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Filles-garçons en famille et à l’école : reproduction des inégalités ou éducation à l’égalité ?

Un joli titre pour cet ouvrage qui présente les communications des trois tables rondes du colloque organisé par l’Iréa en juin 2011. Les invitées prestigieuses sont les références intellectuelles pour les questions abordées. Comment éviter la « reproduction des inégalités » ? Comment empêcher le renforcement des préjugés ? C’est bien ce qu’annonce dés le texte introductif Nicole Mosconi qui fait le point, avec une grande clarté, pour définir le concept de genre et expliquer la construction des stéréotypes de sexe et la notion de « curriculum caché ». Comme « toute domination s’appuie sur l’ignorance » elle nous montre en quoi l’école joue un rôle pour reproduire les inégalités et pourquoi la mixité n’est pas suffisante pour produire de l’égalité.

L’égalité est un concept politique et juridique. «Quand on réclame l’égalité des sexes on ne demande pas que les femmes soient identiques aux hommes, ce qui serait absurde, mais on demande qu’elles soient égales en droit, aux hommes».

La première table ronde s’intitule : « idées reçues sur masculin/féminin ». Catherine Vidal réussit à démontrer le mal fondé des thèses sur le déterminisme biologique des différences entre les sexes. Cendrine Marro nous explique comment chacun, chacune d’entre nous sommes sous l’emprise du genre, dépendant-e-s mais aussi indépendant-e-s. Ce concept (la DIG) est lui aussi un gage d’optimisme pour plus d’égalité entre les femmes et les hommes. Véronique Chauveau qui témoigne de son expérience sur le terrain avec son regard genre, présente le poids des stéréotypes qui pèsent sur les disciplines des sciences formelles (mathématiques, physiques) dont l’image auprès des jeunes est plutôt bonne car ces matières sont considérées comme difficiles donc sélectives, mais ils ont du mal à réaliser leur utilité et cela influe sur les choix d’orientation des jeunes filles surtout. Enfin Anne-Marie Houdebine nous propose une analyse pleine d’humour du « sexisme dans le langage » et nous rappelle la difficulté et le temps long pour obtenir une féminisation des noms de métiers ou des règles de grammaire.

« Les savoirs sont-ils neutres ? » est le titre de la deuxième table ronde dont le format se veut plus interactif avec le public. Deux sociologues et une historienne ont répondu aux questions du public après un exposé volontairement assez rapide. Le premier, Gilles Moreau qui s’intéresse à la jeunesse populaire voit comment les formations professionnelles sont particulièrement séparées selon les sexes, la mixité n’existe quasiment pas et il y a peu d’évolution sensible. Ce sont des savoirs enseignés relatifs à des métiers ce qui explique que ces formations se sont d’abord développées au profit des garçons qui sont aujourd’hui encore beaucoup plus nombreux dans des filières dites « masculines » et privilégiées. Alors que l’éventail des sections dites « féminines » est bien plus restreint. Et les jeunes filles, notamment en apprentissage ont plus de mal à trouver un employeur. Les rapports sociaux de sexe dans le domaine du sport peut nous ouvrir les yeux sur les relations femmes/hommes.

Comme nous le dit Catherine Louveau, alors que le sport est donné comme «neutre » universel, principe fondateur du mouvement olympique, ceci n’est qu’une apparence. Les techniques et encore plus celles liées au corps ne sont pas neutres. Elles engagent la culture, le rapport aux objets, aux espaces, aux autres. Donc un rapport au monde ! Pourtant l’histoire du sport est essentiellement faite de références masculines. Françoise Thébaud jette un regard d’historienne en nous récapitulant les grands mouvements, sur un siècle, qui participe à l’égalité des sexes à l’école. Mais, même si les dernières décennies ont laissé une place aux femmes dans l’histoire androcentrée jusque là, il n’y a pas encore une transmission de l’histoire des rapports sociaux de sexe et donc du genre. Anne Marie Chartier de conclure à propos des frontières entre école et pratiques sociales qu’ « un certain nombre des problèmes insolubles à l’intérieur de l’école viennent aussi de ce que l’école est dans un monde social qui, lui, est extraordinairement segmenté du point de vue de la hiérarchie ».

Alors « pour ou contre la mixité sociale ? » question posée à la troisième table ronde par André Sirota à Catherine Marry (sociologue), Rebecca Rogers (historienne) et Isabelle Collet (sciences de l’éducation à Genève). La première remet en question la mixité lorsque celle-ci n’est pas assez pensée et peut activer les comportements stéréotypiques de genre. La seconde nous donne une bonne mise au point des recherches sur les atouts de la mixité en s’appuyant sur une histoire de la mixité écrite par deux historiens nord américains. La troisième revient à la France et insiste sur l’importance d’une sensibilisation à la question du genre dans la formation des enseignants et enseignantes. Elle explique bien comment distinguer égalité et complémentarité et finalement comment, au nom de la différence, les différences fabriquent et justifient les inégalités. Il faudrait se poser la bonne question « une réelle coéducation permet-elle l’égalité entre les sexes ? » et la réponse est «Comment savoir ? On n’a encore jamais vraiment essayé ! »

La synthèse, à la fin du colloque, réalisée par Nicole Mosconi, ouvre les champs du possible pour faciliter une évolution dans le bon sens en faisant une liste de propositions d’actions.

Geneviève Pezeu