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La note de vie scolaire ou le drôle de drame du CPE

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« Comment peut-on noter la vie ? » s’indigne-t-on à haute voix entre cadres de l’éducation. A ce compte-là, la note de vie scolaire pourrait bien révéler au grand jour une crise identitaire professionnelle. L’imagination collective des CPE pour repenser leur pratique face aux nouveaux enjeux éducatifs semble hantée par l’idée que le sentiment d’insécurité dominant la société française ne les réhabilite en surveillant général. Par conséquent, depuis un quart de siècle, favoriser « l’épanouissement » de l’élève demeure un horizon indépassable. Or, la volonté récente du législateur de reconsidérer les problèmes de respect de la loi à l’école bouscule cette posture bienveillante. Sanctionner ne peut plus rester un tabou. Après la circulaire du 11 juillet 2000 fixant sans détour le cadre légal des modalités de sanctions dans le secondaire, la note de vie scolaire en 2006 entérine la rationalisation des champs éducatifs existants dans les collèges.
Que dit la circulaire du 23 juin 2006 sur la note de vie scolaire ? Figurant sur les bulletins trimestriels de chaque collégien, cette note évalue le respect du règlement intérieur et l’assiduité dans des proportions égales. S’ajoute l’obtention de l’ASSR ou de l’AFPS et surtout la participation aux activités de l’établissement ou aux activités extérieures reconnues par l’établissement.
Respect du règlement intérieur, absentéisme, participation de l’élève, il s’agit bien là des principaux champs de compétence définis dans la circulaire de fonction des CPE. Néanmoins, le scepticisme palpable de ces derniers oblige à se demander si leur approche éducative globale et bienveillante de l’élève peut se traduire par une évaluation chiffrée, sans se trahir ? Résolument affirmative, notre réponse se voudra avant tout opératoire dans son développement. Dans un second temps, nous insisterons sur l’intérêt particulier des CPE de collège à s’investir dans la note de vie scolaire, sans nier de regrettables difficultés d’application.

Piloter en amont

D’emblée, force est de constater que des précautions éducatives chères aux CPE figurent dans les modalités d’attribution de la note de vie scolaire. Outre l’obligation de noter l’assiduité et le respect du règlement intérieur dans des proportions égales, une approche globale et mesurée de l’élève transparaît dans la prise en compte de son évolution. Mobiliser les collégiens dans une vision dynamique d’eux-mêmes est récurrent dans la communication de CPE assaillis par le fatalisme et le déterminisme ambiant. De surcroît, le principe d’ajouter uniquement des points de participation témoigne d’un respect de la psychologie des adolescents à laquelle sont sensibles les CPE. Un dernier signe de bienveillance du législateur consiste à croiser les regards puisque la note de vie scolaire est attribuée par « le principal, sur proposition du professeur principal et après avis du CPE ». En clair, l’autorité du chef d’établissement est symboliquement convoquée pour assurer la saisie de cette note par les professeurs principaux.
Reste l’avis du CPE : comment lui conférer une portée éducative ? Aux propositions de note des professeurs principaux, le CPE ne peut se contenter d’un commentaire plus ou moins subjectif. Son expertise garante d’une certaine cohérence éducative de l’établissement serait cruellement entamée.
Un pilotage en amont du CPE nous paraît beaucoup plus judicieux et profitable à l’ensemble des acteurs du collège, à commencer par l’élève. La première exigence éducative consiste à proposer un dispositif clair dans l’esprit de la circulaire. Seul l’établissement d’un barème permet de fixer des critères objectifs, cohérents, connus de tous et susceptibles d’augmenter ou de diminuer une note initiale. Celle-ci doit être suffisamment élevée non seulement pour signifier l’optimisme et la confiance des adultes envers les élèves, mais aussi pour ne pas pénaliser les élèves peu participatifs. Cette note initiale doit cependant laisser la possibilité, le désir d’augmenter sa moyenne. C’est pourquoi le principe du « permis à point » à 20 sur 20 semble inadéquat d’autant plus qu’il peut renvoyer l’idée d’une confiance aveugle ou démagogique des adultes envers les élèves.

Essais de barêmes…

À titre d’illustration, un collège du Tarn expérimente une note initiale de 16/20. A partir de trois retards non valables, 2 points sont retirés, puis deux points à chaque récidive. Une absence non valable – dûment constatée, notamment auprès des parents – entraîne une suppression de 2 points. Toute retenue, exclusion de cours, blâme ou avertissement enlève 2 points. Il est à noter que les punitions des membres de la « vie scolaire » ont une incidence équivalente à celle des professeurs. C’est 3 points en moins s’il s’agit d’une exclusion temporaire. Les élèves peuvent gagner au maximum 2 points en participant de façon positive à l’une des activités du collège[[Parmi ces activités, figure la participation à l’aide aux devoirs. La fonction – effective – de délégué de classe peut également ajouter des points. Le rappel des obligations liées à cette fonction et la solennité lors des élections ont a priori découragé les candidatures trop intéressées ou fantaisistes. Néanmoins, au-delà de ces précautions, dans un souci d’apprentissage de la démocratie représentative réelle, il convient de gratifier individuellement les élèves assumant des responsabilités collectives. Au surplus, de prochains entretiens avec les responsables de la MJC de Graulhet viseront à augmenter la note de vie scolaire des élèves participant à des activités civiques ou péri-scolaires, connus de ces partenaires.]] .
Néanmoins, le caractère rigide et mécaniste du barème doit être pondéré, ne serait-ce que pour apprécier l’évolution de l’élève durant le trimestre. Ainsi, en fin de trimestre, après consultation des autres professeurs de la classe, les professeurs principaux peuvent ajouter ou retrancher au maximum 4 points à la « note de vie scolaire-barème ».
D’une note initiale à une note finale en passant par une note barème, l’action concrète du CPE ne peut se limiter à initier ce dispositif. Certes, il doit organiser la concertation et la communication. A cet égard, un document à l’intention des usagers du collège rassemblant les droits et les devoirs des élèves du collège et le détail des modalités d’attribution de la note de vie scolaire apparaît opportun. L’explication de « règles du jeu » claires et cohérentes contribue à la responsabilisation et à l’autonomie de l’élève.
Mais le CPE peut et doit aussi fournir aux professeurs principaux la « note de vie scolaire barème ». Il le peut car lui seul centralise les critères objectifs de cette note mentionnés plus haut[[La recommandation de l’Inspection Générale visant à ne pas sanctionner deux fois un même acte n’est délibérément pas suivie. Souvent invoquée, y compris par Philippe Watrelot dans le numéro 441 des Cahiers pédagogiques, la dénonciation de la double peine est une position de principe qui ne résiste pas à l’examen des faits. Lorsque des punitions scolaires se superposent sans conséquences cumulatives claires, c’est renforcer un sentiment d’immédiateté des plus insécurisant pour les élèves concernés. En outre, l’apprentissage du savoir-vivre s’inspire des lois communes. A titre d’exemple, les infractions au code de la route subissent depuis longtemps la double peine, l’une immédiate, l’amende et une autre durable et responsabilisante, le retrait de points sur le permis de conduire.]]. Plus vitaux encore sont peut-être les enjeux pour lesquels le CPE se doit de donner aux professeurs principaux un « avis » des plus ambitieux, c’est-à-dire chiffré. D’abord, nous l’avons évoqué, associée à la mise en place du socle commun, la notation des actes liés au respect de la loi et au savoir-vivre ensemble est une incontestable reconnaissance pédagogique et institutionnelle du rôle éducatif du CPE. A lui de s’en saisir.

Le CPE , un référent

Cette nouvelle note donne surtout l’occasion au CPE d’engager une réflexion collective sur le sens et l’efficacité des punitions et des sanctions. Il doit se réapproprier sans complexe ce champ de tension et devenir référent dans l’établissement, non plus pour sanctionner à la place de, à l’instar du surveillant général, mais pour assumer une politique éducative qui engage tous les acteurs du collège. En cas de besoin finement évalué, il peut notamment convaincre d’expérimenter une gestion collective des punitions et en particulier des retenues. Associée aux apports théoriques d’Eirick Prairat, l’ingénierie éducative des CPE doit réduire la disparité des pratiques coercitives et favoriser l’auto-évaluation de l’élève.
Dans un autre collège du Tarn, l’expérimentation d’un tableau de suivi pendant un an s’est soldée par des résultats encourageants. Présent dans chaque carnet de liaison, ce tableau trimestriel implique que toute retenue n’intervient qu’à l’issue d’avertissements portés sous forme de croix dans ce tableau. L’autorégulation des élèves est ainsi encouragée par la graduation du risque d’être effectivement sanctionné à l’issue d’un processus collectif[[Pour plus de détails sur ce tableau, voir le document en fin d’article.]].
Mais il reste un obstacle pratique de taille : l’absence de solution informatique permettant d’accompagner ces actions globales de suivi. Le quotidien du CPE au collège reste dicté par l’urgence et sans logiciel dédié et convivial, point de salut. Le logiciel libre de Yann Valentini[[Gestion des Punitions et des Sanctions à voir sur ce site : http://cpelyon.free.fr/ ]] est une première avancée dont l’Education nationale devrait s’inspirer pour encourager de telles initiatives coopératives.

Qu’on le déplore ou non, les notes sur le bulletin trimestriel représentent en France le montant du bulletin de salaire du « métier d’élève »[[À juste titre, une traduction des critères de la note de vie scolaire en acquisition (ou non) figurant dans le livret de compétences du collégien susciterait sans doute davantage l’adhésion des CPE.]]. Désormais, la socialisation peut constituer un enjeu bien identifié pour les collégiens. Bien sûr, cette nouvelle note ne modifiera guère le comportement de jeunes en rupture scolaire. Mais elle peut enfin « rétribuer » la ténacité de nombreux élèves en difficulté pour lesquels jusque-là, la bienveillance des CPE représentait peu.

Olivier Vaslet, CPE au collège (ambition réussite) Louis Pasteur de Graulhet.
olivier.vaslet@wanadoo.fr


PROPOSITION DE MISE EN PLACE DE TABLEAUX DE SUIVI TRIMESTRIEL DE L’ELEVE

Objectif des tableaux de suivi :

Ce dispositif vise à :
– harmoniser les pratiques relatives au suivi de l’élève
– renforcer la cohésion et la cohérence des équipes pédagogiques tout en offrant une certaine souplesse à l’échelon individuel
– favoriser une notation pratique des dysfonctionnements repérés
– clarifier l’évolution des difficultés rencontrées par l’élève, pour lui-même et ses parents
– encourager l’auto-régulation par la graduation du risque d’être effectivement sanctionné à l’issue d’un processus collectif.

[En complément, la valorisation des progrès de l’élève peut aussi s’avérer payante. C’est pourquoi un autre tableau permettant de noter les mérites ou les progrès, même ponctuels, enregistrés par l’élève pourrait aussi figurer dans le carnet de liaison.]

Modalités pratiques de fonctionnement

  1. En raison de leur nouveauté, il serait impératif que, dès le début d’année, les professeurs principaux prennent le temps nécessaire pour présenter aux élèves le fonctionnement des tableaux de suivi figurant dans leur carnet de liaison. À cette intention, les CPE fourniraient un document explicatif.
  2. Concrètement, chaque enseignant disposerait de la possibilité de noter une ou deux croix pour des problèmes de « travail non fait » et « d’oubli du matériel ». Quant à une « attitude incorrecte », les avertissements pourraient aller de une à trois croix. Cette latitude éviterait ainsi à chacun de subir une trop grande rigidité du système instauré. Aussi, c’est le professeur portant le dernier avertissement avant une retenue, qui remettrait le carnet de liaison et une feuille de retenue aux CPE ou à la Vie Scolaire.
  3. Toutefois, la réussite de ce dispositif dépend essentiellement du respect de l’évolution des avertissements avant de mettre en retenue l’élève. Il serait même souhaitable que le Règlement intérieur précise que les retenues seraient désormais gérées de manière graduelle dans le tableau de suivi quotidien du carnet de liaison.

    Bien sûr, les enseignants et les personnels de la Vie Scolaire garderaient le loisir de donner un devoir supplémentaire à tout moment. De même, il resterait possible de préciser aux parents les faits relatifs à un avertissement donné dans la partie correspondance du carnet. Enfin, il va de soi qu’une faute grave pourrait être directement sanctionnée par le chef d’établissement.
  4. En cas d’oubli ou en cas de refus de donner le carnet de liaison, l’enseignant serait invité à informer sur une «fiche navette» les CPE ou la Vie Scolaire du type d’avertissement donné, en ajoutant éventuellement un avertissement pour « oubli de matériel » ou « attitude incorrecte » s’agissant du problème de carnet.
  5. En cas de perte du carnet de liaison, la colonne d’avertissement dans laquelle l’élève se trouverait, serait considérée comme atteinte, ce qui correspondrait à une retenue reportée sur un nouveau carnet.

La gestion globale des retenues resterait gérée par le service de la Vie Scolaire et des bilans chiffrés seraient régulièrement communiqués à l’équipe de Direction et aux professeurs.

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EXERCICE DE RETENUE

Comme toi, tes professeurs et l’équipe de la Vie Scolaire souhaitent que ta présence en retenue soit exceptionnelle. Aussi, cet exercice est fait pour t’aider à ne plus te retrouver dans la même situation. Bien sûr, cela suppose que tu fasses cet exercice le plus sérieusement possible. Bon courage.

  1. Choisis 5 situations correspondant à des avertissements qui ont provoqué la retenue de ce jour sur ton carnet de liaison. Précises le jour, le professeur, l’erreur commise, ta réaction et numérotes chacune de ces situations….
  2. Pour chacune des situations choisies, donne les raisons qui expliquent chacune de tes erreurs.
  3. Parmi ces situations, quelle est celle dont l’avertissement te semble le plus justifié ? Pourquoi ?
  4. Parmi ces situations, quelle est celle dont l’avertissement te semble le moins justifié ?
    a) Pourquoi ?
    b) Malgré tout, n’as-tu pas une part de responsabilité, et si oui laquelle ?
  5. Pour chacune des situations choisies, quelles conséquences ont provoqué tes erreurs

    a) pour toi ?
    b) pour les autres élèves ?
    c) pour les adultes responsables de toi ?
    d) pour le ou les adultes du collège concerné(s) ?

  6. Pour chacune des situations choisies, cites les passages du règlement intérieur qui ont été transgressés.
  7. Pour chacune des situations choisies, décris précisément ce que tu aurais pu faire pour éviter d’être sanctionné. Par exemple, s’il s’agit de travail non fait, précises quel adulte ou quel élève aurait pu t’aider, à quel moment de la journée au collège ou à l’extérieur tu aurais pu te demander cette aide…
  8. As-tu des commentaires personnels et si oui lesquels ?

Cet exercice doit être fait soigneusement sous peine d’être refait.