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Comment apprennent les élèves ?

Pour une fois, le « livre du mois » n’est pas à proprement parler un livre, mais le dossier d’une revue qui en est l’équivalent. C’est que nous avions envie de saluer, avec cette publication, le travail de l’Association française des administrateurs de l’éducation et le fait qu’ils s’intéressent à un sujet finalement aussi essentiel que celui-ci : « comment apprennent les élèves ? ». Puisque c’est bien la question-clé, celle dont il faut partir pour savoir… comment enseigner !
On lira donc dans ce dossier coordonné par Annie Mamecier, inspectrice générale, et Paul Quenet, rédacteur en chef de la revue, nombre de contributions stimulantes de chercheurs, d’institutionnels ou de praticiens, dans un ensemble d’une grande lisibilité et bien ancré dans les préoccupations de tout enseignant ou responsable d’établissement.
Premier axe : ce que nous disent les recherches, notamment en psychologie cognitive, pour nous éclairer sur l’acte d’apprendre. On lira par exemple les contributions de Olivier Houdé (ce que signifie « l’apprentissage de l’inhibition »), de Jean-Marc Monteil sur l’importance du contexte d’apprentissage ou de Gaëtane Chapelle qui nous propose des manières de combler des « fossés »
Second axe : le pilotage de l’institution pour favoriser au mieux les apprentissages réels des élèves. Des tables rondes regroupent plusieurs responsables institutionnels qui cherchent à répondre à la question.
Troisième axe : quelques témoignages de pratiques (autour des TIC, de l’accompagnement et du tutorat) permettent d’incarner ces questions dans le concret des établissements et des salles de classe.
D’autres aperçus de cette riche production nous sont donnés dans l’entretien que nous a accordé Paul Quenet, qui nous indique bien le sens de ce dossier sur « une question que l’on pose rarement » et qui concerne bien sûr tous les degrés de l’enseignement.

Jean-Michel Zakhartchouk


Questions à Annie Mamecier et Paul Quenet

Paul Quenet, rédacteur en chef

Paul Quenet, rédacteur en chef

On peut s’étonner qu’une revue « d’administrateurs » s’intéresse à un sujet aussi éminemment pédagogique. En quoi ce sujet est-il en cohérence avec l’orientation de la revue, en quoi peut-être cet « étonnement » pourrait-il être finalement étonnant ?

Paul Quenet : L’étonnement est en effet étonnant : quoi de plus normal pour les administrateurs d’un système que de s’intéresser à ce qui est le cœur du système ? Sauf à la confondre avec la bureaucratie, l’administration ne saurait être opposée à la pédagogie, car sa finalité est de créer les bonnes conditions de l’action auprès des élèves. De nombreux professeurs adhèrent à l’AFAE et participent à ses travaux.
L’association, et donc la revue, s’intéresse au système éducatif, à son efficacité et à son évolution. La question « Comment apprennent les élèves ? » s’inscrit dans une double ligne de réflexion : améliorer l’action pédagogique (voir par exemple le numéro « Parcours et compétences : les EPLE sont-ils prêts ? ») et de référence aux savoirs factuels (« Éducation et recherche : des liens à construire »). Les acteurs du système éducatif ne se posent certainement pas assez cette question aujourd’hui et y apportent trop de réponses certaines. Nous voulions explorer ces réponses et au besoin remettre sainement en cause des certitudes.
Annie Mamecier : En fait, la problématique de départ était encore plus ambitieuse, mais la liste des articles nécessaires pour y répondre, nous orientait vers une encyclopédie ! Il a donc fallu faire des choix, puis solliciter une grande diversité d’auteurs, y compris des enseignants ayant mené des expérimentations dans leurs classes.

Comment avez-vous conçu le dossier ? Quels liens voyez-vous au-delà de la diversité des sujets ?

Paul Quenet : La problématique présentée résume la construction du dossier : identification des nombreuses sciences se penchant sur le thème, la diversité des élèves ou la multiplicité des situations d’apprentissage. Elle fut d’abord écrite avant que soient envisagés des articles et des contributeurs pour répondre aux questions que nous posions. Tous les numéros combinent des articles de fond écrits par des auteurs de référence et des témoignages d’actions concrètes auprès des élèves, car c’est là que le système agit. De même nous sommes attachés à observer les thèmes d’un point de vue international ce qui permet souvent de les mettre en perspective, ce fut clairement le cas pour « apprendre à apprendre » dans ce numéro.
« Comment apprennent les élèves ? » est une question dont la réponse a de multiples facettes. Dans un numéro dont le cahier thématique dépasse la centaine de pages, nous avons pu en traiter plusieurs même si des choix ont été faits. Le tutorat fait l’objet de plusieurs textes, car il est éminemment polysémique et un seul article aurait pu avoir une dimension normative (les tutorats présentés diffèrent entre eux comme du « tutorat au lycée » tel qu’il est défini par la réforme du lycée). Les formations en alternance ou l’usage des TICE apparaissent aujourd’hui comme des incontournables et continueront à structurer l’apprentissage des élèves dans les années à venir. Il y a une forte convergence entre l’article de Jean-Marc Monteil et celui sur les « serious games » sur la confiance de l’élève vis-à-vis de lui-même et de l’exercice qu’il conduit.

Les travaux cités dans le dossier devraient bousculer les pratiques, entre ce que montrent les études citées par Jean-Marc Monteil sur la « visibilité » de l’échec ou de la réussite, les considérations sur le statut de l’erreur, les malentendus autour de l’aide aux élèves ou les réflexions de Roger-François Gauthier sur les « méthodes ». Comment les faire connaitre ?

Paul Quenet : Nous espérons que ce numéro contribuera à les faire connaitre et participera de la réflexion en tous lieux sur l’amélioration des pratiques pédagogiques. Notre lectorat est constitué de cadres et d’enseignants ce qui nous rend raisonnablement optimistes. Optimisme à pondérer par le nombre de lecteurs au regard de l’ensemble des personnels qui pourraient être intéressés. C’est aussi l’intérêt de cette recension dans votre revue.
Annie Mamecier : Il y a encore bien du conservatisme au sein de l’éducation nationale. Beaucoup en fait craignent de ne pas « savoir faire si cela change ». Il est donc impératif de rassurer et de multiplier les publications comme celles-ci qui identifient les difficultés et proposent des façons différentes de faire. Il est important de faire des propositions structurées qui permettent non une impossible « révolution », mais une évolution du système éducatif.

Ce dossier s’inscrit au moment de la mise en place du socle commun et du travail par compétences. L’inspectrice générale Anne Armand en montre la fécondité. Quel lien faites-vous entre ce numéro et cette actualité de l’école en France ?

Paul Quenet : Ce numéro est en écho de l’actualité tout en voulant s’inscrire dans la durée et être encore pertinent dans quelques années. Une tendance générale se constate en effet avec le socle commun, l’accompagnement personnalisé, les tutorats ou l’évolution des didactiques disciplinaires. Si nous sommes beaucoup à penser que leur mise en œuvre ne va pas assez vite, il faut donner le temps de l’appropriation réelle par le système et tous ses acteurs pour éviter blocage ou décrochage d’une majorité. Il ne s’agit pas de convaincre les militants, mais de faire agir l’essentiel des acteurs.
Puisque la question des apprentissages des élèves est centrale, nous y reviendrons par la dimension individualisation et accompagnement dans un prochain numéro qui paraitra en mai 2011.
Annie Mamecier : Ajoutons l’importance de faire évoluer le système d’évaluation. Vous parlez de « progrès timides », mais ce n’est pas le cas de tous les champs disciplinaires et par ailleurs il faut composer avec les parents, très attachés par exemple au système de notation. Mais la mise en place du livret de compétences va dans le bon sens, et notre revue s’efforce d’être en convergence avec cette amélioration du système éducatif.

Paul Quenet, rédacteur en chef de la revue Administration et éducation
Annie Mamecier, inspectrice générale de l’Éducation nationale – sciences de la vie et de la Terre