurs sont réunis : la mobilisation des enseignants, la présence d’une administration active et volontariste et sans doute le refus d’un pseudo-consensus qui oublie la fécondité du débat démocratique et du conflit maîtrisé. E. Debarbieux pointe aussi les risques de dérive d’une certaine pédagogie coopérative dès lors qu’on oublie par exemple que le  » conseil  » n’est qu’un outil au service de projets et ne doit pas être utilisé n’importe comment (exemples cruels cités de  » règlement de comptes  » et de  » recherche de boucs émissaires « ). De même bien sûr qu’il faut se méfier des déclarations ronflantes sur le partenariat et d’un certain type de travail sur le règlement intérieur (qui n’est pas toujours prioritaire et ne doit pas prendre toute l’énergie des acteurs).

À maintes reprises, sous le chercheur affleure le militant, et nous ne nous en plaindrons pas, même si le passage de l’un à l’autre n’est pas toujours facilement repérable.

Une des conclusions, en tout cas, rejoint bien nos préoccupations : il faut renforcer la formation pédagogique, lutter pour plus de  » justice scolaire  » (les collèges sensibles ont en moyenne cent élèves de plus que les autres), favoriser le partenariat de proximité (les parents d’élèves ne sont pas là pour aider à la paix sociale, mais constituent une composante de la  » société « ), développer la dimension collective dans les établissements. Et ceci  » malgré les cris d’orfraie des idéologues « .

Jean-Michel Zakhartchouk

À noter aussi la parution de l’ouvrage de Jean-Claude Caron À l’école de la violence, châtiments et sévices dans l’institution scolaire au XIXe siècle (Aubier, collection historique), à faire lire aux nostalgiques du  » bon vieux temps « . Des débats qui restent d’actualité, menés il y a cent ans par des pédagogues, mais aussi des médecins, des romanciers, des experts…


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