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La question des « outils » en aide individualisée

Notre groupe IREM a travaillé pendant deux années (2002-04) sur un projet intitulé Ressources pour l’aide individualisée en mathématiques (classe de Seconde). Notre objectif était de répertorier les ressources actuellement disponibles sur l’Aide Individuelle en seconde (AI) et de faire une synthèse des idées, des pratiques et des expérimentations qui la caractérisent[[IREM de Rennes (2005). L’aide individualisée en classe de Seconde, en mathématiques : de quels outils avons-nous besoin ? Université de Rennes 1.]].

Quelles ressources disponibles ?

Une recherche documentaire[[Cette partie du rapport de recherche peut être consultée et téléchargée à partir des pages de notre groupe : [ Consulter le rapport ] ]] nous a permis de constater que le volume des fiches proposées était assez conséquent et que deux sortes de fiches dominaient :
– des fiches de travail à contenu mathématique,
– des fiches à vocation plus méthodologique que disciplinaire.
Dans la première catégorie, beaucoup nous sont apparues comme n’étant pas spécifiques d’une démarche d’aide individualisée mais plus adaptées au travail en module voire en classe entière.
La deuxième représente une vraie nouveauté pour la classe de Seconde. Toutefois, nous pensons que s’attaquer aux difficultés méthodologiques (ce qu’il faut plutôt faire en classe entière) ne résout pas les difficultés profondes des élèves en mathématiques d’autant plus que ces élèves ont déjà tendance à appliquer des règles inadaptées. Notre constat est donc que des ressources existent mais que trop peu sont spécifiques à l’AI ; de plus elles paraissent peu fiables faute, pour la plupart, d’être validées par des résultats d’expérimentation.

Trois idées pour une stratégie

Si ce travail initial de documentation s’est avéré un peu décevant sur le plan pratique, il a toutefois permis à des idées nouvelles pour nous d’émerger peu à peu.
La plus importante est certainement celle du risque de déresponsabilisation des élèves. Les textes officiels mettent l’accent sur l’adhésion de l’élève au dispositif et cette idée d’élève volontaire pour s’engager dans un projet de « remise à niveau » était aussi implicitement contenue dans la démarche d’un groupe de recherche antérieur[[IREM de Rennes (2000). Mathématiques en Seconde : comment aider les élèves en difficulté ? De la recherche d’activités différenciées à l’aide individualisée, Université de Rennes 1.]] . Mais une communication de Y. Matheron et R. Noirfalise[[Matheron Y., Noirfalise R. (2002). L’aide individualisée : entre système didactique auxiliaire inutile et déficit d’analyse didactique entravant son efficacité et son développement, « Petit x », 60, 60-82.]] aux journées de Dijon et la reprise qu’ils en font dans « Petit x » soulèvent l’ambiguïté du dispositif : l’élève peut se dire que s’il va en AI, l’enseignant va « prendre en charge » ses difficultés et qu’il n’a plus qu’à assister à plusieurs séances pour s’en sortir. Or rien de bon ne peut résulter d’une telle attente. Toutefois, là où Matheron et Noirfalise critiquent la nature même du dispositif, nous avons parié sur la responsabilisation de l’élève face à ses apprentissages.
La deuxième idée est la nécessité de parvenir à une meilleure connaissance des acquis et lacunes des élèves. Pour tenter d’aller plus avant dans le repérage des acquis et des difficultés, nous nous sommes initiés à l’utilisation de Pepite[[Jean S., PEPITE : Un système d’assistance au diagnostic de compétences, Thèse de doctorat, Université du Maine, 2000.]], un logiciel d’aide au diagnostic de compétences en calcul algébrique, issu d’une recherche en didactique[[Grugeon B., Étude des rapports institutionnels et des rapports personnels des élèves à l’algèbre élémentaire dans la transition entre deux cycles d’enseignement : BEP et première G, Thèse de doctorat, Université Paris 7, 1995.]].
La troisième idée concerne le recours aux entretiens. Dans les textes officiels relatifs à l’AI, ils doivent permettre d’établir un bilan des acquis et aider à la constitution des groupes. Dans les documents compulsés, ils permettent aussi d’engager les dialogues avec l’élève, de le mettre en confiance et de contractualiser le travail à réaliser. Un autre type d’entretien permet d’agir plus directement sur les difficultés, en induisant des apprentissages et des compréhensions au cours de l’échange lui-même. Cette piste nouvelle de l’entretien cognitif à visée d’apprentissage a retenu notre attention.

De la stratégie aux outils…

A partir de ces idées, de celles avancées par le précédent groupe IREM et du travail de documentation réalisé, nous avons peu à peu été conduits à définir notre propre stratégie pour l’AI.
Plutôt que de privilégier une seule approche, nous avons préféré varier le contenu des séances, non seulement au niveau des notions re-étudiées mais aussi des démarches et supports utilisés. Un tel choix permet d’éviter le caractère répétitif des séances qui ne semble satisfaisant ni pour les élèves ni pour les enseignants, et de prendre appui sur la complémentarité de certaines pratiques.
Nous avons dès lors retenu des outils et supports spécifiques à l’AI, de cinq sortes :
– des outils de diagnostic pour analyser les difficultés des élèves,
– des supports d’entretiens individuels,
– des supports d’apprentissage auto-dirigé,
– des supports de travail collectif en AI,
– des situations-problèmes.

… et à la mise en œuvre en classe

À partir de ces supports, quatre scénarios différents ont été mis en œuvre.
Le premier combine trois des supports précédents :
– l’outil de diagnostic Pepite est soumis à l’ensemble de la classe en début d’année et permet de repérer les difficultés particulières de certains élèves ;
– des exercices de Pepite sont utilisés comme supports d’entretiens individuels ;
– un fichier d’apprentissage auto-dirigé est proposé aux élèves autres que celui qui s’entretient avec le professeur.
Le bilan que les professeurs ont fait de cette expérimentation est positif : les entretiens leur ont permis une meilleure perception des difficultés des élèves. Le bien-fondé de ces entretiens pour les élèves est moins tranché : certains pensent que cela les a vraiment aidés, d’autres non. Les observateurs qui ont assisté aux séances ont pu constater un changement de comportement par rapport au travail auto-dirigé. Les élèves intègrent, au fur et à mesure des séances, les règles du travail en autonomie. Le contrat s’instaure progressivement. De plus, l’entretien semble aider les élèves à pointer leurs difficultés et les rendent plus actifs et autonomes dans le travail auto-dirigé. Cet « effet entretien » ressenti par les observateurs durant les séances, l’a été à plus long terme en classe.

Le deuxième scénario expérimenté n’utilise que le support d’apprentissage auto-dirigé et s’appuie sur une pratique de type tutorat. Dans l’esprit du premier groupe IREM, chaque élève pouvait choisir librement dans le fichier de travail auto-dirigé, la fiche lui paraissant convenir. Après observation, il apparaît qu’il faut savoir laisser un élève se tromper dans ses choix mais qu’il est aussi important de savoir le guider avant qu’il ne se perde complètement. Ainsi, l’ajout d’aides donnant quelques résultats partiels et surtout renvoyant les élèves à des questionnements sur leurs connaissances a abouti à une meilleure implication et prise en charge de chacun, à des échanges entre élèves plus constructifs.

Le troisième scénario s’appuie sur une situation-problème pour mener des entretiens individuels. En classe entière, les élèves cherchent un problème. Les solutions sont débattues puis chaque élève rédige une solution en devoir maison. En corrigeant les devoirs, le professeur peut ainsi repérer les élèves ayant eu des difficultés. En AI, l’élève peut expliciter sa recherche et ses difficultés au cours d’un entretien individuel. Il est conduit à réorganiser ses idées. Suite à l’entretien, il doit rédiger par écrit sa nouvelle solution. Le professeur peut alors mesurer l’apport de l’entretien.

Le quatrième scénario a aussi utilisé un support de type situation-problème mais cette fois-ci avec articulation entre AI, module et classe entière. Les deux premières séances sont consacrées à la recherche et à la résolution d’un problème. Lors de la troisième séance, les élèves rédigent l’énoncé et préparent des aides pour le travail en module. En module, les élèves doivent résoudre le même problème en groupe, chaque groupe ayant un animateur issu de l’AI. Enfin, une synthèse est faite en classe entière. Il paraît intéressant de demander ensuite à chaque élève, dans le cadre d’un devoir maison, de faire un compte-rendu écrit de sa recherche.

Les expérimentations réalisées constituent un premier test des outils retenus. Elles restent néanmoins largement insuffisantes pour valider les supports développés et les scénarios mis en œuvre. Nous espérons toutefois qu’elles donneront des pistes de réflexion et des orientations aux collègues s’impliquant dans l’aide individualisée avec leurs élèves.

Anne Carrié, PLP math. – sciences, pour le groupe de travail.