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L’éducation prioritaire ! Enfin ?

Pour la quatrième fois, l’éducation prioritaire est le thème d’un dossier des Cahiers pédagogiques, avec, cette fois, l’ambition de servir à une refondation qui lui rendrait son sens.

Tout n’est pas à réinventer. Refonder, ce sera d’abord permettre que ce qui a été réalisé dans une minorité de zones puisse transformer toute l’éducation prioritaire et ne repose plus sur l’engagement personnel de quelques-uns. Ce dossier donne des exemples de ce qui a été souvent rendu possible par l’existence de dispositifs et de personnels spécifiques. Les dispositifs : le pilotage local d’un réseau écoles-collège, la liaison avec l’environnement de l’école, une démarche de projet. Les personnels spécifiques : les coordonnateurs, professeurs référents, assistants pédagogiques, pilotes des réseaux et IPR référents. Ils ont développé de nouvelles professionnalités et des compétences rares : l’ingénierie éducative, le travail commun avec des partenaires, l’analyse des pratiques. Ils sont des ressources pour leurs collègues.

Refonder l’éducation prioritaire, c’est aussi l’adosser, dans la loi en préparation, à la transformation du système éducatif. En commençant par faire en sorte que les réformes, parfois anciennes, qui auraient pu transformer le système éducatif, se développent dans tous les réseaux de l’éducation prioritaire : les cycles dans les écoles, l’approche par compétences du socle commun, la priorité à l’école maternelle et élémentaire.

Pour cela, un pilotage fort, un accompagnement institutionnel, un recrutement volontariste sur les emplois spécifiques et l’encadrement, une liaison avec la recherche pédagogique sont nécessaires. Un tel dispositif dérogeant au fonctionnement habituel de l’institution ne peut être que très minoritaire.

Refonder, c’est aussi concevoir un système général, s’appliquant à l’ensemble du système éducatif, de répartition des moyens en proportion de la difficulté sociale et scolaire. Ce serait un pas important vers plus d’équité. Il ne ferait pas disparaitre le besoin d’un dispositif spécifique pour les territoires relativement peu nombreux où les facteurs d’inégalité et de discrimination se combinent avec le fonctionnement défaillant du service public et l’aggravent.

Tout n’est pas à réinventer, mais beaucoup reste à faire. Les progrès constatés sont encore minoritaires et fragiles, en bonne partie à cause des carences de l’institution. Alternant relances et périodes de silence, elle a abandonné l’éducation prioritaire à la bonne volonté des acteurs de terrain. Elle n’a pas su ou pas voulu faire vivre les réformes globales prévues par la loi.

L’enjeu de l’éducation prioritaire est majeur pour notre société : aller à contrecourant des tendances à l’aggravation des inégalités, être à la pointe de la construction d’une école effectivement pour tous. Des changements profonds dans les pratiques d’enseignement, le fonctionnement des établissements, la politique de l’institution sont nécessaires. Il ne s’agit pas d’abord de « donner plus », et surtout pas « moins », mais « mieux » et « autrement ».

Soulignons enfin, comme dans la dernière partie de ce dossier, que les réformes structurelles sont vaines si elles ne s’appuient pas sur l’engagement des personnels. Dans les contextes sociaux de l’éducation prioritaire, où le monde alentour pénètre l’école, les témoignages montrent l’importance de la dimension éthique dans l’action des professionnels, constamment.

Trente ans après sa fondation, peut-être enfin, l’éducation prioritaire.