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L’évaluation revue et corrigée en Europe

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Partons du texte officiel régissant l’ECTS. L’échelle de notation classe les élèves sur une base statistique. C’est pourquoi les données statistiques concernant les résultats des élèves sont une condition préalable à l’application du système de notation ECTS. Les grades sont attribués aux élèves ayant réussi, selon l’échelle de réussite suivante :
– A les 10 % meilleurs
– B les 25% suivants
– C les 30% suivants
– D les 25% suivants
– E les 10% restants.»

Cette règle repose sur des travaux qui proposent de ramener toute distribution de note à une distribution de moyenne égale à dix sur vingt et d’écart-type choisi, typiquement égal à 3 points. Le principal biais de l’attribution des grades ECTS apparaît ici. Pour être comparable, on ne permet pas aux classes d’être hétérogènes. La distribution réelle des notes doit donc être retravaillée afin d’effacer l’hétérogénéité.

On sait pourtant, qu’en fonction des objectifs de formation, une classe peut être plus performante qu’une autre. Nos classes sont loin d’être des échantillons statistiques parfaits, (les effectifs d’ailleurs sont bien inférieurs à 50…) Il est courant d’observer en fonction des années un niveau moyen des classes qui fluctue, la présence d’excellents élèves ou celle résultant d’erreurs visibles d’orientation. Dans une classe donnée, si un élève obtient 18/20 et que les meilleurs des suivants ont 14/20, la règle d’attribution des grades ne permettra pas de distinguer l’élève brillant si l’effectif de la classe est supérieur à 10 et ceci ne semble pas légitime. Garder la signification des résultats de l’évaluation est incompatible avec la répartition en proportions imposées dans chaque grade. Il est donc impossible de gérer l’hétérogénéité des groupes avec la règle d’attribution des grades ECTS. Nous proposons une nouvelle règle de répartition des grades qui puisse tenir compte de l’hétérogénéité.

Une modification élémentaire de la règle d’attribution des grades pourrait améliorer la gestion de l’hétérogénéité sans remettre en cause l’uniformisation européenne. Elle consiste simplement à attribuer la lettre A aux 10% des meilleures notes obtenues dans le groupe et ainsi de suite. Dans ce cas il suffit de considérer les notes maximales et minimales des élèves puis de définir l’intervalle des notes correspondant à chaque grade en respectant les pourcentages ECTS. Ainsi, un élève brillant pourra être le seul à obtenir A dans la classe, par exemple. La répartition des grades se fera sur le résultat de l’évaluation et non sur le nombre d’élèves dans le groupe. Même si ce système n’est pas idéal (il ne permet pas de distinguer un élève exceptionnel, qui n’apparaît que dans une classe sur cinq par exemple), il permettra de mieux tenir compte de l’hétérogénéité des élèves au sein d’une classe et de celle des classes entre elles. L’exemple suivant illustre la répartition actuelle des grades ECTS et celle que nous proposons. C’est la conversion de nos moyennes sur vingt en cinq grades qui est illustré par le tableau suivant, en tenant compte de l’hétérogénéité.

Tableau IRépartitions de grades. La classe 1 est caractéristique d’un groupe homogène : le nombre d’élèves ayant obtenu chacune des notes est identique. La classe 2 caractérise un groupe hétérogène, avec une forte proportion d’élèves faibles et une forte proportion d’élèves brillants. L’effectif total est 35 dans les deux classes. Le pourcentage obtenu avec la nouvelle répartition des grades est indiqué ainsi que la proportion ECTS conseillée par l’Europe.

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– Avec la répartition ECTS, dans la Classe 1, il va falloir couper le groupe ayant obtenu 16 en deux pour attribuer des A à certains et des B à d’autres, de même que pour l’attribution des grades E et D. Notre proposition, par contre, respecte la répartition des élèves dans la classe et la signification de l’évaluation réalisée. Elle se lit directement dans la ligne « Nombre d’élèves »
– Dans la classe 2, le problème est encore accentué avec la répartition ECTS conseillée par l’Europe. Par contre, notre répartition fonctionne.
Il faut pourtant noter que notre proposition n’est pas idéale car l’attribution des grades peut paraître subjective si l’évaluation n’est pas très discriminante (on imagine deux notes obtenues par les deux moitiés de la classe…) mais notre proposition est encore plus efficace pour tenir compte de l’hétérogénéité des petits groupes. Considérons la répartition du tableau II.

Tableau IIRépartitions de grades. La classe 1 est caractéristique d’un groupe hétérogène : chaque d’élève a obtenu une note différente. La classe 2 caractérise un groupe très hétérogène, avec une forte proportion d’élèves faibles et une forte proportion d’élèves brillants. L’effectif total est 5 dans les deux classes. Le pourcentage obtenu avec la nouvelle répartition des grades est indiqué ainsi que la proportion ECTS conseillée par l’Europe.

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Encore une fois, nous notons que la répartition ECTS améliorée permet de considérer facilement des échantillons faibles, de tenir compte du niveau relatif de l’élève par rapport à la classe et de distinguer les niveaux des classes entre elles. Par contre, la répartition ECTS conseillée est inapplicable : l’échantillon, trop faible, ne peut avoir de signification « statistique » !

Le système ECTS offre beaucoup d’avantages, en particulier il favorise la mobilité des élèves et permet la capitalisation des acquis. Par contre, la répartition actuelle en proportions imposées dans les grades est difficilement applicable, peut être injuste et non révélatrice du niveau réel des élèves ; elle ne reflète pas l’hétérogénéité observée pratiquement, en particulier entre petits groupes. Au contraire, la répartition proposée est préférable, même si elle n’est pas parfaite. Elle permet de garder la signification de l’évaluation, d’identifier les élèves et les classes brillantes. Il est assez étonnant que la répartition des grades ECTS imposée actuellement par l’Europe ne tienne pas compte des réalités du terrain. Il semblerait que cette répartition ait été proposée par des technocrates ayant des connaissances parcellaires en docimologie. Nous espérons voir, dans l’avenir une évolution du système mais les suggestions que nous avons communiquées au conseil européen soient restées lettres mortes pour l’instant…

Dominique Barchiesi et Thomas Grosges
dominique.barchiesi@utt.fr
thomas.grosges@utt.fr
Université de technologie de Troyes, Pôle Physique, Matériaux et Nanotechnologies – 12 rue Marie Curie BP 2060 10010 Troyes cédex


Sites Internet
www.education.gouv.fr/int/erasmus.htm
http://ec.europa.eu./education/programmes/socrates/ects/index_fr.html