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Je t’aide… moi non plus

La question de l’aide n’est pas simple et ne peut se résumer à de la méthodologie, à du soutien ou à quelques heures en plus des cours ; elle interroge à la fois notre représentation du métier, notre rapport à l’autre, mais aussi notre conception de l’apprentissage et la responsabilité sociale de l’école, ce qui n’est pas rien. Pourtant, quels que soient le niveau, la discipline, la difficulté rencontrée, l’aide se décide souvent dans l’urgence. Il est alors difficile de prendre la mesure de tous ces enjeux et de choisir de manière pertinente d’aider ou non, comment, où, avec qui et à quel prix.

Si aider, c’est aider l’élève à réussir, alors il faut savoir ce que ce mot représente pour chacun d’entre nous, enseignants, éducateurs, parents, élèves : avoir la moyenne, être intégré dans une communauté, passer dans la classe supérieure, réussir un examen, maîtriser un certain nombre de compétences, devenir un adulte responsable, intégrer une grande école, pouvoir décider librement, accumuler un maximum de connaissances ? La liste est longue et l’on voit bien que l’aide demandée ou proposée sera fonction de l’objectif visé. Nous devons donc bien préciser pour qui et pour quoi un dispositif d’aide se met en place.

Si aider, c’est aider à apprendre, les termes du questionnement changent. Comme le parcours comporte nécessairement des moments difficiles, parfois douloureux, aider à apprendre, ce sera accompagner, encourager à prendre des risques. Ce sera surtout résister à la tentation de « faire à la place » et construire des dispositifs variés qui amènent l’élève à faire seul.

Nous avons choisi de commencer ce dossier par une analyse, peut-être déstabilisante, des ambiguïtés de l’« aide » que nous sommes prompts à proposer : À qui s’adresse-t-elle ? Pour quelles raisons inconscientes aidons-nous ? Qu’est-ce qui motive vraiment cette démarche ? Sur la foi de quelles analyses ? Et si aider, c’était en réalité s’aider soi-même ? Un effort de lucidité est nécessaire pour chacun d’entre nous. On rappellera ici que l’aide est aussi un marché dont s’emparent de nombreux organismes privés. Ce besoin est-il né d’une évolution de la société, de nouvelles exigences, ou est-il créé par l’école elle-même, qui n’aurait plus en main, aujourd’hui, les clés de la réussite ?

Il faut se poser toutes ces questions pour mieux penser les aides dans la classe, hors de la classe et même en dehors de l’école, à tous les niveaux : primaire, collège, lycée. Ce sera l’objet de la deuxième partie, où nous proposons de réfléchir sur la difficulté d’aider… sans empêcher d’apprendre. On n’échappera pas à la complexité de l’entreprise, que l’on soit parent, enseignant, formateur, ou même auteur de manuel.

Le dernier chapitre propose un éventail de pratiques pour des niveaux et des disciplines très variés. Comme nous avons choisi de ne pas parler ici de la grande difficulté scolaire[[Voir notre dossier récent sur cette question : De l’enseignement spécialisé à l’intégration dans l’école, n° 428, décembre 2004 [ Accéder au dossier ].]] mais des difficultés « ordinaires », l’essentiel des réflexions se situera dans le quotidien de la classe. Certains dispositifs décrits ici sont très spécifiques, d’autres facilement transférables. Tous proposent une analyse des avantages et inconvénients des choix qui ont été faits, et sont prudents sur les effets observés. Plusieurs livrent modestement leurs outils, tableaux de bord, contrats avec les élèves, fiches de suivi… L’objectif est que cet ensemble de réflexions et de pratiques nous aide (!) à clarifier nos pratiques et à faire des choix individuels et collectifs plus éclairés.

Sylvie Grau, professeur de mathématiques, lycée Nicolas Appert, Nantes,
et le CRAP 44 (Nantes).