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Formations : peut mieux faire !

Depuis la rentrée se déroulent dans les académies des formations autour de la réforme du collège, organisées par l’institution. Les échos que nous en avons sont fort contrastés. Certains, négatifs, sont parfois excessifs et reflètent des prises de positions d’adversaires acharnés de la réforme ; ils ne sont pas forcément à prendre au comptant.

Mais, même parmi ceux qui souhaitent ardemment cette réforme, ici ou là, le désenchantement pointe. Certes, il est des formations bien organisées, bien préparées, où on s’efforce de ne pas être « descendant », où on présente des exemples concrets qui ne sont pas des modèles, où on met en activité les participants mais pas en les « laissant se débrouiller », et où on sait faire le tri entre réponses aux inquiétudes légitimes et nécessité de ne pas se laisser entrainer dans les polémiques.

Dans ces formations, on sait répondre à la désinformation concernant la réforme, on s’efforce de rassurer, de montrer tout le champ des possibles qui s’ouvre avec l’autonomie accrue donnée aux établissements, et on ne baptise pas « résistances conservatrices » les inquiétudes légitimes des participants, ou on ne les confond pas avec une volonté délibérée de sabotage « grain de sable », revendiquée explicitement par certains, qui restent une minorité.

Mais il est aussi des journées de stage où on a l’impression de perdre son temps, où les interminables diaporamas tiennent lieu de dispositif de travail, où trop peu de ressources sont mises à disposition des participants, où le renvoi à l’autonomie des établissements apparait plus comme une manière de botter en touche que de faire chercher collectivement les bonnes réponses locales.

Exigences

Il n’est pas sûr que l’institution ait bien saisi partout que des formations réussies doivent répondre à certaines exigences :

  • Être bien préparées en amont, en équipe, mais aussi donner lieu à des retours réflexifs, d’analyse : les équipes de formateurs sont loin d’exister partout.
  • Faire appel au professionnalisme de formateurs expérimentés, de préférence ayant des classes de collège, et pas seulement à la bonne volonté de collègues innovants, mais n’ayant jamais eu d’expérience de formation (et si c’est le cas, il faut au moins qu’il y ait co-animation).
  • Avoir réfléchi à la place des inspecteurs dans ce dispositif. Doivent être écartés de cette formation ceux qui ne croient pas à cette réforme (on peut faire appel à leur honnêteté intellectuelle pour savoir quelle est leur position). Les inspecteurs, dans une formation, ne sont plus les supérieurs hiérarchiques des formateurs, à qui ils doivent faire confiance (les cas signalés d’IPR exigeant de contrôler les documents distribués en stage sont inadmissibles).
  • Construire des dispositifs qui intègrent l’anticipation sur les réactions hostiles ou sceptiques, qui permettent en fait de les contourner par la mise au travail. Rien de tel que de « faire » pour éviter les discours souvent coupés de la réalité de ce qui est proposé par les nouveaux textes.

En fait, ces formations doivent être des moyens à la fois de partager l’information objective sur ce qui est prévu par la réforme, de bien faire la part entre liberté pédagogique et nécessité de mettre en œuvre ce qui est désormais une loi commune (souplesse, oui, détournement des textes, non !), savoir s’inscrire dans la continuité.

Par exemple, les EPI sont en partie l’héritage des IDD, il est donc absurde de proclamer qu’ils «n’ont rien à voir avec» et en même temps, ancrés dans le changement, ils ne sont pas le simple prolongement des IDD. Ajoutons que ces formations doivent s’inscrire dans la durée, en permettant aux personnes formées de garder contact entre elles, de continuer le travail, ensemble, en ayant un retour bienveillant des différents participants après échange d’adresses mails.

Former au changement

Notre mouvement réfléchit depuis de longues années sur ce que signifie «former au changement», a produit des outils, a expérimenté bien des dispositifs. L’institution a peu fait appel à ce savoir-faire, on aurait pu par exemple imaginer des universités d’été comme il en a existé dans les années 80 et 90 et dans lesquelles nous étions partie prenante ou encore nous associer à un dispositif de formation de formateurs. Nous proposons d’ailleurs des formations qui vont dans le sens des changements de pratiques qui doivent aller avec la réforme du collège ; certains d’entre nous, formateurs académiques ou en ESPE, puisent dans l’expérience du CRAP-Cahiers pédagogiques des outils pour organiser au mieux leurs stages.

L’enjeu est de toute façon trop important pour que des logiques de territoires, de préséances bureaucratiques prennent le dessus sur la nécessité d’accompagner un changement qui ne soit pas de surface, mais inscrit dans la durée et si possible « désirable ».