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Face aux incivilités scolaires quelles alternatives au tout sécuritaire ?

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Dans le même temps où Éric Debarbieux, directeur de l’Observatoire européen de la violence, met en place des conférences internationales sur « la violence à l’école et politique publique » des praticiens agissent. Comment faire devant la violence scolaire ? Ce livre est écrit à quatre voix : un commissaire, un juge des enfants, une clinicienne psychologue à la PJJ, et un proviseur. L’interpénétration de ces diverses institutions dans le domaine scolaire est-elle souhaitable ? Qui y gagne ? l’individu ? la société ? les valeurs ?

Mais que fait la police ? s’exclame le commissaire Didier Mazoyer. Peut-on imaginer que son rôle soit éducatif ? Il propose des solutions à l’intérieur de l’école pour maintenir le projet républicain par un rappel à la loi. « Il n’est pas absurde d’envisager la présence d’un permanent dans l’école pour améliorer la prévention et lutter contre l’impunité avec application du droit. » La tolérance zéro n’est pas la répression c’est le fait de sanctionner tout écart qui nuit à l’autre, à la vie collective. Sanctionner n’est pas punir, c’est avoir une réaction devant les incivilités ou les violences. Son propos, s’il reste encore choquant dans la culture enseignante, amène à réfléchir. Surtout quand il souligne le partenariat impératif entre les parents et les enseignants autour du jeune, et le lien entre les actions dans l’école et celles en milieu ouvert.

L’intervention de Marie-Dominique Vergez, juge des enfants, est un peu irritante parce que caricaturale, elle décrit ce que l’on ne veut pas voir. Elle trace le portrait d’une Éducation nationale qui a tendance à appeler le judiciaire pour résoudre les problèmes d’incivilité autant que de délit. Alors qu’il devrait appartenir à chaque établissement, parce que c’est un lieu d’éducation, de régler ses conflits internes. Elle s’élève contre ces enseignants qui enseignent sans éduquer, qui ne croient qu’en la punition et particulièrement à l’emprisonnement et qui ne connaissent pas la machine judiciaire. « Ce milieu a le sentiment d’impunité ». Elle a un parti pris pour ces jeunes qu’elle rencontre dans son cabinet et parle, avec justesse des sources de leur violence en rappelant au passage celle des adultes dans l’école. La justice des mineurs existe pour protéger l’enfant et non l’institution scolaire. Après avoir réglé ses comptes, elle recense en détail les peines qu’elle applique. Là, son discours devient passionnant parce qu’elle décrit des situations où le souci d’éducation est maître (il faut lire et relire l’épisode du franc symbolique). Elle nous parle d’une justice qui répare et humanise. C’est peut-être vrai que le milieu enseignant ne connaît rien au judiciaire !

Maryse Vaillant qui travaille aussi à la PJJ, tient un propos sociologique. Elle évoque le malaise des institutions qui ont pour tâche essentielle d’insérer les personnes dans un ensemble de codes sociaux, de valeurs et de fournir du sens à la relation à l’autre. La fonction parentale et celle de l’école sont essentiellement de transmettre des valeurs. Cette crise des institutions est un entre-deux, un espoir de changement et une chance. Elle va permettre d’imaginer de nouveaux modes de transmission. Le jeune est un être social qu’il s’agit d’éduquer collectivement.

Elle aussi nous parle de la sanction réparatrice quand elle responsabilise l’adolescent auprès de la communauté. La démarche de réparation repose sur des valeurs de respect de l’autre.

Quant à Gilbert Longhi, après avoir défini son rôle de proviseur dans un lycée qui accueille les rejetés, les « sans bahut. » (à Paris), il nous emmène à travers son quotidien de gestionnaire du personnel et de garant du respect de la réglementation. Il analyse la relativité de la perception de la violence et décrit quelques dispositifs mis en place qui amènent des « petites victoires » mais qui n’empêchent pas de rester humble. Les outils scolaires ressortent du laboratoire.

Chacun des représentants de ces institutions s’égratigne l’un l’autre au passage. Chacun garde son point de vue sur la loi, sur l’individu, sur la société, sur l’établissement sur les faits de violence. C’est ce qui fait la richesse de ce livre parceque cela étonne, bouscule, irrite parfois le lecteur. Mais ce qui rapproche les auteurs, c’est leur inventivité enthousiaste et optimiste en matière d’éducation. Une éducation comprise comme transmission des valeurs. La solution passe par l’éducation collective et non l’exclusion, par la collaboration entre les adultes, famille, policiers, juge, enseignants, éducateurs autour de l’être social qu’est l’adolescent. Les auteurs réitèrent la nécessité du rappel à la loi et de la parole laissée au jeune : la violence se manifeste quand la parole est interdite ou tronquée.

Roxane Caty-Leslé


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