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« Il y a toujours de l’illusion à croire qu’un seul dispositif peut permettre à tous les élèves de mieux apprendre »

Qu’est-ce que la métacognition ? En quoi est-elle utile aux enseignants ?

C’est une question cruciale pour la réussite scolaire de tous les élèves ou étudiants. Les enseignants, pour organiser des situations d’apprentissage et étayer les acquisitions, ont notamment besoin de connaissances sur les processus cognitifs des élèves. La métacognition fait partie de ces processus.

Il y a une quarantaine d’années, les chercheurs ont mis en évidence qu’avoir conscience de la manière dont on s’y est pris pour venir à bout d’une tâche cognitive (par exemple, comprendre un texte ou résoudre un problème) favorise la généralisation et le transfert des stratégies mises en œuvre. Ils ont également découvert le rôle que jouent le contrôle et la régulation de ses propres processus cognitifs dans l’efficacité d’un apprentissage.

Par exemple, un bon lecteur est capable à tout moment d’évaluer sa compréhension de ce qu’il est en train de lire ; s’il se rend compte qu’« il y a quelque chose qui ne colle pas », entre ce qu’il se représentait de ce que dit le texte et une nouvelle information qu’il découvre en poursuivant sa lecture, il peut alors adapter ses stratégies en conséquence, par exemple en ralentissant son rythme de lecture ou en revenant en arrière pour résoudre l’incohérence dont il s’est rendu compte.

Plus récemment, le concept de métacognition a pris une extension plus grande, englobant des aspects affectifs ou de volition[[Volonté de l’élève ou l’étudiant de s’engager dans l’activité d’apprentissage et de s’y maintenir même en cas de fatigue, de difficulté ou de distraction.]], jetant ainsi de nouveaux ponts avec la question de la motivation et de la persévérance. Dans un récent rapport du Conseil scientifique de l’Éducation nationale, Joëlle Proust insiste ainsi sur les « sentiments métacognitifs » qui conduisent à la persévérance ou au contraire à l’abandon de l’activité.

Que trouveront les lecteurs dans ce dossier ?

Le succès du concept de métacognition dans les milieux de l’éducation dès les années 1990 s’est souvent traduit par des propositions de séances de méthodologie. Il s’est aussi parfois dilué dans l’objectif un peu vague de faire réfléchir les élèves. Ce dossier des Cahiers pédagogiques cherche à actualiser les propositions pédagogiques permettant de développer la métacognition des élèves. Il donne et commente de nombreux exemples de situations et de dispositifs, de l’école maternelle à la formation des adultes : bilans de travaux de groupes en CE2 (Feedback et travail en équipe), recours à la métaphore du guide de montagne pour soulager la mémoire et surmonter les peurs dans un CM2 (Mon Gégé et moi), pratiques avec des enfants en difficulté lourde (« Rencontrer le cerveau des autres, c’est bizarre »), construction d’une fiche méthode en SVT au lycée (Chercher l’erreur), expliciter en mathématiques (Automatisme, autorégulation, autonomie), etc.

Ce dossier veut aussi actualiser les savoirs de référence sur la métacognition, en retraçant l’histoire du concept et de son usage en éducation (Le grand retour ?), en analysant la manière dont les émotions interfèrent avec les apprentissages et peuvent être régulées (La part des émotions), en montrant les apports des neurosciences et de l’imagerie cérébrale dans les percées récentes (S’éviter d’innover en rond), en recensant des recherches en psychologie cognitive conduites en milieu scolaire à propos de divers apprentissages spécifiques (Une question de focale), etc.

N’y a-t-il pas de l’illusion à croire que ce concept peut résoudre les difficultés des élèves ?

Il y aurait toujours de l’illusion à croire qu’un seul dispositif, quel qu’il soit, peut permettre à tous les élèves de mieux apprendre, indépendamment de l’accompagnement de l’enseignant. C’est particulièrement vrai quand il s’agit, comme ici, d’aider chaque élève à revenir sur sa propre pensée ou ses propres émotions. Le danger serait de croire qu’on aide les élèves simplement en mettant en place des moments de parole dans la classe, qui dérivent parfois en conversations sans grande portée cognitive ou métacognitive… D’où l’intérêt de dispositifs cadrés, précis et guidant de manière étayée les élèves dans leurs processus métacognitifs ; ce dossier des Cahiers est riche de pareils dispositifs.

Par ailleurs, il convient aussi d’être attentif à la manière dont les élèves reçoivent et comprennent la demande de verbaliser leurs apprentissages, leurs stratégies ou les affects qui s’y rattachent. Car, comme le souligne le dernier article du dossier (Réduire les inégalités), les usages du langage que cela suppose ne sont pas également partagés socialement. Être métacognitif, cela s’apprend aussi et cet apprentissage, comme les autres, nécessite un accompagnement explicite.

Un autre risque serait de proposer aux élèves des entrainements métacognitifs généraux. Le point commun entre beaucoup des articles de ce dossier est d’insister sur l’intérêt de travailler la métacognition en l’intégrant à des activités rattachées à des disciplines ou des domaines d’apprentissage précis et donc de les multiplier dans les différentes disciplines. Cet ancrage de la métacognition dans des contenus disciplinaires est particulièrement bien illustré par l’article consacré aux activités autour des récits en maternelle (Expériences multiples).

Propos recueillis par Cécile Blanchard