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L’évaluation : juger ou jauger ?

Des chercheurs en psychologie sociale ont étudié les effets des pratiques évaluatives sur la motivation et l’apprentissage, posant la question « Faut-il apprendre ou réussir ? » dans un environnement aussi normatif que peut l’être l’école. Les philosophes et les sociologues ont considéré l’évaluation sous l’angle des valeurs, autour des concepts de jugement, de peur, d’humiliation. Enfin une critique plus ou moins sévère d’un système évaluatif essentiellement contrôleur et trieur se fait jour. Nous nous appuyons sur ces apports pour poser quelques jalons.

La communication des évaluations

Les parents, les responsables de l’éducation ont besoin de connaitre l’état des connaissances des élèves, pour aider leurs enfants dans le premier cas, pour réorienter les curriculums et la professionnalisation des personnels dans le deuxième cas. Or, bien souvent, l’obligation de rendre compte pollue les objectifs de départ, avec la mise en concurrence, la comparaison entre enfants, entre écoles, entre pays (PISA). De même, les évaluations nationales, à certains niveaux de la scolarité, ne devraient pas influencer le travail fait par l’enseignant dans sa classe (dans les pays anglo-saxons, ces évaluations sont largement préparées en amont).

une valeur rassurante ?

Les relations parents-écoles font partie de la feuille de route de la refondation et des dossiers en cours. L’information des parents, les modes de communication sur l’évaluation de leurs enfants font partie des interrogations qui peuvent influencer le débat. Il est plus simple de produire des bulletins réguliers sur lesquels figurent des notes, des moyennes et des appréciations souvent lacunaires, plutôt que de démontrer l’état d’avancement des acquisitions de compétences et connaissances.

Selon certains sondages, comme celui de l’APEL (Association de parents d’élèves de l’enseignement libre) en novembre 2014, les parents seraient favorables à l’indication d’une moyenne globale de l’élève, afin de donner un niveau moyen et de classer les élèves.

Or, bon nombre de travaux de recherche décrivent des situations d’évaluation certificative sans moyennes, les élèves pouvant ainsi valider les connaissances acquises dans une matière ou un domaine, sans subir le couperet d’une note éliminatoire dans une autre matière ou d’une moyenne inférieure à 10.
Si la note reste une valeur sure (ou rassurante) pour la plupart des parents, la mauvaise note est inquiétante, décourageante, souvent incomprise par les parents et les enfants, non suivie d’effets de la part de l’enseignant (pour 51 % des parents interrogés) et, paradoxalement ou en conséquence, 73 % des parents sont favorables à une réduction de l’importance des notes (ce pourcentage passant à 83 % pour les parents d’enfants scolarisés en zone d’éducation prioritaire).

Un processus en continu

Les pédagogies nouvelles, quel que soit le nom qu’on leur donne, ont apporté depuis longtemps des éléments constructifs pour une autre philosophie et pédagogie de l’évaluation, et de nombreux travaux, reprenant ceux de Black et William, en 1998, privilégient une évaluation formative (et formatrice) comme principe de base, dans un processus évaluatif complexe à assurer.
Une fois posé le principe que l’évaluation doit être orientée par l’acquisition de connaissances et de compétences et non l’inverse, que la notation n’est pas pertinente en toutes situations d’évaluation, une fois enclenchée la nécessaire réflexion sur les modalités de certification de la fin de scolarité, que peut-on dire du processus évaluatif dans la classe, et quelles hypothèses peut-on évoquer pour accompagner les enseignants ?

Il convient de garder à l’esprit que l’évaluation doit être avant tout une source d’informations sur l’état des connaissances d’un élève avant, pendant et après une séquence pédagogique. Les modalités de collecte de ces informations doivent être multiples : évaluation diagnostique (avant), formative (pendant), sommative (après et avant), autoévaluation, évaluation par les pairs, le tout s’accompagnant d’un important travail (chronophage, certes) de rétroaction (feedback), médiation, redéfinition des objectifs, refonte totale ou partielle d’une séquence pédagogique. Et s’il s’avère nécessaire que l’enseignant s’assure que son enseignement est bien passé, il faut aussi que l’élève prenne conscience de ses difficultés.

Annie Feyfant
Chargée d’études et de recherche, service Veille et analyses de l’IFÉ (ENS de Lyon)


Références
Olivier Rey & Annie Feyfant, « Évaluer pour (mieux) faire apprendre », Dossier de veille de l’IFÉ n° 94, septembre 2014.