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Faire avec, ou malgré

Ainsi donc, alors que la rumeur des derniers jours le laissait rue de Grenelle malgré une apparente démotivation pour le poste, Xavier Darcos quitte l’Éducation nationale. Ils seront peu nombreux, dans le monde éducatif, à regretter son départ. Si regret il y a, c’est de voir le désastre qu’il laisse derrière lui, alors même qu’on lui prêtait quelques atouts : une bonne connaissance du milieu, une capacité de dialogue (il y a des compétences qui ne sont jamais vraiment acquises !) qui l’avait conduit à faire un livre avec Philippe Meirieu, une intention de pragmatisme…Or on a vu la montée d’un discours purement idéologique, accompagnant par ailleurs une désastreuse diminution de moyens dans l’Éducation. Les réformes du primaire, de la formation des enseignants resteront des points noirs dans un ensemble également marqué par les effets d’annonce et une « com » souvent démagogique et populiste. On a du mal à trouver des points positifs dans ces deux ans d’un ministère qui n’a rien fait non plus sur des sujets où il aurait pu y avoir des avancées : la mise en place du socle commun, un vrai accompagnement scolaire pour les plus en difficulté, et même une réforme audacieuse du lycée. Faute de consensus, lequel implique confiance et concertation, ces questions majeures restent en suspens.

Luc Chatel, successeur de Xavier Darcos, sera-t-il un ministre moins arrogant, plus respectueux des professionnels de l’éducation, des associations ? Mettra-t-il en œuvre une politique répondant davantage aux besoins de notre pays et des jeunes qui nous sont confiés, puisque, nous dit-on, avec la crise « rien ne sera plus comme avant »? L’annonce de 16 000 suppressions de postes l’an prochain n’incite guère à l’optimisme, pas plus que la vacuité du discours présidentiel à Versailles sur l’éducation.

A chaque nouveau ministre, comme on dit chez Molière « on espère, alors qu’on désespère toujours ». Nous avions plutôt bien accueilli en 2002 le ministre philosophe Luc Ferry, qui n’a pas mis longtemps à nous décevoir. Puis est venu le « politique » Fillon qui, entre autres, a brisé l’élan des TPE, pourtant porteurs d’une rénovation dans l’approche des savoirs au lycée. Gilles de Robien n’a nullement justifié sa position de centriste démocrate qui nous faisait espérer de lui une politique plus innovante, et sa fin de règne a été également bien rude. Quand Xavier Darcos est parvenu à la rue de Grenelle, certains nous ont dit qu’on ne pouvait guère avoir mieux dans le contexte d’alors. Voici maintenant Luc Chatel, qui connait probablement peu de choses aux questions éducatives. Saura-t-il au moins écouter et renoncer à ce mélange de précipitation et d’immobilisme, que nous dénonçons dans l’éditorial de notre site internet ? Sa nomination peut aussi être interprétée comme le fait que l’Éducation Nationale n’est plus une priorité pour le gouvernement. De même, on peut aussi penser que la politique éducative n’est plus décidée rue de Grenelle mais rue du Faubourg Saint Honoré….

Il faudra bien faire avec, ou plutôt malgré. Souhaitons qu’au moins ce ministre ait le souci d’établir des contacts plus sereins avec les acteurs de l’école, en évitant les face-à-face guerriers entre ministère et enseignants. Luc Chatel promet de « l’écoute », souhaitons qu’il entende en particulier l’urgente nécessité de surseoir à la catastrophe programmée de la formation professionnelle des enseignants menée sous couvert de « masterisation ». Quant à faire progresser l’école, il faudra poursuivre tout ce qui est peu à peu accompli à tous les niveaux du système éducatif depuis des années pour améliorer la formation professionnelle, la vie des établissements, la didactique des disciplines, en refusant les simplismes démagogiques et passéistes qu’on ne va pas manquer de nous servir. Nous continuerons pour notre part à inscrire notre action de mouvement pédagogique dans une double dynamique : proposer, par exemple pour la mise en œuvre du socle commun, la « refondation » du lycée, les transformations de la formation des enseignants ; résister, à tout ce qui s’inscrirait dans le renoncement à une éducation commune et ambitieuse pour tous les élèves, que leur « goût de l’étude » soit déjà là ou à développer.

Le bureau du CRAP-Cahiers pédagogiques, mercredi 24 juin 2009