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Encore heureux qu’on va vers l’avenir

Comme aimait à le souligner le regretté Reiser, on vit une époque formidable. Et il aurait sans doute été subjugué par ce symbole de la (post ?) modernité qu’est le téléphone portable faisant fonction d’agenda, d’appareil photo, de téléchargement de programmes musicaux ou TV – et l’on nous annonce la possibilité de payer son stationnement, sa place de cinéma, – sans oublier éventuellement de téléphoner ! Remarquons, dans un registre moins futile et si on suit Guy Sorman[[Guy Sorman, « L’émergence d’une société civile », Libération du 11 avril 2006.]], que le portable peut aussi faire avancer la démocratie dans un pays un peu arriéré sur ce plan. Ainsi, à l’automne de l’année du coq, quatre cents millions de Chinois nantis d’un simple téléviseur et d’un portable cellulaire (ce qui n’est pas exceptionnel : comme dans de nombreux endroits de la planète, on accède à ces choses-là avant les commodités sanitaires) ont pu pour un temps faire la nique à la censure. Ils se sont livrés aux joies du vote télévisuel dans une émission digne de La nouvelle star, sur le modèle américain de la pop idol, au grand dam du parti communiste chinois qui demanda la suppression de l’émission pour la bonne raison qu’elle illustrait « les perversions d’une démocratie non préparée ».

Mais là où tout devient pédagogiquement formidable, c’est que ces petites machines ont déjà bien envahi nos établissements et donc nos classes. Si l’on n’y prend pas bien garde, nos chérubins peuvent passer une partie des cours, qui à envoyer, qui à recevoir SMS et autres MMS ou clips promos pour le dernier CD à la mode, tout en affectant la posture de l’attention la plus soutenue, – art qu’ils ont appris à maîtriser dès leur plus jeune âge.

Pour l’instant, nous sommes un peu protégés par la taille des écrans et la médiocrité de résolution, mais voici qu’on nous annonce l’arrivée de la TNT et de miniTV avec écran au format carte de visite. Nous sommes donc à la veille d’une révolution pédagogique silencieuse puisque, les règles du capitalisme aidant, nos élèves vont bientôt se trouver en possession de l’arme rêvée du cancre qui permet de « zapper » le prof en toute tranquillité. Alors, pour contre-attaquer, les enseignants seront amenés à adopter des méthodes actives et concomitamment nous verrons augmenter les ventes des Cahiers : nous allons donc sans doute vers un avenir radieux.


J’ai emprunté ce titre à un livre qui fut célèbre en son temps : Christiane Rochefort, Encore heureux qu’on va vers l’été (Livre de poche, 1977). Il raconte la « fugue » d’une classe entière de 5e qui quitte l’école en réponse aux propos vexatoires du professeur.