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La Finlande : un modèle éducatif pour la France ? Les secrets de la réussite

Non, il n’est pas question de refaire le coup de Cuba et de la Chine ! N’idéalisons aucun système éducatif et sachons mettre les points d’interrogation là où il faut… Mais à lire le livre d’un principal de collège suite à une visite d’études en Finlande, résultats à l’appui, on est bien obligé de reconnaître qu’il y a un incontestable intérêt à aller voir du côté d’Helsinki pour s’inspirer peut-être de quelques orientations qui permettent à un pays d’avoir à la fois une école aussi égalitaire et aussi efficace.
Paul Robert, principal de collège, nous présente avec une grande clarté le fonctionnement d’une école qui a profondément évolué. On cite souvent les atouts initiaux de la Finlande et des pays scandinaves, mais on oublie de dire qu’elle était il y a vingt ou trente ans très inégalitaire, influencée par le système allemand avec une orientation précoce forte. Très progressivement, les gouvernants finlandais ont décidé de moderniser le système scolaire, en posant les bases d’une réforme profonde et durable, non brouillée par les débats idéologiques et politiciens. Et au bout du compte, on a des résultats remarquables et une école où semblent dominer la confiance de chacun des acteurs et l’optimisme. Ne citons que deux chiffres. Dans l’évaluation Pisa, près de la moitié des élèves en 2006 atteignaient l’exigeant niveau 4 en compréhension de l’écrit (sur cinq niveaux) contre moins d’un tiers pour l’ensemble de l’OCDE (en gros, il s’agit de la capacité d’interpréter un texte, de raisonner avec souplesse en s’appuyant sur un texte, etc.) Et sur le plan de l’égalité, « il est frappant de constater que les élèves bénéficiant d’aides particulières sont deux fois plus nombreux dans les trois premières années de l’éducation fondamentale que par la suite, ce qui signifie que la moitié d’entre eux est en mesure de réintégrer un cursus normal à partir de 10 ans ».
L’auteur nous montre une école où, comme cela est inscrit sur le fronton d’un établissement, « chaque élève est important », où l’on pratique une pédagogie active, inspirée du constructivisme, où le métier d’enseignant est à la fois exigeant et bien considéré, où la liberté pédagogique ne s’oppose pas à l’évaluation comme régulation et comme moyen de progresser, où les notes sont abolies lors de la scolarité obligatoire ou réduites à une échelle de 4 à 10, où la décentralisation, très forte, ne s’oppose pas à la démocratie, bien au contraire, où on n’attend pas tout de l’État, mais pas davantage du seul « marché », où l’on ne dépense pas plus, mais où l’on dépense mieux (par exemple en supprimant les redoublements… et les corps d’inspection). Certes, après l’école fondamentale, la sélection reprend ses droits et comme dans tout pays développé, l’enseignement professionnel est plutôt destiné à ceux qui réussissent moins. La société finlandaise n’est nullement un paradis égalitaire, mais l’école n’en « rajoute » pas dans l’inégalité, ce qui, selon François Dubet, est une vertu qu’on pourrait au moins demander à nos systèmes éducatifs.
Des menaces existent sur le système doux et pacifique d’un pays qui a pourtant connu bien des épreuves dans le passé (résistance au nazisme et au communisme). La tuerie récente dans un lycée a traumatisé le pays et nous met en garde contre tout angélisme.
N’empêche. À l’heure où l’école française s’oriente vers des impasses : retour au passé, toute-puissance du marché scolaire, mise à mal de tous les dispositifs innovants, conception étroite de la formation des enseignants, il est bon de mettre en valeur ces « clés du succès » de l’exemple finlandais. Pour sortir du quantitatif, du populisme scolaire, de la nostalgie passéiste, des doubles discours, et aller vers un système innovant, audacieux, fondé sur « le respect de l’individu allié à un attachement profond à des valeurs partagées », à une « aptitude à concilier un leadership visionnaire avec une délégation large de pouvoirs décisionnels aux acteurs locaux ». On est loin, très loin de la vision actuelle de nos gouvernants qui pilotent (mal) à vue.
Un ouvrage indispensable, donc, qui complète notre dossier d’avril 2005 (Lire les articles en ligne) sur l’école en Finlande et qui est cité plusieurs fois par l’auteur.

Jean-Michel Zakhartchouk