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Inventer, compter et classer. De Piaget aux débats actuels

Jean Piaget écrivait dans l’avant-propos de La genèse du nombre chez l’enfant en 1941 : « La construction du nombre est corrélative du développement de la logique elle-même et au niveau prélogique correspond une période prénumérique ».
Dans ce sillage, Annie Chalon-Blanc, qui enseigne les sciences de l’éducation à Paris V, retrace l’origine et la genèse du nombre et des classes selon Piaget et ses collaborateurs. Elle débat de questions concernant les compétences logiques et numériques en soulignant les critiques faites aux conclusions de Piaget et les travaux qui se poursuivent pour approfondir les recherches concernant la genèse des opérations logiques et du nombre chez les jeunes enfants.
L’ouvrage souligne le souci épistémologique constamment présent dans les travaux de Piaget et signale une des caractéristiques du constructivisme « tout sujet apprenant le nombre doit se poser naturellement les mêmes questions que ses inventeurs pour le comprendre ».
Le lecteur attentif comprendra :
– pourquoi les réussites logiques à l’inclusion sont plus complexes que ne l’estimaient Piaget et ses collaborateurs, elles s’effectuent plus tardivement ;
– pourquoi le rôle du dénombrement appris a été si décrié alors qu’il est mis en valeur par l’entourage du jeune enfant et que les compétences numériques de très jeunes enfants ont fait l’objet de recherche ;
– pourquoi et en quoi le savoir dénombrer est insuffisant même si l’on retient la définition de Pierre Gréco : « Le dénombrement consiste en une correspondance bi-univoque entre les mots appris et les objets désignés, et une sommation implicite des unités indépendamment de l’ordre. »
Le lecteur trouvera également une analyse fine de la méthode d’investigation utilisée par Piaget et qu’il décrivait lui-même en ces termes : « La conversation avec le sujet est à la fois beaucoup plus sûre et plus féconde lorsqu’elle a lieu à l’occasion d’expériences effectuées au moyen d’un matériel adéquat et lorsque l’enfant, au lieu de réfléchir dans le vide, agit d’abord et ne parle que de ses propres actions. »
Cette méthode critique où la question n + 1 est une contre épreuve de la question n, exige une attitude rigoureuse et attentive de l’expérimentateur car le programme d’interrogation est ramifié et lorsqu’une réponse est fournie, il fabrique sur le champ une hypothèse sur la signification des réponses. La vérification de ces hypothèses permet de fabriquer la question suivante. L’emploi de contre-suggestions permet de contrôler la solidité des réponses, elle permet aussi de faire produire par le sujet des arguments qui n’étaient pas conscients.
Les apports post-piagétiens sont exposés au chapitre IV, on trouvera notamment des éléments intéressants concernant la problématique du rôle du langage dans les apprentissages numériques.
Enfin, le lecteur pourra approfondir sa lecture en répondant aux questions concernant des entretiens d’enfants sur la genèse des classes. La lecture de corrigés types apporte encore des précisions.
Cet ouvrage, très pédagogique, redonne, avec un grand souci de rigueur et de clarté, une place centrale aux recherches de Piaget tout en soulignant les points faibles et les conclusions hâtives. Il expose l’état actuel des recherches concernant le nombre et la catégorisation. La lecture de ce livre permettra aux formateurs et aux enseignants de mieux comprendre la genèse des structures logiques et celle du concept de nombre en resituant les recherches actuelles dans un contexte plus large.

Marcelle Pauvert