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Évaluer ou contrôler

La pression exercée par la notation conduit à s’intéresser plus au résultat qu’au processus d’acquisition et amène les enseignants à penser l’évaluation comme un moyen de vérification à leur usage plutôt que comme un outil à l’usage des élèves. Le contrôle des connaissances envahit alors tout l’espace éducatif et rend difficiles les démarches qui associent évaluation et formation.
Comme à tout enseignant, il m’est arrivé, à la fin d’une séquence, de bricoler une évaluation qui consistait à rassembler les notions étudiées et à fabriquer quelques exercices d’application. Je choisissais alors tout simplement une épreuve type pour vérifier que les élèves étaient capables d’utiliser tant bien que mal les notions étudiées dans les leçons précédentes. Cela signifiait que j’avais passé mon temps à exposer, commenter, expliquer, interroger un peu, que j’avais mis en activité, certes, mais sous ma dictée. Ayant occupé le terrain, il fallait vérifier que les élèves avaient retenu quelque chose. Il en résultait une note qui pouvait être relativisée par le jeu des coefficients. Et il fallait passer au chapitre suivant…
Tout à fait différentes ont été les séquences de travail dans lesquelles l’évaluation avait été pensée dans le détail dès le stade de la préparation. Le travail pouvait alors se décliner en objectifs intermédiaires, et l’objectif final, cerné par la forme de l‘épreuve décidée à l’avance, devait rester ferme plutôt que de s’ajuster aux circonstances ou à l’inspiration du maître. L’organisation du travail privilégiait ainsi les dispositifs de travail actif et autonome. Il est notable que plus je préparais ma séquence, plus les élèves y trouvaient leur place et plus l’évaluation prenait des formes élaborées en s’appuyant sur des activités qui faisaient sens.
C’est ainsi par exemple que l’objectif de produire un « essai littéraire » en 2de, à l’occasion de l’étude d’un roman contemporain, m’a conduit un jour à mettre en place des travaux de groupes sur des aspects ciblés de l’écriture romanesque. Les confrontations entre les différents groupes par l’intermédiaire de la présentation sur affiches ont permis d’éprouver les arguments et les exemples, de corriger les erreurs, d’affiner les interprétations. L’écriture individuelle a été le résultat de cette confrontation. Les débats autour des affiches ont eu valeur d’évaluation ; la note attribuée à l’« essai » a pu être modifiée à la suite de plusieurs tentatives afin de permettre à chacun de parfaire sa production. Plus tard, sur un autre sujet, nous sommes passés à un « contrôle » plus académique, à valeur de test pour la capacité à argumenter sur un texte littéraire.
Tout autre aurait été la démarche si les élèves avaient dû rédiger un « essai » après avoir entendu leur professeur exposer ce qui faisait l’intérêt du roman en question.
Penser au préalable ce que l’on va évaluer et comment oblige à centrer l’enseignement sur la façon dont les élèves acquièrent leurs connaissances et leurs savoir-faire. À l’inverse, adapter l’évaluation au contenu des leçons dispensées revient à centrer l’enseignement sur le savoir du maître.
Là réside l’un des enjeux de l’évaluation.

Pierre Madiot