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Des vacances apprenantes ?

L’annonce d’un été « apprenant » par le ministre a surpris les acteurs éducatifs, du champ de l’animation, de l’école ou encore les parents. Les colonies de vacances et les centres de loisirs sont déjà des espaces éducatifs ! Aux côtés de l’institution scolaire et de la famille, ils contribuent à l’éducation des enfants et des jeunes sur leur temps libre, en s’appuyant notamment sur les pratiques de l’éducation populaire.

L’objectif affiché est de lutter contre les effets sur la scolarité d’une rupture importante des apprentissages. Lors de réunions[[Au moment où cet article est écrit, les cahiers des charges du dispositif ne sont pas encore publiés.]], il a été précisé que le dispositif « vacances apprenantes » se décline en quatre types de projet :

  • « École ouverte » : mis en place dans certains établissements en REP (réseau d’éducation prioritaire) et milieu rural, l’objectif est d’augmenter le nombre de projets et de jeunes touchés, du collège au lycée professionnel. Le matin, du soutien scolaire sera proposé par des enseignants volontaires, le reste de la journée sera consacré à des activités culturelles, sportives, etc.
  • « École ouverte buissonnière » : l’objectif est d’organiser des séjours en ruralité, majoritairement en hébergement sous tente, autour d’activités de nature.
  • « Accueils de loisirs apprenants » : une partie de l’offre existante en centre de loisirs sera transformée pour développer du renfort scolaire et mettre en place des partenariats avec des acteurs du sport et de la culture. Le ministère souhaite que 40 % des enfants inscrits en accueils de loisirs bénéficient de ce projet.
  • « Colonies de vacances apprenantes » : ces séjours de vacances proposeront des temps significatifs et identifiés de renforcement scolaire, assurés par des animateurs d’accompagnement scolaire, des étudiants, des enseignants volontaires. Le ministère vise le départ de 250 000 enfants dans ce type de colo, soit un cinquième des départs habituels. Des aides financières seront mises en place pour les familles les plus modestes.
    Cela s’inscrit dans cette période particulière dont les conséquences sur les enfants et les jeunes sont multiples. Il s’adresse particulièrement aux élèves qui n’ont pu bénéficier de la continuité éducative et se propose de recréer un lien avec l’école avant la rentrée. La rentrée 2020 et plus généralement l’année scolaire seront bien différentes des années précédentes.

éducation populaire

Par ses pratiques pédagogiques, par ses apports éducatifs, l’éducation populaire a un rôle particulier à jouer cet été pour faire renouer avec le collectif et favoriser le lien entre les différents espaces éducatifs dans lesquels évoluent les enfants et les jeunes. Le projet éducatif et pédagogique des accueils collectifs de mineurs est en lien avec le socle commun et les différents parcours éducatifs (citoyen, de santé, etc.), notamment pour l’acquisition de compétences psychosociales. En outre, les associations d’éducation populaire sont nombreuses à avoir l’expérience de projet commun avec l’école (PEDT (projet éducatif de territoire), accompagnement à la scolarité, centre de loisirs associé à l’école, etc.). Il convient également de partir des besoins des enfants et des jeunes et de les rendre acteurs de leurs vacances. Cette approche est d’autant plus incontournable dans le contexte actuel, où les conséquences du confinement ne sont pas encore connues. Ces pratiques existantes doivent être reconnues et servir de base aux projets « vacances apprenantes ».

Le dispositif « vacances apprenantes » est à la croisée des chemins des différents acteurs en charge de l’éducation des enfants (parents, enseignants, collectivités, animateurs). L’implication de tous, dans une démarche de coéducation, est indispensable, de même que l’articulation des différents projets dans un même territoire. En ce sens, la JPA (Jeunesse au plein air)[[La JPA est une confédération qui regroupe des organisateurs de vacances et de loisirs, des formateurs du champ de l’animation, des syndicats enseignants, des représentants de parents d’élèves et d’organisations de jeunesse, pour lesquels les loisirs et les vacances contribuent à l’émancipation individuelle et collective.]] et ses organisations plaident pour la mise en place de comités de pilotage locaux chargés de poser des objectifs communs tel que la mixité, et de travailler un projet d’été éducatif respectant le rôle et les compétences de chacun dans leur complémentarité.

Au-delà du dispositif lui-même, il ne faut pas oublier la problématique plus large de l’augmentation du nombre d’enfants et de jeunes privés de vacances. Plus de quatre millions d’entre eux[[Étude Credoc-Ovlej, « Les vacances et les loisirs collectifs des 5-19 ans en 2019 », https://tinyurl.com/y9ncq7ul.]] se voient nier chaque année le droit au repos et aux loisirs, pourtant inscrit dans la Convention internationale des droits de l’enfant.

Pendant le confinement, tous les enfants ont pu connaitre des moments de tension et d’anxiété. Ils ont été privés de vie sociale, de leurs amis et de jeux en plein air, en particulier ceux vivant dans des logements sans espace extérieur. Répondre au besoin de vacances et de répit est prioritaire, car le confinement n’a pas été une période de repos. Face à ces constats, les organisations d’éducation populaire se mobilisent pour que les enfants et les jeunes retrouvent dès cet été ce qu’ils vivent habituellement au sein des accueils collectifs : des échanges entre pairs, l’apprentissage de l’autonomie et du vivre-ensemble, des activités sportives, culturelles, manuelles, etc. Dans cette perspective, les organisations de la JPA demandent la reconnaissance de la valeur éducative des vacances et loisirs collectifs.

La mobilisation qui suivra cette crise devra prendre en compte les inégalités face au départ en vacances, faire preuve de solidarité, développer le faire ensemble. Nous espérons vivement que le soutien financier apporté au départ des enfants dans le cadre des vacances apprenantes cet été pourra être mobilisé les années suivantes pour permettre, par exemple à toute une tranche d’âge, de bénéficier de l’expérience du départ en colo, parce que la colo, c’est bien plus que des vacances ! Développer une politique publique d’accès de tous à ce temps privilégié doit être une priorité pour le ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et de la Vie associative.

Élise Roinel
Responsable plaidoyer à la JPA