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La philosophie, une école de la liberté
Quand commence la philosophie, selon vous ?
Je crois qu’elle commence quand on s’étonne. Et je songe à trois étonnements : l’étonnement existentiel, qui porte sur notre étrange situation de mortels, sur l’univers, son étrangeté, sa beauté mais aussi son aspect inquiétant. Un second genre d’étonnement est plus concret, il s’adresse à la société, son fonctionnement, ses injustices. Enfin, une troisième sorte d’étonnement concerne l’homme, et ici on s’interrogera aussi sur notre propre personne, notre liberté et nos préjugés, nos relations avec les autres (au travers d’affects aussi prégnants que la jalousie, le désir de reconnaissance, etc.).Mais alors… la philosophie est à la mode ?
En philosophie, contrairement à l’air du temps qui est aux émotions, il est demandé de se décentrer, de se distancier. Il ne s’agit pas (ou pas seulement) de s’indigner face aux paradoxes ou injustices que nous rencontrons, mais de tenter de comprendre et de remonter aux causes.
La philosophie est une matière intime, qui touche chacun d’entre nous dans ce qu’il a de plus profond et l’interroge sur l’essentiel : « Qu’est-ce que je veux faire de ma vie ? Dois-je m’engager et dans quelle direction aller ? Dois-je suivre une éthique et laquelle ? »
Mais c’est une matière frustrante, car la philosophie ne donne pas de réponse toute prête à nos questions ; il n’y a pas un « mode d’emploi » de la vie ni de l’action, chacun est laissé libre avec la part d’incertitude et d’angoisse que comporte la liberté. La philosophie, néanmoins, n’est pas gratuite, elle nous aide à trouver nous-mêmes nos propres réponses, notamment lorsque nous découvrons les réponses que d’autres personnes ont élaboré, et que nous nous situons face à leurs démarches, arguments, etc. Par cette distance, ce dialogue permanent avec d’autres esprits, cette injonction à dépasser nos grilles de lectures et nos croyances, c’est une école de la liberté.
Est-ce que toutefois la philosophie s’enseigne vraiment ?
On doit pouvoir dire que oui. En terminale, cet enseignement cherche à éveiller l’intérêt pour l’univers philosophique, en montrant que les philosophes ont réfléchi à des questions qui touchent chacun d’entre nous en tant qu’êtres jetés dans le mystére de l’existence (les philosophes se sont intéressés à l’amour, à la finalité de l’existence, aux religions), et aussi en tant que citoyens (ils ont questionné l’action politique, l’histoire et le « progrès » de l’humanité, les choix moraux…).Parallèlement, il prépare à la réussite d’épreuves académiques avec leurs règles et, surtout, la rigueur nécessaire à une réflexion construite. Car la réflexion ne s’improvise pas tout à fait ! Elle demande d’aller à contre-courant de ses opinions et de ses propres réflexes intellectuels, voire émotionnels. C’est ce mouvement d’examen des différentes options, d’argumentation dans des sens opposés, qui exige un certain apprentissage.
Qu’est-ce qui vous a décidé à publier un livre, travail, on s’en doute, immense ?…
En donnant des cours une dizaine d’années, je me suis aperçu que la philosophie était souvent perçue comme une matière abstraite, ne touchant pas à la vie, et que certains élèves l’abordaient avec un mélange de crainte et d’ennui. Souvent, ils ne voyaient pas ce qu’on attendait d’eux en philosophie et risquaient de se lancer dans des textes décousus avec de grandes citations au lieu d’en rester à une réflexion construite, appuyée sur des exemples et des arguments.J’ai tenté de relier les thèmes de la Terminale à quelque chose de vécu, en partant de situations concrètes et parlantes. J’invite à réfléchir à ce qui nous conditionne, la mode, la téléréalité, les discours politiques, les préjugés du temps. Et je propose en même temps un manuel clair et complet, avec l’histoire de la philosophie, ses moments charnières, les principaux thèmes, une explication de ce qui est attendu aux examens et une méthodologie structurée. J’ai voulu travailler sur deux fronts.
A travers ce travail qui m’a pris des années, j’espère avoir réussi à transmettre « quelque chose » du plaisir éprouvant et enivrant de philosopher.