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Et si ça valait le coup ?

La dimension collective du travail n’est pas celle qui apparait le plus lorsqu’on évoque le métier d’enseignant, tant pour les observateurs extérieurs que pour les intéressés eux-mêmes. Dans les motivations à choisir le métier, nombreux sont ceux qui revendiquent d’être seul maitre à bord, de ne pas avoir un chef sur le dos en permanence. Il faut dire que la division du travail telle qu’organisée conduit naturellement chacun à travailler dans sa classe, avec ses élèves et son programme.

Pourtant n’y aurait-il pas un léger frémissement ces dernières années ? Conséquence des préconisations institutionnelles, des difficultés accrues du métier ou du besoin d’en redéfinir ensemble les contours, il semblerait que la coopération soit en marche au sein des établissements. Non sans mal. Pas partout. Mais du travail collectif se réalise et des professionnels y trouvent de l’intérêt et du plaisir.

L’appel à contributions lancé pour ce dossier a suscité beaucoup de retours. Parmi les textes proposés, près de la moitié sont cosignés par plusieurs auteurs : un signe à lui seul que du travail collectif s’opère.

Mais de quoi parle-t-on au juste quand on parle de travail d’équipe, de dimension collective du travail ? Des réalités bien différentes apparaissent derrière les mots quand on regarde de près. De l’équipe minimaliste, juxtaposition de professionnels partageant les mêmes élèves qui se réunissent statutairement pour prendre des décisions à leur sujet, au collectif qui s’empare des circulaires de rentrée, des nouveaux programmes, des nouvelles mesures pour adapter à leur contexte le prescrit et définir ensemble les hypothèses de travail cohérentes qui créeront les meilleures conditions d’apprentissage des élèves, la distance est grande. Entre l’existant et le souhaitable, une variété de pratiques dont l’intérêt et l’efficacité ne sont sans doute pas équivalents.

Pas de contributions spontanées traitant des temps institués pour la concertation : comme si le vrai travail d’équipe ne pouvait venir que de l’initiative des acteurs là où les organisations formelles prévues pour du travail collectif restent parfois des coquilles vides. Pourtant, ceux-là mêmes qui relatent avec enthousiasme leurs expériences de travail collectif regrettent souvent les défaillances institutionnelles ou organisationnelles qui les obligent à déployer une énergie considérable, là où un coup de pouce de l’encadrement pourrait faciliter grandement leur travail. Contradiction insurmontable ? Pas sûr. C’est sans doute en travaillant à « moins prescrire l’idéal, fut-il innovant, et mieux soutenir l’existant quand il fonctionne[[Françoise Lantheaume, Assises de la pédagogie, CRAP, 21 octobre 2014.]] » que l’institution en général et les équipes de direction en particulier sont facilitantes.

Les textes proposés – des praticiens comme des chercheurs – nous rappellent que le travail en équipe n’est pas un long fleuve tranquille. Ceux qui s’y investissent ont à surmonter bien des obstacles, les difficultés y côtoient les gratifications.

On y voit aussi qu’il suffit parfois de peu de choses pour que la dynamique se mette en marche. Les occasions pour renforcer la dimension collective du travail sont multiples, certains savent faire feu de tout bois. Travailler ensemble devient alors source d’énergie, de plaisir et de stimulation. L’arrivée de nouveaux enseignants peut être l’un de ces éléments déclencheurs. On observe alors combien la coopération elle-même est source de co-formation et combien l’accompagnement peut être un appui nécessaire. Nécessaire mais non suffisant. Parce que le réel est complexe, il y aura toujours à dépasser des contraintes ou à faire avec, sans renoncer à l’exigence, en restant pragmatique et en œuvrant, comme le dit si bien Philippe Perrenoud, à «rendre la coopération moins héroïque».

Alors oui : si ça valait le coup, pour les élèves et pour tous les acteurs de l’école, de faire le pari du collectif ?