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Comment fait-on avec les réformes ?

Il y a un an, nous présentions un dossier « comment faire avec les réformes ? » (n° 385, juin 2000). À travers un tour d’horizon de quelques réformes engagées ou en voie de l’être, nous proposions une réflexion sur les modes d’emploi possible de celles-ci. Suppléments d’âme, alibis ou ferments, leviers, tremplins : on pouvait, on peut toujours, choisir les métaphores adéquates pour décrire leurs fonctions possibles dans un système éducatif en proie au doute et au mal-être. Entre scepticisme paralysant et enthousiasme naïf (une monnaie assez peu courante aujourd’hui d’ailleurs), il fallait peut-être naviguer. En s’inscrivant dans ce « réformisme », constante d’un mouvement pédagogique qui a toujours refusé aussi bien l’inaction dans l’attente du « Grand Soir » que l’illusion du seul changement par les dispositifs institutionnels ou les moyens nouveaux.

Un an après ce dossier, mais aussi après la mise en œuvre ou la généralisation de certaines de ces réformes, travaux personnels encadrés (TPE), et travaux croisés, où en est-on ?

Version pessimiste : la main à la pâte dans le primaire est trop souvent de l’ordre du gadget et occasion de célébrations médiatiques plus que de travail de fond ; les travaux croisés sont dans l’ensemble des coquilles vides, quand bien même les statistiques montreraient qu’ils sont mis en œuvre dans les trois quarts des collèges ; les TPE restent marginaux et la pédagogie magistrale reste dominante dans les disciplines ; les projets pluridisciplinaires à caractère professionnel (PPCP) déroutent les enseignants de lycées professionnels et sont, dans bien des cas, rejetés ; les institutions visant à instiller de la démocratie restent formelles ou normalisatrices (heure de vie de classe, conseils de vie lycéenne).

Version optimiste : ces dispositifs, chacun à leur manière, bousculent et incitent à innover. Des opposants aux TPE ou aux PPCP découvrent peu à peu que ce n’est pas si mal que ça et deviennent de nouveaux adeptes. Des enseignants de collège apprennent à travailler ensemble Des élèves s’enthousiasment, se remotivent. Et avec tout ça, de nouvelles questions se posent et obligent à réfléchir, à discuter, voire à se former – là on est vraiment dans l’optimisme !

La vérité est bien sûr entre les deux. Ici ou là, on « fait » avec les réformes, et on fait bien. Ici ou là, on reprend les vieux outils de l’éducation nouvelle : l’interdisciplinarité, la pédagogie de projet, le conseil des élèves, l’ouverture sur le quartier, le travail autour de situations problèmes, etc.

C’est bien en cela que ce dossier s’articule avec l’autre partie de ce numéro consacrée à l’éducation nouvelle. Ces « réformes » ne peuvent être des agents de changement dans l’école que si elles s’accompagnent de nouvelles manières de faire la classe, d’envisager les relations entre les acteurs, et d’abord entre élèves et professeurs.

À l’heure où de nouvelles transformations devraient affecter le collège, où l’école primaire est amenée à évoluer, où le lycée continue à se poser la question de son évolution inévitable, puisse ce dossier, qui en annonce d’autres, fournir des pistes pour avancer… et susciter réactions et suggestions, que nous attendons.

Jean-Michel Zakhartchouk, Professeur de collège et formateur IUFM d’Amiens.