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Faire travailler les élèves à l’école – Sept clés pour enseigner autrement

Ce livre est un ouvrage pédagogique ; c’est aussi un livre politique, au sens où les auteurs s’appuient sur les finalités de l’éducation et les valeurs qui les sous-tendent. Non comme un rituel auquel on sacrifierait dans l’introduction, non comme un discours convenu, mais parce que toutes les pratiques analysées ici sont systématiquement et explicitement reliées aux valeurs qui les fondent. Les auteurs prennent au sérieux la visée émancipatrice de l’école et des savoirs. Ils se placent dans le cadre de l’Éducation (toujours) Nouvelle et se réfèrent, entre autres, à Korczak, Freinet, Oury, promoteurs de méthodes qui « ont fait leurs preuves »… en ajoutant que toute méthode est une construction imparfaite et provisoire à remettre sur le métier, une invitation à bricoler à condition de le faire en articulant rigoureusement théorie et pratique.
Ce qu’ils font pour examiner sept questions, les « clés » annoncées par le titre.
Les cinq premières sont : quelle place laisser aux enfants dans la classe ? Comment penser les apprentissages, organiser le travail, évaluer, différencier ? On le voit, c’est bien l’acquisition effective des savoirs par les élèves qui est au cœur des préoccupations des auteurs. Elle passe, pour eux, par une pédagogie coopérative qui n’est ni démagogie, ni puérocentrisme, ni démission du maitre, mais un outil dont ils montrent la cohérence avec les travaux de chercheurs dans différents domaines des sciences de l’éducation. Ces travaux sont utilisés dans le texte et cités dans les bibliographies (assez courtes pour être utilisables) de « références pour aller plus loin » qui ferment chaque chapitre.
Les deux autres points abordés sont la socialisation démocratique dans la classe et la place des partenaires de l’école — parents et intervenants divers.
De nombreux encadrés servent soit à rappeler de façon synthétique une notion utilisée dans le chapitre (par exemple, « l’éducabilité cognitive » ou les apports de Vigotsky), soit à présenter une tranche de vie de classe, soit à fournir des outils (sur, par exemple, la méthodologie du projet laissant leur place aux élèves-enfants, l’évaluation, le bon usage des devoirs à la maison). À la fin de chaque chapitre, deux rubriques jumelles « Regard de chercheur / Regard de praticien » ajoutent un éclairage différent à une idée abordée dans le corps du texte, et des Points-clés résument très brièvement ce qui peut être mis en œuvre par chaque enseignant désireux de faire évoluer sa pratique sans la révolutionner d’un coup, avec le risque d’échec donc de découragement que cela ferait courir : cet ouvrage a un côté éminemment pratique.
L’élève, la classe et les pratiques sont constamment présents au fil des pages. L’environnement économique et social, ses répercussions sur l’école sont pris en compte en particulier dans les chapitres sur la socialisation et les partenaires extérieurs. La conclusion, intitulée Une autre manière d’être enseignant , laisse une place au scepticisme — pour ne pas dire plus — des auteurs face aux décisions ministérielles des dernières années, mais fait montre aussi de ce que peut la pédagogie malgré la « contre-réforme en cours ».
Sans doute, on ne trouvera guère d’idées nouvelles dans ce livre, mais bien des idées qui attendent encore d’être mises en œuvre autrement que de façon marginale, une synthèse fondée en théorie de ce qui peut être fait dès maintenant à l’école élémentaire pour que tous les élèves apprennent et grandissent.

Élisabeth Bussienne