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La fracture coloniale

Si cet ouvrage collectif dépasse largement le cadre de l’histoire enseignée à l’école, celle-ci occupe une partie de la réflexion et l’ensemble sera fort utile aux professeurs d’histoire comme à tout citoyen qui veut en savoir plus sur notre héritage colonial, si souvent nié ou occulté. Pour les différents auteurs, qui sont avant tout des historiens professionnels, cet héritage est pourtant bien présent dans les débats actuels sur les banlieues, la laïcité, la conception de l’histoire nationale, etc. Ils déplorent le retard de l’université française en la matière (très peu de thèses, en comparaison par exemple de ce qui se fait aux États-Unis, y compris sur l’histoire coloniale française), les insuffisances des manuels scolaires, la méconnaissance de l’histoire des immigrations, l’inexistence de lieux de mémoire, etc. Ils sont choqués par la nouvelle disposition législative qui demande aux enseignants d’insister sur les aspects « positifs » de la colonisation, d’autant qu’ils ne prônent pas pour autant une contre-histoire, une légende dorée à l’envers (les « bons colonisés », l’idéalisation de l’époque précoloniale, l’oubli que l’esclavage se pratiquait aussi et à grande échelle parmi les Africains, etc.). Il s’agit simplement de faire vraiment de l’Histoire…
Comme dans tout ouvrage collectif, les contributions sont inégales, mais on s’intéressera particulièrement, en tant que pédagogues, à Colonisation et immigration : des points aveugles de l’histoire à l’école où Sandrine Lemaire montre que les lacunes de l’enseignement peuvent engendrer par contrecoup une « radicalisation » et un discours victimaire dangereux. En rapport avec une large enquête effectuée à Toulouse sur la question, elle revendique une histoire « sans parti pris, ni critique ni nostalgique, mais qui relate la participation de chacun à la construction de la nation ».

Jean-Michel Zakhartchouk