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Ils ont même applaudi !

Depuis trois ans, l’expérimentation de la classe inversée en classe de BTS en alternance a changé ma pratique de formatrice en mathématiques : l’approche de mon enseignement moins disciplinaire, la relation avec les apprentis, les activités demandées en cours et en dehors, la manière d’aborder des notions plus complexes, les évaluations et les feedbacks en cours, les outils numériques utilisés. C’est un bouleversement de ma pratique, une remise en cause profonde.

Au début, peu à l’aise avec les outils numériques et notamment la vidéo, j’ai commencé simplement. Je voulais aussi que mes apprentis produisent et ne se contentent pas de consommer. J’ai commencé à leur proposer un travail de groupes sur un problème complexe. Je leur ai demandé s’ils voulaient bien que je les filme lors de la correction du problème au tableau. Bien que réticents au départ, certains ont accepté. Ces vidéos ainsi récoltées sur des thèmes choisis sont regroupées sur un site de mathématiques[[Il s’agit d’un site privé, Materlesmaths.]]. Chaque classe retrouve les exercices corrigés par leurs camarades.

Implication

L’intérêt de ces vidéos est multiple. L’apprenti qui passe au tableau fait un effort d’explication plus important, il soigne sa présentation et fait preuve de pédagogie. Les autres apprentis sont très attentifs et plus sensibles à ses explications. Ils sont très impressionnés : ils ont même applaudi la prestation de leur camarade la première fois. En vingt-cinq ans d’enseignement, je n’avais jamais vu cela.

Ces vidéos servent ensuite pour les révisions lors des évaluations ou avant les contrôles en cours de formation. Elles permettent de réviser plus facilement en travaillant ainsi la mémoire visuelle. Dans le site de mathématiques, j’ai rajouté des vidéos que j’ai réalisées sur des concepts mathématiques importants et des tutoriels d’utilisation de logiciels de mathématiques nécessaires pour l’examen. La vidéo et certains logiciels permettent d’expliquer plus facilement certaines notions. Cela donne à voir. Les apprentis peuvent ainsi voir et revoir à l’envi certaines parties du cours.
Les cours en présentiel se passent du coup très bien et l’insertion de la vidéo donne un côté spectacle, ludique.

Articuler présence et distance

À distance, je demande à mes apprentis de regarder une vidéo sur un élément d’un cours et de remplir un QCM (questionnaire à choix multiples). Cette pratique est plus difficile à instaurer auprès d’apprentis, car ils travaillent une semaine sur deux en entreprise. Il faut insister pour que cela devienne une habitude. En classe, j’utilise aussi beaucoup ces QCM. Grâce à des applications numériques comme Socrative[[https://www.socrative.com/]], on peut accéder en temps réel aux réponses des apprentis. Ceci permet de faire des évaluations formatives utilisables rapidement et plus ludiques.

Ce qui, surtout, change dans cette mise en œuvre, ce sont les rôles des apprentis et du formateur : ils construisent conjointement le cours. Le type d’activités proposées est plus dynamique par l’apport du numérique et de la vidéo. L’apprentissage des compétences se fait en classe et en dehors de la classe, de manière collaborative ou autonome. Au début, il est vrai que cela demande beaucoup de travail de préparation, de conception, d’accompagnement. Il est évident qu’il faut aider les enseignants à se former aux outils numériques. Mais le résultat en classe en termes de motivation des apprentis et de confort de travail du formateur est indéniable.

Pascale Garraud
Enseignante en mathématiques au Centre des formations industrielles de Montigny-le-Bretonneux, école de la CCI Île de France (Yvelines)