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Enseigner et apprendre : atteindre la qualité pour tous

Le rapport débute par un fait : les objectifs fixés en 2008 pour 2015 par l’Unesco ne seront pas atteints. En cause ? 57 millions d’enfants non encore scolarisés de par le monde et 1/3 des enfants scolarisés (soit près de 250 millions) ne maîtrisant pas les compétences de base. 774 millions d’adultes analphabètes. Ce sont souvent les populations les plus marginalisées ou pauvres qui sont privées des chances d’éducation, même au sein de pays riches. C’est le cas avec les enfants souffrant de handicaps. C’est également le cas pour les filles, bien plus touchées par ce fléau que les garçons. Les disparités entre les sexes restent préoccupantes dans de nombreux pays. L’Afrique subsaharienne est la région du monde la plus touchée par ces difficiles réalités. Economiquement, il manquerait 26 milliards de dollars pour atteindre l’objectif d’une éducation de base de qualité pour tous d’ici 2015.
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De la responsabilité des enseignants…

Il apparait rapidement que ce sont les enseignants qui déterminent la qualité des systèmes éducatifs. C’est la raison pour laquelle, les concernant, cinq stratégies de progrès sont avancées :

– Sélectionner les enseignants parmi les meilleurs étudiants et les plus motivés pour aider les élèves. D’ici 2015, il faudrait en recruter 5,2 millions, principalement en Afrique subsaharienne (58 %). Pour les trouver, il convient d’augmenter le nombre de diplômés du second cycle de l’enseignement secondaire (lycée) et valoriser le métier à hauteur du prestige de professions comme médecin ou ingénieur.

– Les former au métier, de manière pratique, pour une véritable prise en compte de la difficulté à apprendre, dès le plus jeune âge des élèves. A ce jour, moins de 75 % des enseignants reçoivent une formation, pas toujours en lien avec les besoins et le terrain. Les enseignants les plus touchés par ce manque sont ceux de pré-primaire (maternelle). Il s’agit de confier des fonctions de formateurs aux enseignants qui connaissent la réalité des classes et de s’assurer qu’ils maîtrisent des pédagogies permettant de lutter contre les inégalités et répondre aux difficultés des élèves. Pour aider au déficit de centres de formations, le recours au numérique est une des solutions possibles. Les formations à distance seraient alors complétées par du tutorat, des entretiens et des stages en écoles.

– Prioriser la lutte contre les diverses formes d’inégalités généralement accrues par l’école. La crise mondiale de l’apprentissage ne peut être surmontée que par des politiques qui garantissent aux défavorisés une meilleure éducation. L’écart entre les plus riches et les plus pauvres est considérable, ce qui se traduit souvent par un pourcentage élevé d’enfants de familles riches scolarisés dans les établissements payants. Alors que les écoles privées regroupent souvent des élèves bien plus favorisés qu’ailleurs, celles pratiquant des prix modiques peuvent élargir l’accès à une éducation de meilleure qualité. Les enseignants de ces écoles sont souvent plus nombreux et se sentent davantage responsabilisés par leur métier.

– Inciter les meilleurs enseignants à rejoindre les territoires les plus en besoin, les zones désavantagées, dans des classes multiâges et nombreuses. Ces incitations peuvent être proposées par la sécurité du logement, des indemnités supérieures au salaire de base (pour ne pas être contraint d’exercer un second emploi), des plans de carrière et de développements professionnels attractifs.

– Associer les enseignants à l’élaboration des programmes éducatifs qu’ils vont ensuite mettre en place (par exemple par l’intermédiaire des syndicats) et renforcer leur gouvernance par une direction solide, notamment pour réduire les absences, interdire les violences sexuelles sur enfants et prohiber les cours privés à ses élèves.

De la refondation des systèmes éducatifs…

Au niveau de l’organisation des systèmes éducatifs, d’autres pistes sont mises à jour par le rapport :

  • Pour le développement des compétences de base des élèves, asseoir davantage la fréquentation du premier cycle de l’enseignement secondaire (le collège en France).
  • Afficher explicitement, dans les plans d’éducation, le soutien aux élèves en difficultés autour des compétences de base. Cela passe par une réduction des ambitions des programmes scolaires.
  • Prioriser les compétences de base et celles transférables, comme la réflexion critique, la résolution de problèmes, la capacité à défendre une cause, la résolution des conflits,… pour la formation de citoyens responsables.
  • Prévoir du matériel pédagogique inclusif, adapté à la culture des élèves accueillis. Le numérique peut faciliter la diffusion. Les nouvelles technologies ne peuvent se substituer à un enseignement de qualité mais favorisent la flexibilité de l’enseignement.
  • Ouvrir l’école à la participation de bénévoles qui aident à l’entraînement de certains apprentissages, par exemple en lecture.
  • Introduire des outils d’évaluation qui guident les élèves dans leurs apprentissages et aident les enseignants à les accompagner, par exemple des fiches d’autoévaluation. Cela permet d’organiser des situations de travail coopératif associant les élèves les plus et les moins avancés.
  • Réduire voire supprimer les frais de scolarité en primaire et premier cycle secondaire.
  • Pour encourager la qualité de la scolarisation des filles, favoriser le recrutement d’enseignantes issues d’origines très diversifiées, quitte à faire preuve de flexibilité.
  • Pour l’évolution des organisations, renforcer les systèmes nationaux d’évaluation et encourager les politiques à ce qu’ils tiennent compte de ces résultats, notamment pour les enfants les plus jeunes, en fonction du milieu d’où ils proviennent.
  • Chaque état devrait consacrer 20 % de son budget à l’éducation. A ce jour, la moyenne est de 15 %. Une voie serait d’autoriser les financements par des donateurs. Une fois ces recettes collectées (ou ces budgets alloués), le principe est de les redistribuer pour qu’une juste part aille à ceux qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire éviter que les aides servent principalement à ce que des étudiants puissent poursuivre leurs études universitaires dans des pays riches.

Des évolutions constatées…

En même temps, ce rapport met en exergue plusieurs évolutions. Il apparaît que l’enseignement pré-primaire a connu un essor considérable, passant de 33 % en 1999 à 50 % en 2011. Pour cette même période, le nombre d’enfants non scolarisés a été divisé par deux. D’ici 2015, 70 % des pays devraient avoir réglé le problème de la parité filles-garçons dans l’accès à l’école primaire. Les dépenses publiques pour l’éducation sont passées de 4,6 % du PNB en 1999 à 5,1 % en 2011.

L’éducation est donc présentée comme centrale au progrès des sociétés et de l’humanité. Elle est défendue comme un droit fondamental. Elle réduit la pauvreté, évite qu’elle se propage de générations en générations et favorise la prospérité économique. Elle endigue les écarts entre les sexes, en termes d’emplois et de salaires. Elle contribue à vaincre les préjugés fondés sur le sexe. Elle améliore la santé des personnes parce que chacun dispose d’une meilleure connaissance des maladies et de leurs signes précoces. Elle aide à mieux comprendre les principes démocratiques et encourage la tolérance et la confiance. Elle abaisse les seuils d’acceptation de la corruption. Elle resserre les liens entre les communautés, pour de meilleures cohésions sociales. Elle sensibilise à la protection de la planète en sensibilisant aux gestes de prévention.

Sylvain Connac

Sylvain Connac

Le rapport 2013 2014 sur l’éducation pour tous de l’Unesco apporte des éléments précis pour une connaissance fine des réalités éducatives de par le monde. Il fixe des objectifs, les évalue et indique des pistes en mesure de garantir le progrès. Les Français ne sont pas en reste, principalement lorsqu’il est question de l’éducation des élèves marginalisés socialement, culturellement ou scolairement. Prioriser l’accompagnement de ces enfants et de ces jeunes, c’est participer à l’amélioration de la place de tous. Modalités d’évaluation, sens de l’activité scolaire, formation des enseignants et choix des formateurs : voici quatre piliers qui nous concernent directement.

Sylvain Connac