Les Cahiers pédagogiques sont une revue associative qui vit de ses abonnements et ventes au numéro.
Pensez à vous abonner sur notre librairie en ligne, c’est grâce à cela que nous tenons bon !

Comment utiliser la diversification des rôles dans la classe comme facteur de motivation et de réussite ?

Au rebours du mouvement d’organisation différenciée qui anime inexorablement les secteurs de la vie sociale, le système éducatif a placé dans une division régressive les rôles d’enseignants et d’élèves, ramenés et réduits à leur bi-polarité constitutive. Ce fait est toutefois relativement récent : historiquement, des modes anciens d’enseignement ont distingué au siècle dernier des voies multiples d’accès au savoir et précisé pour les élèves, des structures diverses de rôles, même à destination pédagogique[[Théodore Zeldin donne des exemples de ces pratiques dans le tome Ill de l’Histoire des passions françaises, p. 317. Il cite les missions de confiance comme « sonner la cloche, questeur, édile (chargé de signaler les réparations nécessaires). Plus proche de nous, dans une toute autre perspective, on peut citer les principes d’organisation de la vie scolaire selon Freinet.
Le moderne rôle de délégué-élève est fourretout : il y a surcharge de responsabilités.]]. Mais les irrésistibles processus de rapprochement, d’unification, qui ont beaucoup contribué à la démocratisation de l’enseignement, ont cependant entraîné des effets pervers (le « mythe identitaire »). Ainsi, au niveau des élèves, dans les classes et établissements, une indistinction inerte est mainte nue entre eux dans le déroulement de leurs apprentissages. Il s’ensuit que la motivation des « apprenants » n’est pas obtenue et soutenue par une émulation et une solidarité organisées, mais qu’elle est confiée à des hasards et à un élitisme caché : les élèves sont placés en situation d’apprendre en solitude et contre les autres au lieu d’acquérir solidairement et contractuellement des connaissances avec et par les autres ainsi que pour les autres. L’individualisme et la sélection insidieuse vont en sens contraire des tendances modernes de cohésion et de complémentarité des rôles, qui se manifestent avec vivacité dans les entreprises et tous les secteurs de la vie active.
Travailler « autrement », ce peut être, en particulier, confier à des élèves, pour des durées déterminées et avec renouvellement des titulaires de rôles, volontaires, désignés, ou élus selon les cas, des responsabilités correspondant aux spécificités des contenus : savoirs, savoir-faire, savoir-être, mais aussi savoir-devenir.

Les contenus d’enseignement gagneraient à être décrits en explicitant des rôles possibles afférents à leur acquisition comme à leur application.

Le responsable d’un rôle devra non pas l’assumer seul, mais plutôt réguler les diverses actions et opérations prises en charge par divers acteurs concernés et qui sont de nature à effectuer de manière convenable cette mise en œuvre : il n’est plus homme-orchestre mais plutôt chef d’orchestre.

Nous présentons ici un « inventaire des possibles » afin d’ouvrir des espaces susceptibles de favoriser des choix ingénieux. Qu’on ne voie surtout pas là une liste exhaustive ou prescriptive. Nous proposons également un classement de ces rôles, on peut trouver d’autres manières de les répartir.

Ce que l’enseignant a en tête dans cette distribution des rôles, c’est la mise en responsabilité des élèves, et leur mise en solidarité. Chaque élève doit sentir qu’il apprend et progresse avec les autres.

Aussi les rôles institués doivent-ils être caractérisés par leur complémentarité très apparente, un style de compagnonnage, des modalités de réciprocité, et des appellations valorisantes et opératoires. Il va de soi que, d’une classe à l’autre, de même que d’une période à l’autre, les élèves pourraient tenir des rôles différents.

On tiendra compte, bien sûr, pour la désignation des rôles, de la situation et de la personnalité d’élève (est-il en grande facilité, en facilité – accueillant, bien perçu – en situation moyenne – suit bien, fait des efforts – ou en difficulté). Mais il faut éviter les étiquetages dépréciatifs, ou décourageants, démobilisants. On pourra utiliser des métaphores :

– du domaine sportif : capitaine, arbitre, supporter, soigneur, spectateur, réserviste.
– du domaine du spectacle : réalisateur, assistant, régisseur, accessoiriste, documentaliste, acteur, cameraman
– du domaine des transports : locomotive, propulseur, fourgon, wagon, station, guichet.

N’oublions pas que les rôles ne sont jamais figés, et qu’une rotation de ces rôles est indispensable. Il faut éviter tout aussi bien des monopolisations décourageantes que des rentes de situation que des esquives ou des défaussements de responsabilités.

Dans tous les cas, il s’agit bien de mettre en évidence la signification de solidarité et l’apprentissage de l’initiative dans la vie sociale, inhérents à la prise de responsabilité en chaque rôle. Et c’est, par l’organisation des rôles confiés aux élèves, une fonction véritable de manageur qui s’impose à tout enseignant, cadre essentiel de la société post-industrielle.

André De Peretti

Petit inventaire des rôles

Rôles d’instruction
– instructeur d’un fragment de cours
– moniteur d’un exercice
– pilote d’une équipe
– exposant d’un thème à travailler
– producteur d’hypothèses
– pourvoyeur d’exemples
– lecteur de textes
– récitant (poèmes, théorèmes)
– inscripteur de solutions (au tableau)
– vérificateur de travaux
– démonstrateur d’expériences
– préparateur de manipulations
– bibliothécaire de la classe

Rôles d’animation
– chef de chœur
– synthétiseur (de phases de travail)
– entraîneur d’un sous-groupe
– porte-parole
– questionneur
– conseiller
– observateur
– dessinateur, illustrateur
– agent de créativité
– président de séance
– distributeur de papiers
– contrôleur d’appareils

Rôles de communication – Gardiens en : (pour ou de)
– écoute mutuelle
– respect des horaires – climat du groupe
– humour
– expression des timides et des hésitants
– accueil des absents ou des nouveaux – clarté et compréhension des notes

Rôles d’évaluation
– évaluation des tâches
– régisseur préposé au rappel des rôles de chacun
– arbitre de compétitions en classe ou entre classes
– gardien du temps, l’« horloger » – gardien des buts et objectifs
– planificateur des contrôles demandés par les divers enseignants
– facilitateur
– mémoire d’un groupe ou d’un sous-groupe
– avocat du diable
– ramasseur de copies ou de documents
– correcteur de copies

Rôles d’investigation
– documentaliste d’un sous-groupe – spécialiste informatique
– interviewer
– photographe- reporter
– détecteur de talents cachés dans la classe
– le « bison futé » chargé de trouver des solutions aux problèmes qui se posent dans les sorties par exemple intendant (craies, tables… – le fêtard) goûters, fêtes,… – agent de liaison avec l’extérieur

On peut aussi rajouter des activités spécifiques, tels les rôles de « linguistes » : spécialistes en terminologies et lexique, accords, prononciations, orthographe, ponctuation, étymologies, apports de synonymes, d analogies, en règles de composition, en conjugaison…

Selon les niveaux d’enseignement, on trouvera certes des rôles différents, mais toujours sur le même principe.

Ainsi, en maternelle, on aura, par exemple :
– les arroseurs de plantes
– gardiens du bon rangement de la salle – distributeurs de feutres et de crayons – annonceurs de mini-événements
– enfant-horloge
– noueur de lacets
– réveilleur en douceur

En collège ou lycée, on aura le correspondant du conseiller d’éducation, de l’intendance, du conseiller d’orientation, le représentant association sportive, un « monsieur sécurité », un responsable des échanges avec les établissements étrangers…

On aura enfin intérêt à faire participer les élèves activement au choix des dénominations, et à utiliser l’humour et la fantaisie. Ainsi pourra-t-on trouver des expressions savoureuses comme : le crieur, le messager, le détenteur, la roue de secours, le « potins de la commère », le coupe-parole des bavards, le fou du roi, le souffleur, le répartiteur d’incertitudes, le magicien, le fouineur…

Une enseignante uruguayenne, à la suite d’une conférence que j’avais faite à Montevidéo, a tenté de mettre en couvre cette distribution des rôles dans un lycée particulièrement difficile. Elle a divisé sa classe de 33 élèves en 8 groupes, chacun comprenant un responsable du travail de l’équipe, du climat, un compteur de succès et un secrétaire, plus des responsables généraux pour la classe. Elle a constaté une transformation complète des rapports entre élèves : ce n’était plus la même classe.

On pourra utilement se reporter à l’article : « Organisation différenciée de l’enseignement et attribution de rôles multiples et complémentaires » in Enjeux (numéro de novembre 87 La pédagogie au pluriel, CEDOCEF, 61 rue de Bruxelles, 5000 Namur, Belgique : la présente contribution reprend en partie certains aspects de cet article)


Suppément N°3 des Cahiers pédagogiques, oct.-nov 1997
« Retours sur la pédagogie différenciée »

Constitution des groupes, choix des fonctions et des rôles

La répartition des élèves dune classe ou de plusieurs classes peut être effectuée :

1. Au hasard, par :

1.1. Séparation géographique
1.1.1. sur place (par distinction arbitraire de cercles
de voisins) ;
1.1.2. en « dispatching » (par localisation des personnes au
fur et à mesure de leur arrivée).
1.2. Tirage au sort
1.2.1. sur liste alphabétique des participants
1.2.2. sur attribution de numéros (par comptage à haute voix de chaque Individu, puis sous-groupements de tous les mêmes numéros, ou des multiples, etc.) ;
1.2.3. sur tirage de badges (papiers dans une boîte portant au hasard une lettre ou une figure).
1.3. Critères de caractérisation
1.3.1. d’âges ;
1.3.2. de sexes ;
1.3.3. d’origines (de lieux, d’écoles, de disciplines, etc.) ;
1.3.4. de niveaux (intellectuels, culturels, physiques, etc.) ;
1.3.5. d’hétérogénéité.

2. Sur désignation, faite par :

2.1. Les responsables, professeurs et formateurs
2.1.1. un seul d’entre eux, par consensus ;
2.1.2. un seul à son Initiative ;
2.1.3. chacun à son tour de rôle ;
2.1.4. chacun de façon non ordonnée.
2.2. Des membres du groupe
2.2.1. désignés par les responsables ;
2.2.2. désignés par les participants ;
2.2.3. tirés au sort ;
2.2.4. remarqués pour une compétence ;
2.2.5. volontaires.
2.3. Des personnes extérieures au groupe
2.3.1. une personne de l’extérieur, Invitée spécialement ;
2.3,2. une personne en Impromptu.

3. En volontariat, par :

3. 1. Affinités
3. 1.1. entre participants ;
3.1.2. autour d’ animateurs