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Idée d’IDD

Une première « expérience IDD » menée avec un professeur de SVT avait permis de révéler certaines insatisfactions : trop de temps avait été consacré aux recherches documentaires ; les élèves faisaient mal le lien entre les pratiques d’EPS et le traitement des données en SVT ; on avait travaillé sur le corps et sa physiologie mais pas suffisamment sur la réalité des pratiques des élèves en EPS.
Au même moment, paraissait la première consultation collège[[Bulletin officiel n° 29, 18.07.1996]]. Deux thèmes de convergence ont retenu mon attention : sécurité et santé. Comment intégrer ces thèmes dans mon enseignement, alors que la rentrée 2004 a vu des élèves de plus en plus nombreux avec leurs lacets défaits en cours d’EPS, que la guerre du chewing-gum a une nouvelle fois été déclarée, et que l’échauffement est vécu comme une contrainte lourde et souvent « bâclée ».. Les élèves accordent-ils si peu d’attention à leur intégrité physique ? De mon côté, en tant qu’enseignante d’EPS, soucieuse de vite proposer aux élèves des situations d’apprentissage, je ne m’attarde pas toujours assez sur les justifications des principes que j’énonce. Pourtant les programmes d’EPS[[Desco, La rénovation des programmes collège. Consultation sur les projets proposés par le groupe d’experts. Avril 2004.]] précisent que l’on « vise chez tous les élèves l’accès aux connaissances relatives à l’organisation et à l’entretien de la vie physique ». Un de ses objectifs généraux est même « d’apprendre à agir en sécurité pour soi, pour les autres, dans les activités et milieux les plus divers… »

Quinze minutes, trop long ou trop court ?

Le cadre de l’IDD m’a semblé être le plus approprié pour ne pas empiéter sur le temps d’EPS déjà diminué par les transports vers les installations sportives. L’infirmière est apparue la mieux placée pour « mettre en vie » le thème retenu : « respecter son intégrité physique et se donner les moyens d’assurer son maintien en EPS »[[Certes, associer l’infirmière et le professeur d’EPS, c’est prendre un peu de liberté par rapport aux exigences des IDD qui doivent lier deux disciplines d’enseignement.]]. Nous avons retenu plusieurs axes :
– travailler en dehors des cours d’EPS mais pourtant à partir d’une pratique d’EPS authentique, avec différents points de départ liés au vécu des élèves, par exemple un « accident » ou « malaise » vécu ou observé en cours d’EPS, le dernier échauffement réalisé, les règles et consignes de sécurité données par l’enseignant lors d’un cours…
– engager les élèves dans une démarche réflexive par rapport à des éléments du cours d’EPS. Il s’agit de «… permettre aux élèves de construire un rapport signifiant au monde et à l’école en s’engageant dans un véritable travail intellectuel »[[R. Ouvrier Bonnaz , A Portelette. Les Cahiers innover et réussir n°6, septembre 2003, CRDP Académie de Créteil]].
– partir de ces éléments pour aborder les connaissances relatives au corps, à la sécurité. Ce qui importe, « c’est de rendre les situations intelligibles »[[B. Rey, « Savoirs scolaires et relation à autrui », les Cahiers pédagogiques n°367-368, octobre novembre 1998.]]
– mettre les élèves en situation de travail par groupe en associant systématiquement à chaque séance expression orale et écrite.

Les groupes étaient composés de vingt d’élèves de différentes classes de cinquième qui ont choisi cet IDD. La première séance, capitale, a permis de poser le cadre. Nous avons expliqué aux élèves que nous étions là pour construire ensemble une réflexion sur les pratiques d’EPS au regard de l’intégrité physique, et que nous interviendrions chacune avec nos spécificités.
Le dialogue s’amorce :
Aurélie – « En cours on commence toujours l’échauffement par de la course lente pas trop longtemps.
Léo – Oui, cinq à six minutes c’est déjà beaucoup !
Amélie – Nous, des fois on court seulement quatre minutes, alors ça doit suffire.
Jihane – Sûrement pas, il faut courir au moins quinze minutes.
Aurélie et Léo – Tu parles, c’est beaucoup trop long. Si on court quinze minutes puis si on s’étire, il ne reste plus grand-chose pour travailler.
Jihane – Pourtant il faut quinze minutes de footing pour que le système respiratoire soit très efficace ».

Nous sommes intervenues pour les aider à faire la part des choses (différenciation des échauffements selon la durée des séances d’EPS, selon les activités physiques abordées, points communs à tous les échauffements…). mais surtout nous avons mis en place des situations dans lesquelles ils ont eu essentiellement à mobiliser leur bon sens et leur esprit critique pour comprendre comment s’établissent les faits et les règles lors d’un échauffement. Cet appel à participation les a un peu déstabilisés car il mettait à jour un décalage par rapport à ce qu’ils font habituellement en cours (c’est plutôt une bonne chose à notre avis !). En effet, trop souvent installés dans un rôle « d’élèves récepteurs » attentifs à la parole de l’enseignant, ils ont été placés là dans une attitude de questionnement et de réflexion dans laquelle leur implication devenait prépondérante. Notre intention était de leur faire prendre conscience qu’un premier effort réflexif permet souvent de résoudre une partie des problèmes posés.

Des situations jouées et expliquées

Un travail d’élaboration progressive a permis de dégager les autres thèmes à aborder : les blessures, l’alimentation, l’échauffement et l’hygiène de vie. Le point de départ de la séance a toujours été le cadre de l’EPS, par exemple le dernier échauffement et ce qui c’était passé. L’alternance de réflexion individuelle, de groupes, de mise en commun a permis la construction de grands principes ou règles. Par exemple, autour du thème « blessures et règles en EPS », la question de l’interdiction du chewing-gum a été posée. Les élèves ont répondu « qu’ils sont interdits car on peut les avaler ». Dès lors s’est enclenché un travail de différenciation entre avaler et inhaler. Ainsi, ont été abordées les connaissances relatives à l’appareil respiratoire et les conséquences en cas d’obstruction du larynx, enfin les conduites à tenir en cas d’inhalation malheureuse ont été présentées et réalisées devant tout le groupe.
Nous avons demandé une fiche de synthèse par groupe au terme de chaque séance. De forme variable (notes du groupe, fiche donnée par les enseignants, mots clés…), elle avait pour but d’aider les élèves à formaliser les connaissances abordées. Nous la rendions la séance suivante annotée si besoin pour aider les élèves à la compléter ou corriger d’éventuelles erreurs. L’ensemble des fiches fut le support d’une évaluation continue et un outil d’auto évaluation ou de co-évaluation très efficace.

L’évaluation de notre IDD comporte deux volets, la partie contrôle continu (déjà évoquée) et la partie production finale. Cette dernière prend appui sur des scénarios que nous proposons aux élèves qui mettent en jeu, l’infirmière, le professeur d’EPS et les élèves, dans des situations en relation avec les thèmes traités.
Ce jeu de rôle débouche sur des questions concrètes qui parlent aux élèves : en cours d’EPS, un élève interpelle le professeur d’EPS : « j’en ai assez de courir au début de chaque séance, vous ne pouvez pas trouver autre chose… ? ». Cela donne lieu à une production écrite pour justifier le bien fondé de la course puis à une présentation orale mise en scène. Sont alors prises en compte les connaissances réinvesties et la qualité de l’argumentation développée.

On peut souligner l’adhésion de tous, une participation orale souvent très pertinente et des échanges fructueux. Le travail réflexif a pris forme, la richesse des questionnements et des remarques faites par les élèves en témoigne. Un tel travail a permis l’acquisition de connaissances sur le corps humain en relation avec l’échauffement ou d’autres concernant l’alimentation du jeune sportif collégien, ou encore sur le plan des relations à autrui et sur la sécurité collective (utilisation du matériel dans les conditions optimales de sécurité, respect des consignes collectives, gestes de premiers secours.). Et puis, comme souvent, un IDD met en jeu bien autre chose, des compétences transversales se développent : maîtrise de la langue au travers de l’expression écrite et orale, capacité à travailler efficacement en groupe. Même la prise de risque « d’oser dire » devant les autres a été présente.

Même si nous n’avons pas toujours su trouver les modalités d’une mise en situation de pratique en l’EPS, en particulier lors de l’évaluation terminale, cette expérience a eu des conséquences inattendues puisqu’elle est à l’origine d’un projet plus vaste. Le projet santé au collège concerne cette année tous les niveaux de classe et l’EPS y occupe une place importante. Lacer ses chaussures pour éviter des entorses de la cheville mais aussi pour être bien dans ses baskets et dans sa scolarité… Ne pas mâcher de chewing-gum pour ne pas les inhaler et obstruer partiellement ou complètement les voies respiratoires mais aussi pour parler intelligiblement…. S’échauffer[[C. Fenrich; « A la découverte de l’échauffement au collège, SVT et EPS » ; CRDP Languedoc- Roussillon 2003]] pour prévenir des blessures mais aussi pour mettre son corps dans des conditions de travail efficace quelle que soit la discipline abordée. Bel épilogue, bel horizon.

Corinne Lassiaille, professeur EPS, Collège Ventadour, Limoges.