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Faut-il encore redoubler ?

On ne peut que saluer l’excellent travail réalisé par trois chercheurs, suite à la conférence nationale de « consensus » du CNESCO sur le redoublement en janvier 2015. En effet, ce petit livre, qui sait aller à l’essentiel, met à la disposition d’un large public des résultats de la recherche sur un sujet « chaud » mais qui ne peut être traité de manière simpliste, pour s’achever sur les propositions de la Conférence qui vont en fait bien au-delà du seul problème du redoublement, conçu d’ailleurs comme un révélateur des questions éducatives qui se posent aujourd’hui et de la nécessité de rendre le système scolaire français plus juste et plus performant.

Ce qui nous a particulièrement intéressés dans cet ouvrage, d’une grande lisibilité, loin de cet agaçant style chantourné de trop de chercheurs, c’est l’invitation à entrer dans la complexité, en n’allant pas trop vite dans les conclusions faites à partir d’études qui parfois se contredisent.

N’affirmons pas trop vite que le redoublement est totalement inutile, puisqu’il peut avoir des effets positifs à court terme et qu’il est nécessaire également de considérer à quel niveau d’enseignement il se situe. Même si globalement, la plupart des études existantes concluent à son peu d’efficacité.

De même, les auteurs nous mettent-ils en garde contre le danger de simplisme dès lorsqu’on essaie d’évaluer ce que « rapporterait » la suppression du redoublement. A court terme, pas grand-chose. Et l’argument selon lequel cette suppression permettrait de dégager des moyens financiers ailleurs est à manier avec précaution et ne peut en tout cas pas être suffisant.

La présence parmi les auteurs d’économistes compétents se manifeste par l’importance accordée aux « biais » toujours possibles dans des études dont les politiques se servent quand cela les arrange.

De même est-il essentiel de comprendre les raisons qui mènent à un décalage considérable entre ce que pensent les chercheurs sur la question et les avis des enseignants, qui conservent un faible pour cet outil de pression sur les élèves, fût-il largement fantasmé. Une politique publique ne peut pas ne pas en tenir compte.

Le dernier chapitre de l’ouvrage est consacré aux « alternatives » (on peut lire aussi le hors série de notre revue qui en présente un certain nombre). Car il ne suffit pas de supprimer le mauvais remède pour guérir de la maladie. Le passage automatique, sans accompagnement, est bien entendu aussi nocif que la rétention d’élèves qui n’ont pas atteint le niveau nécessaire. La conférence de consensus propose un certain nombre de pistes, certaines nouvelles, d’autres qui seraient plutôt une vraie concrétisation de mesures qui restent trop souvent lettre morte malgré leur inscription dans des textes officiels (cycle à l’école primaire, PPRE, plus de maîtres que de classes, petits effectifs dans certaines classes et dans certains secteurs, formation des enseignants à gérer l’hétérogénéité). En fait, la question principale reste : comment l’école française peut-elle faire pour diminuer le nombre d’élèves en difficulté, qui a tendance à croître. Tout le monde aurait à y gagner…

Jean-Michel Zakhartchouk