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« Il y a beaucoup de contradictions qui ne sont pas levées. »

Comment percevez-vous l’annonce du ministre de l’éducation nationale ?

Permettre aux enfants d’être dans les meilleures conditions, y compris physiques, pour étudier et apprendre est un enjeu fondamental pour notre pays.

Donc, l’objectif ne me choque pas. Il est d’ailleurs largement partagé par les collectivités territoriales, dont beaucoup n’ont pas attendu le ministre pour agir. Comme l’a exprimé le Réseau français des villes éducatrices, à chaque fois qu’il y aura besoin d’être présent sur ce champ, les communes répondront favorablement.

Mais ces bonnes volontés affichées ne doivent pas se limiter à des effets d’annonce. Le ministre de l’Éducation nationale a la fâcheuse habitude de croire que son ministère est tout puissant et que ses annonces et déclarations se suffisent à elles-mêmes pour être mises en place. Cela nous donne un peu le sentiment de servir de faire-valoir…

La ville de Blois est d’accord pour répondre présent, mais cela doit être coconstruit. Nous ne sommes pas des opérateurs de l’État ! On ne peut pas à la fois demander aux collectivités d’être exemplaires dans leurs initiatives et leur gestion, et considérer qu’elles doivent répondre présent à chaque injonction ministérielle.

À titre d’exemple, à Blois, dans neuf écoles maternelles volontaires de la ville, nous mettons à disposition du lait bio pour des collations à 10h. Nous pouvons très bien imaginer aller plus loin, mais à ce jour, nous ne disposons pas des moyens pour organiser cela. Que l’État nous aide !

Est-ce que les 12 millions annoncés en année pleine vous semblent suffisants ?

Ça n’est pas tant une question financière. Un petit-déjeuner très qualitatif coûte 1,5 à 2 euros en denrées. Avec les couts de personnel, d’entretien, de transport, le cout global avoisine 4,5 à 5 euros. C’est un cout qui n’est pas négligeable, mais nous sommes prêts à faire cet effort à Blois. Nous venons d’ailleurs de faire un gros travail pour améliorer la qualité et la durabilité de la restauration scolaire.

Bref, ça n’est pas tant une question de cout qu’une question de méthode. Certains sujets techniques ne sont pas du tout abordés. Or ils ne sont pas annexes !

À quels aspects pensez-vous ?

Tout d’abord au sujet santé.

Si les enfants prennent leur petit déjeuner à l’école, comment distingue-t-on les enfants qui ont déjà déjeuné et ceux qui ont le ventre vide ? Il y a quelques années, des professionnels de santé s’étaient émus de problème d’obésité chez les jeunes enfants du
fait que certains enfants n’avaient pas une alimentation équilibrée.

Comment traite-t-on les questions d’hygiène dentaire ? Comment accompagne-t-on ces mesures par des conseils éducatifs en matière d’alimentation ? Etc.

En matière de logistique, quelle sera l’organisation ? Est-ce que cela se fera sur le temps scolaire ou périscolaire ? Quelle sera la contribution des collectivités si c’est sur le temps scolaire ? Si les petits déjeuners sont sur le temps scolaire, alors cela va contraindre les durées d’apprentissage.

Et puis, si donner une pomme à chaque enfant doit aboutir à augmenter le gaspillage alimentaire, cela ne sert à rien. On peut faire rentrer des nutritionnistes dans l’école, pour sensibiliser enfants et adultes. Nous avons à Blois un plan local alimentation/territoire, pour développer la réflexion globale sur l’éducation au gout, l’écocitoyenneté. Tout ce qui peut favoriser l’équilibre alimentaire des enfants est bon à prendre. Les collectivités ont déjà commencé à y travailler dans le cadre de la restauration du midi. Cela prend du
temps.

Faudrait-il aller plus loin ?

Je siège dans des conseils d’administration de collège où nous constatons des non recours à la restauration du midi. Il y a donc des jeunes qui ne prennent qu’un seul repas par jour. Cela peut être un nombre conséquent de jeunes dans certains territoires urbains
défavorisés. On a moins de retours des médecins scolaires sur ce problème, faute de proximité, mais cela fait partie du problème.

En outre, les enfants qui arrivent à l’école le ventre vide, cela ne se limite pas à l’éducation prioritaire. Et puis, à Blois, les demandes des écoles pour la collation sont légèrement en baisse depuis quelques années. Est-ce que les personnels enseignants sont assez formés ou outillés sur ces questions de l’alimentation des enfants ?

Propos recueillis par Cécile Blanchard