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L’impasse de la punition à l’école. Des solutions alternatives en classe
La punition, ce « sale boulot du travail éducatif » , est-elle efficace pour régler les questions de la violence et du climat scolaire ? Cette question est décortiquée dans ce livre issu d’un projet visant à faire travailler étroitement des chercheurs, des praticiens, des formateurs institutionnels et administratifs : ADHERE (Action contre le décrochage et le harcèlement : éducation et régulation par l’environnement).
Au niveau quantitatif en tout cas, les enseignants ne peuvent être taxés de laxisme. Des enquêtes préalables effectuées pour le projet ADHERE montrent des pratiques punitives fréquentes : en primaire comme au collège, on est autour des deux tiers des élèves concernés, surtout des garçons. L’exclusion temporaire en collège est massivement utilisée.
Cette approche répressive , loin d’améliorer la situation, aggrave les problèmes : la souffrance des enseignants propulsés dans les écoles les plus difficiles avec peu de formation et de soutien, le manque de clarté des règles et le sentiment d’injustice dans leur application ressenti par les élèves , la construction progressive d’une identité de mauvais élèves – en particulier chez les garçons qui arborent une « médaille de virilité ».
La violence d’origine externe, qu’on pourrait gérer avec des solutions techniques (vidéosurveillance) est écartée car très rarement rencontrée. Eric Debarbieux et Benjamin Moignard insistent : « C’est la relation pédagogique qui est au cœur du problème ».
Cependant, il existe de nombreuses pistes pour prévenir la violence à l’école et améliorer la situation dans les classes et les établissements. Ce livre en présente 7, portées chacune par des associations.
- La discipline coopérative
- La discipline positive
- Le développement des compétences psychosociales
- L’approche systémique et stratégique de l’école de Palo Alto
- La communication non violente et les systèmes et Cercles restauratifs
- La justice restaurative.
Elles ont toutes un air de famille. Chacune met en avant la dimension systémique de toute démarche de prévention: les outils et les actions ne sont que des gadgets s’ils ne sont pas reliés à un ensemble. Ainsi, développer le respect de soi et des autres se traduit aussi par les conditions de vie à l’école et la manière dont les enfants s’estiment traités : l’état des toilettes est une occasion de se préoccuper du bien être des élèves, de construire le groupe et la loi.
Ces méthodes s’ingénient à développer le sens du collectif en favorisant le sentiment d’appartenance et la contribution des élèves à la vie de leur classe et de leur établissement. Ainsi, en CM1, les élèves cherchent ensemble les responsabilités à mettre en place ensemble pendant une semaine de cours pour que la classe fonctionne bien ou en 5ème SEGPA trouvent des solutions sur l’autorégulation pour que le groupe classe retrouve son calme et évite de perdre du temps pour se mettre au travail.
Elles s’appuient sur la fermeté – le respect de soi, de l’adulte et du cadre dont il est le garant – et en même temps le respect de l’autre qui se sent écouté et pris en compte. L’encouragement des élèves à identifier leurs forces, le soin de la relation, nourrissent la confiance envers l’adulte auprès duquel ils se sentent en sécurité. Il s’agit de développer les compétences psychosociales des élèves en mettant des mots sur leurs émotions, en leur permettant de comprendre leurs frustrations.
Ce travail de prévention ne va pas supprimer « des relations émotionnelles fortes » ou l’avènement de conflits : en cas de situations difficiles, il existe des alternatives à la punition. Ainsi, le Conseil coopératif crée du temps institué pour réguler les conflits et élaborer des règles de vie. La Discipline positive tient des réunions de soutien éducatif. Il ne s’agit pas d’accabler un coupable mais de chercher ensemble des solutions en créant une alliance entre l’équipe éducative, le jeune et sa famille. Le groupe centré sur le développement des compétences psychosociales propose d’entrainer les élèves à faire « des messages clairs » en cas de désaccord: exprimer calmement leur contrariété sans mobiliser un adulte. La C.N.V. propose un cercle restauratif où chacun exprime ce qu’il vit dans un conflit, reçoit une écoute empathique et se sent reconnu.
L’association qui fonde son action sur l’approche systémique et stratégique de l’école de Palo Alto va insister sur la place des adultes. Elle observe des enseignants qui pensent n’avoir aucune marge de manœuvre , pris en étau entre les injonctions de leur hiérarchie et le pouvoir du groupe des élèves. Leur démarche de formation s’effectue au niveau d’une école ou d’un établissement : s’entrainer à travailler en équipe, s’exercer à la coanimation en classe et à l’analyse de pratiques professionnelles, recevoir un accompagnement extérieur… L’objectif est de créer une dynamique de groupe bienveillante, permettant un partage des expériences.
Ce livre présente presque à chaque page des exemples concrets : des activités avec des élèves, des exercices menés en classe, des témoignages de jeunes, de personnels, des outils à utiliser…
Il s’en dégage une belle énergie, de la chaleur et de l’humanité, un optimisme lucide mais inaltérable dans les capacités des élèves et des personnels : la séance inédite de compliments en collège, le coin du bonheur en primaire pour calmer ses émotions, le cahier des réussites ou le rituel matinal de la météo : ces pages donnent vraiment les moyens et l’envie de sortir de l’impasse de la punition.
Michèle Amiel