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L’école entre crise et refondation

Plutôt contre 

Samuel Johsua, didacticien des sciences physiques – on connaît son Introduction à la didactique des sciences et des mathématiques, PUF – nous offre un ouvrage attentif  » à s’opposer aux thèses les plus souvent au principe des contre-réformes en cours  » et  » à examiner les cordonnées principales de la crise scolaire et à présenter à la réflexion des pistes pour y faire face « . Un livre d’analyse et de propositions pour sortir des oppositions convenues (éducation-instruction, ouverture sur la cité-sanctuarisation, national-local) dans lesquelles on enferme le débat scolaire.

On peut se demander pourquoi ce parti pris de refuser des oppositions, a priori qui constitue la figure emblématique de cet ouvrage, alors que tout affrontement d’idées matérialise une tension forcément révélatrice d’enjeux ? Ainsi la tension entre un souci d’éducation et une visée d’instruction ne peut pas, par décret, être occultée des débats qui parcourent l’école aujourd’hui, de même que le débat entre la place à accorder au national et au local. Ces controverses ne constituent pas des chicanes, mais renvoient à l’un des débats les plus refondateurs aujourd’hui pour l’école : l’opposition entre une vision républicaine et une vision démocratique de cette institution.

Ces débats étant rejetés, on s’attend à voir poindre de nouveaux paradigmes susceptibles de refonder l’école. On en trouve peu. Certes il est question de la recherche de sens. Mais on ne voit pas bien ce que Samuel Johsua propose de nouveau par rapport à ce qui a été écrit auparavant. Un ouvrage qui donne parfois le sentiment de se poser en s’opposant sans vraiment proposer.

Michel Develay


 Plutôt pour

Pour Samuel Johsua l’enjeu principal aujourd’hui est celui de la démocratisation de l’école, car massification ne signifie pas démocratisation. Il s’agit bien d’un enjeu politique majeur pour notre société. C’est pourquoi, il décortique ce qui se passe aujourd’hui dans l’école, les réformes proposées, mais surtout la façon dont les problèmes sont posés en oppositions convenues, qui masquent ces enjeux.

La manière dont on introduit le débat par des clivages qui ne permettent pas de répondre, puisqu’elle les écarte, aux questions centrales est fondamentale, car c’est à partir de là que les propositions de  » refondation  » pourront s’effectuer.

Ce que critique Samuel Johsua, c’est la prégnance de l’idéologie libérale dans nos catégories de pensée et la convergence de cette idéologie avec la pensée des postmodernes. Les questions sur l’école ne se structurent pas autour d’oppositions comme, par exemple, national/local sur les programmes où la question serait : faut-il des programmes nationaux ou bien faut-il répondre à la demande sociale des élèves (donc locale) ? Il démontre que la réponse dépend de l’enjeu que l’on met : quelle école, quels savoirs, quelle culture commune pour tous ?

Lorsque Samuel Johsua traite de la question du sens, il l’aborde, non pas sur ce qui concerne la périphérie de la classe, mais, sur ce qui se passe dans la classe.  » On voit bien comment l’institution du  » sens « , loin de surgir unilatéralement de la  » demande  » des élèves est un produit complexe où le dispositif didactique et le type d’activités dans lequel les élèves s’engagent (si et quand ils s’engagent) jouent un rôle majeur.  »

L’ouvrage de Samuel Johsua s’il lance des pistes de  » refondation « , permet essentiellement de penser l’École et ses liens avec la société autrement, un peu à la manière de Nobert Elias, non plus en terme de tensions, de ruptures, mais plutôt de  » configuration « . Un ouvrage clair, indispensable qui permet d’avancer la réflexion collective sur l’école.

Gisèle Jean