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Jouer les mots

Gestes et accents de mots

C’est au cours d’un stage en formation continue que j’ai commencé à entrevoir une idée. Le professeur basculait son bras de droite à gauche, tel un métronome, en égrenant une comptine. Les temps forts étaient naturellement marqués lorsque le bras tombait sur la table.
Utiliser le geste pour mettre en évidence les accents de mots : c’était pour moi un point de départ. Pour mettre en application ce principe, j’ai choisi une comptine où chaque vers était marqué par quatre temps forts, quel que soit par ailleurs le nombre de syllabes. J’ai commencé par me servir du claquement de doigts puis du métronome. Les élèves ont été ensuite invités à associer gestes et phrases en gardant bien le tempo sur les quatre temps forts.

Mais il me fallait aller plus loin. J’ai eu l’idée d’avoir recours aux activités de théâtre que je pratiquais dans ma classe. Un album d’Eric Carle, Today is Monday, se prêtait bien à cette expérience.
Après avoir élucidé le sens du texte (à chaque jour de la semaine est associé un aliment), j’ai proposé que l’on cherche une mise en scène de l’histoire. Pour cela, j’ai demandé aux élèves de chercher un geste, un mouvement du corps, qui pouvait rendre compte du mot tel qu’ils l’entendaient. Lors de la remise en commun, on a constaté que le sens du mot, plus que sa sonorité, avait présidé au choix d’un geste. Le « chicken » voulait absolument battre des ailes. Mais le mot « roast beef » : comment pouvait-on le jouer ? Ou encore le mot « spaghetti », d’autant plus difficile à jouer qu’il est accentué sur la deuxième syllabe. C’est bien l’utilisation du corps qui a permis de marquer la différence avec le même mot dit à la française et d’aider à une meilleure mémorisation.

Il en a été de même pour les jours de la semaine. Comme ils sont accentués sur la deuxième syllabe du mot en français, il était évident que l’on ne pouvait reprendre à l’identique les mouvements choisis pour le français. Ici la parole appuyée, guidée par le corps, aide l’élève à se libérer du carcan du texte. Le corps donne son empreinte au texte et l’élève parle plus librement. Claire Renard[[Claire Renard, Le geste musical, Hachette/Van de Velde Pédagogie pratique à l’école, 1982.]] affirme que le son est signe de mouvement et que c’est le geste qui imprime une vie au son : c’est ce que j’ai expérimenté.

Phonèmes étrangers

Il me restait une difficulté à affronter : celle de l’acquisition des phonèmes de la langue anglaise qui n’existent pas en français. Les élèves ne les entendaient pas correctement et les rapprochaient d’un son voisin qu’ils connaissaient.

Là encore, les exercices de théâtre ont été une source d’inspiration. Pourquoi ne pas s’en servir pour travailler l’imaginaire ? J’ai opté pour un jeu où les élèves, disposés en cercle, se font passer de main en main une boîte vide. Libre à eux d’imaginer ce que contient cette boîte « magique », sachant que les objets imaginaires qu’elle recèle peuvent changer de forme, passer du lourd au léger, du précieux ou agréable au répugnant, …La consigne est alors d’exprimer ce qu’ils ressentent à propos de l’objet imaginé par une onomatopée.
Quelle n’a pas été ma surprise d’entendre naturellement, pour exprimer le dégoût, la diphtongue que l’on entend dans « snow », à côté des sons que l’on entend dans « dog » ou dans « ball » pour exprimer l’admiration. Travailler tout de suite la discrimination entre les sons contenus dans « ball » et dans « snow » semblait trop exigeant mais s’intéresser à l’opposition entre la diphtongue et le « o » ouvert s’est révélé tout à fait possible. J’ai fait répéter aux élèves qui les avaient produits les deux sons retenus. On les a comparés. Les autres élèves les ont reproduits à leur tour puis reconnus dans des mots. L’époque de l’année le permettant, j’ai alors choisi de travailler sur The Snowman[[Références des ouvrages : Carle Eric, Today is Monday, Puffin Books, 1993.
Dakin Julian, Songs and rhymes, Longman.]], riche en mots contenant la diphtongue.

Prendre appui sur le corps et sa mémoire pour mettre en évidence quelques difficultés liées à la phonologie de l’anglais représente certainement une première réponse prometteuse. Il me reste maintenant à enrichir la gamme des phonèmes travaillés et à trouver les supports adéquats. Encore beaucoup de pain sur la planche sans aucun doute, mais l’enthousiasme des élèves lors de ces activités et leur meilleure réussite lors des évaluations, même différées, sont un encouragement puissant.

Nicole Calbo, IMF « langues vivantes », IUFM Pays de la Loire, site Le Mans.