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Faire lire les élèves au collège : histoire à deux voix

Professeur documentaliste en collège, je travaille chaque année en partenariat avec mes collègues de lettres, dans le but de faire lire les élèves. Au fil du temps, cet objectif s’est concrétisé de diverses manières : présentation à une classe de sélections de livres (par genre, par forme littéraire, par thème, par période…), modes de retour de lecture des élèves variés (oral ou écrit, panneau, critiques littéraires…), organisation de défi lecture, de rallye lecture, de débat littéraire, participation à un prix littéraire, lectures à voix haute… Toutes ces expériences permettent d’accroître le nombre de lecteurs et de livres lus dans une classe, mais aucune ne m’a complètement convaincue si elle ne s’inscrit pas dans une démarche globale pour créer une dynamique de lecture, aucune n’ayant donné le goût de lire à ceux qui ne l’avaient pas déjà.
Sans dynamique de lecture préalable, toutes ces activités apparaissent comme ponctuelles aux yeux des élèves. Ils s’y investissent ni plus ni moins que dans une autre activité scolaire. D’une manière générale, dans un collège comme le nôtre, aux profils d’élèves très hétérogènes, ces activités permettent à un tiers des élèves de la classe, déjà lecteurs, de lire beaucoup plus qu’en l’absence de dispositif. Un autre tiers des élèves, peu lecteurs a priori, profite de la dynamique enclenchée par l’activité proposée mais dans une moindre mesure. Pour ces élèves, lorsque l’activité proposée touche à sa fin, la lecture disparaît également de leurs pratiques. Le dernier tiers, d’emblée réfractaire à la lecture, ne tire quasiment aucun bénéfice de ces activités, vécues le plus souvent comme une corvée, quel que soit l’habillage ludique. Pour ces élèves, les activités proposées ne donnent pas le goût de lire.

Les séances de comptes-rendus de lecture à l’oral auxquelles j’ai le plus souvent assisté ne concourent pas non plus à faire lire les élèves : ceux-ci sont préoccupés par l’imminence de leur propre passage, sont focalisés sur leur stress et rarement à l’écoute de leurs camarades. Ces moments sont vécus comme des moments d’évaluation et non pas comme un partage autour des livres et des histoires. Le professeur tient à faire passer le plus grand nombre d’élève dans l’heure, laissant peu ou pas de temps aux échanges.

Comment faire passer toute une classe à l’oral sur des comptes rendus de lecture sans que cela se transforme en un marathon fastidieux pour tous ? Comment faire en sorte que l’élève s’adresse à ses camarades et non pas aux professeurs ? Comment créer des échanges entre élèves ? Comment faire circuler les livres au maximum entre les élèves ?

Catherine Letort, Professeur documentaliste à Noisy-le-Grand (93).


Quand j’ai débuté comme professeur de lettres en collège, j’avais envie de faire passer ma passion pour la lecture mais je ne savais pas trop comment m’y prendre. Les « fiches de lecture » traditionnelles (pratique courante à l’époque mais elles existent encore) ne me satisfaisaient pas et je me sentais très démunie face aux élèves en grande difficulté de lecture. Comme Catherine Letort, je pense que si l’on veut que tous les élèves lisent, il faut d’abord chercher à mettre en place une dynamique de lecture qui donne aux élèves envie de lire, d’échanger sur leurs lectures et par suite d’échanger leurs livres. Les présentations orales de lectures personnelles me paraissent un dispositif tout à fait approprié, sous certaines conditions que l’on pourrait résumer en quelques mots : choix, échanges, rythme, accompagnement de la lecture.

Choisir des livres

Les lectures cursives peuvent être liées à la séquence en cours, mais ce n’est pas une obligation[[Voir Accompagnement des programmes 5e-4e : « Envisagée en dehors des séquences didactiques, la lecture cursive est fortement encouragée : elle s’attache prioritairement à faire de chaque élève un lecteur autonome, sensible au plaisir individuel de la lecture ».]]. Si l’on veut que les élèves lisent, il me paraît fondamental de commencer par leur offrir un choix varié de livres. Cette variété concerne les genres, les thèmes, les modalités de narration, le format, l’épaisseur, la typographie, l’aspect de la couverture… Il s’agit de leur montrer, au sens propre du mot, qu’on tient compte de leurs goûts, de leur niveau de lecture et de leur appétit de lecteur. Les 4e-3e ont souvent perdu l’habitude et le goût de fureter dans les rayons, mais ils aiment bien aller au CDI. Plutôt que leur donner une liste, même commentée, nous leur donnons à voir, à manipuler une sélection de livres, présentée par exemple sous forme d’étal sur une grande table ou disposée sur plusieurs tables. Cette sélection s’appuie sur les conseils des documentalistes et des bibliothécaires, les coups de cœur des élèves, les sélections, les revues et les sites spécialisés[[Le site Télémaque propose une liste de ces revues et de ces sites : http://www.crdp.ac-creteil.fr/telemaque/ ]]. La séance a lieu parfois au CDI ou à la bibliothèque municipale. Connaître les livres permet de mieux conseiller les élèves.

Mais offrir un choix n’est pas toujours suffisant. Comment inciter les élèves à être actifs dans leur choix ?

Cette séance peut prendre diverses formes selon le nombre de livres retenus, le type de lecteurs auxquels elle s’adresse. Dans le cas d’une sélection très large, nous commençons parfois par discuter des critères de choix (aucun n’est exclu), ainsi que de tout ce qui peut aider au choix (outils et personnes). Pendant la discussion, les élèves commencent souvent à jeter un coup d’œil aux livres. Ils sont d’autant plus tentés de le faire que je ne l’ai pas imposé ! Ensuite, je demande à chaque élève de choisir deux ouvrages de la sélection qui l’attirent et de préciser brièvement au groupe les raisons de son choix. Pour que cette activité ne soit pas un tour de table fastidieux et donne lieu à des échanges verbaux ou même des échanges de livres, il est préférable de la faire en demi-classe et de donner des consignes qui favorisent les interventions et la qualité de l’écoute : par exemple, on peut inciter les élèves à rebondir sur les remarques des autres et leur dire de compléter leur sélection en notant deux titres choisis par d’autres élèves puis d’établir un ordre de préférence. Pour respecter leur choix, il est intéressant d’avoir certains titres en plusieurs exemplaires.

L’intérêt des doublons

Dans ce contexte où l’on essaie de susciter une envie de la part des élèves, il faut ensuite être en mesure d’y répondre. L’envie des élèves réfractaires à la lecture est éphémère et supporte mal d’être différée. Les livres en plusieurs exemplaires permettent de satisfaire immédiatement l’attente de plusieurs élèves. Ils multiplient également les lecteurs d’un même livre ce qui enrichit les échanges autour de ce livre et le fait circuler plus rapidement dans une classe. Un élève réfractaire à la lecture se lance parfois plus facilement s’il n’est pas seul à emprunter le même livre. Des exemplaires supplémentaires des livres particulièrement plébiscités par les élèves peuvent être empruntés dans les bibliothèques municipales pour accroître momentanément l’offre du CDI. La plupart des bibliothèques municipales proposent aux professeurs des cartes collectivités qui permettent d’emprunter plus d’ouvrages pour un temps plus long. Peut-on systématiquement acheter des livres en plusieurs exemplaires étant donné les contraintes budgétaires de nos CDI ? Acheter des livres en plusieurs exemplaires se fait forcément au détriment d’une offre plus large de fiction. Avant d’acheter un livre en plusieurs exemplaires, il est préférable de le tester au préalable auprès des élèves. Pour ce qui est de l’étendue de la gamme de fiction proposée, nos CDI de collèges ne peuvent de toute façon pas rivaliser avec les bibliothèques municipales. Alors ne vaut-il mieux pas une offre moindre mais des livres lus, relus et qui circulent d’un élève à l’autre ?
Catherine Letort

Mais on peut aussi demander aux élèves de découvrir le point commun d’une série de livres, de trier et de classer une série d’ouvrages, d’associer des premières et des quatrièmes de couverture (chasse aux titres à partir d’un jeu de photocopies), d’associer des extraits et des premières de couverture (jeu de la page perdue)… Toutes ces activités, à faire individuellement ou en petits groupes, incitent les élèves à chercher des informations dans les premières et quatrièmes de couverture, à faire des hypothèses de lecture, parfois même à commencer à échanger entre eux sur les livres. On choisira l’une plutôt que l’autre en fonction du public auquel on s’adresse et du corpus sélectionné. Par exemple avec des 6e en difficulté, je choisis des activités très ludiques[[Un ouvrage conçu pour le primaire donne une mine d’idées à utiliser ou transposer au collège : P. Cassagnes, C. Garcia-Debanc, J.-P. Debanc), 50 activités pour apprivoiser les livres en classe ou en BCD, CRDP Midi-Pyrénées, nouvelle édition, 2004.]]. Avec des 3e, je choisis des activités en petit groupe (mais toujours avec un temps de réflexion individuelle).
Avant la fin de la séance, l’élève choisit le livre qu’il veut emprunter et commence sa lecture. J’ai remarqué que certains élèves ne lisaient pas parce que le livre n’avait pas bougé de leur sac ou de leur bureau. Un livre commencé a plus de chances d’être lu, surtout si un moment est consacré peu de temps après à faire le point sur le choix des élèves.
Il nous paraît important, à la documentaliste et à moi-même, de laisser un droit à l’hésitation et un droit à l’erreur dans le choix : nous laissons l’élève emprunter deux livres et finir son choix chez lui, nous lui accordons la possibilité de changer le livre qu’il a initialement choisi (l’échange sera facilité si l’on a demandé à l’élève de repérer plusieurs livres). Mais il est tout aussi important d’être ferme sur le délai (volontairement court : en général une semaine) pendant lequel l’élève peut changer de livre. Nous n’hésitons pas à dialoguer avec les élèves pour nous assurer qu’ils ont bien commencé leur livre et que celui-ci leur convient. L’élève qui rencontre une difficulté dans sa lecture sait qu’il peut nous en parler (au CDI, après un cours…). Il est important de dédramatiser leurs difficultés de lecture si l’on veut que la lecture (re)devienne un plaisir. De plus, ces discussions peuvent être l’occasion de mieux cerner l’origine de leurs difficultés.

Quel retour de lecture demander aux élèves ?

Faut-il exiger un retour des lectures personnelles des élèves ? Ne risque-t-on pas de perdre ce que l’on cherche et de dégoûter certains élèves de la lecture ? Certainement si on leur impose un travail trop lourd et s’ils n’en comprennent pas le sens. Pour autant, je pense que certains élèves laisseraient le livre traîner longtemps dans leur cartable ou sur leur bureau s’il n’y avait aucun retour. Certaines formes de retour contribuent à développer le goût de la lecture et à former des lecteurs autonomes. J’ai vu beaucoup d’élèves se mettre à lire alors qu’ils disaient ne pas aimer lire.
Mais quel retour de lecture demander aux élèves ? Comment faire en sorte que le temps de présentation des lectures personnelles ne soit pas seulement un moment d’évaluation mais un moment d’échanges et d’incitation à lire ainsi qu’une occasion d’apprentissages ?
En classe, en tant que professeur de lettres, je privilégie, surtout au premier semestre, les présentations orales avec pour enjeu majeur explicite de donner aux autres l’envie de lire le livre qu’on présente. Cela implique d’en donner un aperçu clair et de faire ressortir ce que l’on a aimé dans le livre. Pour cela, je demande par exemple un court résumé du début du livre, trois ou quatre mots-clés, l’explication du titre ou un autre titre, la lecture d’un passage jugé important (le passage doit être situé avant d’être lu), et enfin un avis personnel et justifié sur le livre (facilité de lecture et intérêt). Attention, il ne s’agit pas de « tromper sur la marchandise » mais d’exprimer ses sentiments et ses réactions de lecteur ! On a le droit d’avoir été déçu par le livre (ou par certains aspects comme la fin) et de le dire. Mais il faut expliquer pourquoi. Si deux élèves ont choisi le même livre (je ne l’interdis jamais car cela rassure certains et je trouve que cela enrichit souvent les présentations), ils le présentent le même jour. Ils peuvent se mettre d’accord pour le résumé et les mots-clés. Mais ils doivent lire chacun un passage différent et exprimer leur avis personnel. Pour ne pas lasser l’auditoire, la présentation doit avoir une durée limitée et avoir été bien préparée. En début d’année, je commence par faire passer en premier les volontaires ou ceux qui connaissent déjà le dispositif. Cela aide les autres à comprendre ce qui est attendu et l’intérêt de l’activité. Si un élève bredouille parce qu’il n’a visiblement pas fini le livre ou mal préparé sa présentation, je préfère reporter son intervention. S’il a simplement du mal à s’exprimer, je l’aide à reformuler ses idées par des questions simples et précises. S’il a des difficultés en lecture orale, je lui demande de bien préparer la lecture des premières lignes et je lis la fin de son passage.
Dans tous les cas, un temps est prévu pour les questions et les remarques des élèves. Il est situé juste avant l’avis de l’élève sur le livre. Ce moment est capital parce que les échanges permettent d’affiner la présentation du livre et d’approfondir certains points, de rectifier certaines erreurs ou de soulever des questions. Surtout on ne dit pas tout sur le livre : l’élève a droit au « joker » pour les réponses qui dévoileraient trop de choses sur le livre (ou sur lui-même : on lui demande de s’exprimer, pas de se mettre à nu). Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les élèves qui présentent leur livre n’abusent pas du joker, ils auraient plutôt tendance à trop en dire.
Les professeurs ont souvent peur que les élèves ne posent pas de questions. C’est très vite l’inverse : on doit limiter les questions. Jouons alors sur la frustration pour faire circuler immédiatement le livre. Cela suppose de s’être mis d’accord avec la documentaliste sur le mode de prêt des livres.
Et ne soyons pas déçus si personne ne le prend immédiatement. Il existe une circulation souterraine des livres dont le professeur n’est pas toujours conscient (il la découvre par hasard ou par la documentaliste à qui un élève a rendu un livre en retard car il l’avait prêté à X qui l’a passé à Y…). Il m’arrive régulièrement d’avoir des élèves qui choisissent un livre parce que « quelqu’un l’a présenté l’année dernière et cela avait l’air bien ». Parfois, j’oublie de demander si quelqu’un veut emprunter le livre. Ce sont les élèves qui me le rappellent. Celui qui emprunte un livre déjà présenté a le droit d’ajouter un commentaire s’il le souhaite. Mais ce n’est ni obligatoire ni systématique car cela alourdirait le dispositif et que je trouve important de préserver des moments de lecture « gratuite ». En revanche, j’aime bien consacrer un moment d’une séance à faire le point sur leurs coups de cœur du trimestre.

Un dispositif de prêt très souple

Ce genre de dispositif qui favorise la circulation des livres entre les élèves demande une bonne coordination entre le professeur et le documentaliste pour le suivi des prêts, surtout lorsque les présentations orales de livres ne se font pas au CDI, et que les livres sont tout de suite réempruntés par d’autres élèves de la classe. Les élèves de sixième viennent encore assez facilement signaler au documentaliste que leur livre a été emprunté par quelqu’un d’autre. Pour les plus grands, il est préférable que le professeur se charge de transmettre rigoureusement les informations au documentaliste. Il n’est pas rare que le professeur envoie un élève au CDI au milieu de son heure de cours pour qu’il reparte immédiatement avec le livre qui a éveillé son intérêt. Cela occasionne du va et vient dans le CDI, mais accroît le nombre de lecteurs et de livres lus !
Certains dispositifs de prêt supposent également que le documentaliste accepte de ne pas maîtriser les emprunts en temps réel. Les traditionnelles (certains diront archaïques…) petites fiches de prêt des livres me sont d’une grande utilité. Il m’arrive régulièrement de prêter une caisse de livres à un professeur pour une séquence. Les livres sont enregistrés à son nom dans la base de données. Ce professeur entrepose cette caisse dans sa salle de classe, dans une armoire qui ferme à clé, fait circuler ces livres, en se servant de la fiche d’emprunt propre à chaque livre. Selon les projets et/ou les professeurs, je fais régulièrement le point avec le professeur et sa classe des livres lus et des emprunts, ou bien je n’interviens pas du tout. À la fin de la séquence, lorsque je récupère la caisse de livres, j’enregistre en différé, pour les statistiques de prêts, les emprunts des élèves.
Ce genre de dispositif de prêt occasionne parfois des pertes, nécessite parfois de mener de véritables enquêtes pour retrouver les emprunteurs successifs d’un livre (lorsque le professeur ou les élèves laissés en autonomie n’ont pas été assez rigoureux dans le suivi des prêts). Ces inconvénients me semblent minimes au regard des bénéfices retirés : augmentation des prêts, réduction de la distance entre le livre et son lecteur potentiel.
Catherine Letort

Développer des notions, approfondir des compétences

À quel moment ont lieu les présentations de livres ? En début d’année, j’évite les fins de séance pour être sûre que l’élève ne soit pas coupé par la sonnerie. Je préfère les débuts de séance. Je n’hésite pas à consacrer une heure entière à des présentations, mais je veille à ce que les élèves respectent le temps qui leur est imparti (en étant plus souple pour les premières présentations). Avec ce dispositif, il est impossible de faire passer toute la classe en deux heures ni même trois. Mais je reste persuadée que le temps consacré à ces présentations est du temps gagné pour autre chose. Outre le fait que les élèves lisent davantage et que cela change la perception de certains de la lecture et du français en général, ces séances sont l’occasion d’aborder ou d’approfondir plusieurs notions et de développer des compétences. Pour mieux le comprendre, revenons sur certaines rubriques du dispositif.
Les « mots-clés » sont particulièrement importants car c’est la trace (écrite) que chaque élève gardera de la présentation. En début d’année, je précise simplement que ces mots ou expressions doivent donner une bonne idée de l’ensemble du livre. Au fur et à mesure des présentations, on s’aperçoit que ces mots-clés recouvrent aussi bien des indications de thèmes et de cadre spatio-temporel que des renseignements de genre et de choix narratifs (par exemple, retour en arrière, points de vues multiples…), ou encore des notations sur la tonalité du récit (drôle, émouvant, insolite…).
En début d’année, Aurélien, élève de 6e, présente Cabot-Caboche de Daniel Pennac. Il propose comme mots-clés : chien, amitié entre animaux, relations entre humains et chiens. Mais dans la suite de sa présentation, il est amené à préciser que le début du livre est difficile car « on est dans la tête du chien » et que « le livre ne raconte pas tout dans l’ordre ». C’est l’occasion d’introduire la notion de point de vue (l’histoire est racontée du point de vue du chien) et celle de retour en arrière. Ces notions étant fondamentales pour comprendre le livre, nous les notons dans les mots-clés.

Les livres lus par les élèves de 6e D : extraits de la trace écrite

– Le 6/10 : Céline présente Le chien qui souriait.
auteur : Kate DI CAMILLO
mots-clés : amitié enfant/animal, personnages extravagants (farfelus), solitude, mère disparue
– Le 11/10 : Aurélien présente Cabot-Caboche.
auteur : Daniel PENNAC
mots-clés : relations chiens/humains, amitié entre animaux, point de vue du chien, retour en arrière (dans la vie du chien)
– Le 13/10 : Rose présente Voyante extralucide.
auteur : Mégane McDonald
mots-clés : bague d’humeur, lire dans les pensées, humour
– Le 19/10 : Johana présente La potion magique de Georges Bouillon.
auteur : Roald DAHL
mots-clés : grand-mère détestée, remède diabolique, métamorphoses, histoire extraordinaire, humour.
– Le 19/10 : Emlyne présente La caverne maudite.
auteur : Kate MAC MULLAN.
mots-clés : aventure, amitié, dragon.
– Le 20/10 : Cindy présente Le professeur a disparu.
auteur : Jean-Philippe ARROU-VIGNOD
mots-clés : enlèvement, enquête faite par des enfants, trois narrateurs
– Le 8/11 : Kevin D. présente Un tag pour Lisa.
auteur : Stéphane DANIEL
mots-clés : rapt (= enlèvement), graffiti, enquête, amitié
– Le 8/11 : Guillaume et Steven présentent Lumina (1) : Le Royaume maudit
auteur : Dan ALPAC
mots-clés : complot, fuite et poursuite, animaux fantastiques, Nécromantes (sorcières), pouvoirs surnaturels, amitié, heroic fantasy
– Le 9/11 : Sabrine présente Verte.
auteur : Marie DESPLECHIN
mots-clés : sorcellerie, amitié, humour
– Le 9/11 : Morgane présente Un trésor pas comme les autres (Les enquêtes des sœurs Christer)
auteur : Ellen MILES
mots-clés : famille nombreuse, énigme, récompense
– Le 10/11 : Priscilla présente Akita.
auteur : Bernard CLAVEL
mots-clés : chien fidèle, voyage, relations chiens/humains
– Le 10/11 : Mohamed présente Scorpia (tome 5 des Aventures d’Alex Rider)
auteur : Anthony HOROWITZ
mots-clés : enquête, espions, criminels, révélations, rebondissements
– Le 10/11 : Samuel présente Les mille oiseaux de Sadako.
auteur : Eleanor COERR
mots-clés : bombe atomique (Hiroshima), maladie, passion de la course, légende, origami, émouvant
– Le 15/11 : Mégane présente Un tueur à ma porte.
auteur : Irina DROZD
mots-clés : aveugle, témoin gênant, peur, amitié, narrateur qui nous fait passer d’un personnage à un autre (changement de point de vue)

Les présentations de livres permettent d’aborder très tôt la notion du statut du narrateur et celle du point de vue choisi. (On peut d’ailleurs établir une sélection de livres avec cet objectif en tête.) Les élèves comprennent beaucoup plus facilement à la lecture d’un livre que d’un extrait la notion de point de vue interne dans le cas d’un récit à la 3e personne. Et il est relativement facile de leur faire percevoir l’intérêt de certains choix narratifs dans le cadre d’un roman policier (par exemple, en leur demandant ce que cela change pour le lecteur que le récit soit raconté du point de vue de l’enquêteur ou du point de vue du meurtrier). Pour ce qui est des genres, les présentations de livres peuvent être l’occasion de distinguer des genres que les élèves confondent souvent (genres de récits à la 1re personne, genres de l’imaginaire…). Enfin, les mots-clés peuvent être l’occasion d’introduire ou de réutiliser des mots nouveaux (comme « métamorphose », « dilemme », « usurpateur »).

D’où viennent les difficultés ?

À la fin de leur présentation, les élèves disent s’ils ont trouvé le livre facile à lire ou pas. Cette indication est, bien sûr, très subjective. L’intérêt de cette rubrique réside surtout dans les commentaires (provoqués au besoin par des questions) : s’il y avait difficulté, d’où venait-elle ? A-t-elle subsisté durant toute la lecture ? Comment a-t-elle été dépassée ? Ce temps est très important car c’est l’occasion de mettre en place des stratégies d’accompagnement de la lecture (qui fonctionnent d’autant mieux qu’elles sont proposées par les élèves eux mêmes), de repérer les aides qui existent déjà dans le livre. C’est ainsi que les élèves découvrent que dans les livres d’héroïc fantasy figure presque toujours une carte qui permet de ne pas s’embrouiller dans tous les noms de lieux (un élève explique qu’il l’a photocopiée et qu’elle lui sert de marque-page), que certains romans comportent une liste des personnages assortie d’indications, d’autres un lexique (qui devient inutile au bout d’un certain temps « car on connaît les mots »). Quand Mégane présente Un tueur à ma porte, elle dit que le livre était difficile pour elle au début. Ce qui l’a aidée, c’est de comprendre qu’« on n’est pas toujours dans la tête du même personnage : parfois on est dans la tête du héros, parfois dans celle du tueur… » et que le changement de personnage est marqué par un « blanc » dans la mise en page (et elle montre une page du livre). Mégane a été un peu aidée par un adulte mais ensuite c’est elle qui aide les autres élèves. Et Samir, qui emprunte le livre dans la foulée, tient à préciser quand il le rapporte, que grâce aux indications de Mégane, il n’a eu aucun problème pour lire l’histoire et qu’il lui attribue la mention « coup de cœur ».

Une autre relation avec les élèves

Les élèves demandent souvent s’ils peuvent présenter d’autres livres que ceux de la sélection. Je n’accepte pas toujours (cela dépend du livre, de l’élève, de la classe, de la sélection, de mes objectifs…) mais, en cas de refus, je le motive. Une condition sine qua non pour présenter un autre livre est que le livre puisse circuler dans la classe. Il m’arrive de prêter mes propres livres aux élèves mais eux aussi m’en prêtent : ces échanges de « coups de cœur » sont importants dans la dynamique de lecture.
Le dispositif présenté peut être mis en place avec des publics très différents et très hétérogènes : les « gros » lecteurs trouvent leur compte mais les « petits » lecteurs ne sont pas oubliés. Il peut aussi aider à établir une autre relation avec des élèves difficiles. Certes, on peut l’expérimenter avec une classe avec laquelle on est à l’aise. Mais il n’est pas à réserver aux « bonnes » classes ou aux classes « tranquilles ». Mes stagiaires et moi-même avons pu constater comme il contribuait à changer une ambiance de classe. Même si certains élèves sont sur la défensive au départ, ils se prennent bientôt au plaisir de découvrir (en les lisant ou en écoutant ceux qui les présentent) des histoires qui leur « parlent ». Les « trublions » se révèlent souvent d’excellents orateurs, soucieux d’accrocher leur public. Ils sont aussi les premiers à épingler celui qui ne peut répondre à leurs questions car il n’a pas fini son livre : « Mais, Madame, il ne l’a pas lu son livre ! ».

Monique Gautheron, Professeur de lettres à Noisy-le-Grand.


Seul, on ne peut pas grand chose…

Pour mettre en place une dynamique de lecture à l’intérieur d’une classe, il est indispensable de consacrer quelques heures de cours de français aux choix des livres et aux échanges autour des lectures. Le professeur documentaliste seul, aussi efficace et motivé soit-il, est assez impuissant pour faire lire des ouvrages de fictions aux élèves réfractaires à la lecture. Bien souvent, il contribue seulement à dynamiser et augmenter les pratiques de lecture des élèves déjà lecteurs. Mettre en place une dynamique de lecture suppose un véritable travail d’équipe entre professeur documentaliste et professeur de lettres.

Catherine Letort