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Ce que disent les élèves après quatre années en classe coopérative

Depuis cinq ans, nous avons mis en place des classes coopératives dans notre collège, une par niveau, de telle sorte que les élèves puissent effectuer toute leur scolarité dans ce dispositif en restant dans le même groupe. Une première cohorte a donc « traversé » tout le collège en classe coopérative et elle est désormais en classe de seconde. Nous avons souhaité interroger ces anciens élèves a l’issue du premier trimestre au lycée. Dix-sept des vingt-un élèves de la cohorte ont répondu de façon anonyme à un questionnaire en ligne (voir détail de notre méthodologie en encadré).

Afin de replacer le contexte de notre étude, voici comment nous définissons une classe coopérative : « Une classe coopérative est une structure complexe, systémique, cohérente et évolutive dans laquelle ceux qui la composent (enseignants, éducateurs ET élèves) construisent ensemble les moyens d’apprendre par une coopération instituée et organisée. Elle devient alors un élément central de la vie et du fonctionnement du groupe. » Notre déclinaison locale se traduit par de nombreux dispositifs qui fonctionnent en système : comme le conseil coopératif, le plan de travail, l’aide et l’entraide, des responsabilités, les ceintures de compétences, la correspondance via les réseaux sociaux, un blog et un journal de classe, le marché de connaissances, etc.

D’autres éléments sont utilisés plus ponctuellement ou selon les classes : le « Quoi de neuf ? » (exposés libres), la recherche libre mathématique, les conférences d’élèves, le cahier d’écrivain et le coin lecture en français et en histoire-géographie.

C’est sur ces dispositifs qu’ont été interrogés nos anciens collégiens.

Une transition vers le lycée plutôt normale

Premier résultat encourageant : près d’un élève sur deux déclare n’avoir « pas vraiment » eu de difficultés pour s’adapter aux méthodes du lycée, deux « pas du tout ». Un tiers a eu « un peu » de difficultés, et un seul élève en a éprouvé « beaucoup ». C’est vers le lycée professionnel que la transition semble avoir été la plus simple : aucun élève n’a exprimé avoir eu des difficultés d’adaptation.

Par ailleurs, ils sont douze à penser que les méthodes de travail des classes coopératives les ont aidés, un peu ou beaucoup, depuis le début de l’année de seconde. C’est la faculté à travailler en groupe qui est la plus souvent citée dans les réponses des élèves. On y trouve aussi des éléments plus précis comme le plan de travail, les cartes mentales ou l’ouverture aux autres.

Tous les élèves ont déclaré avoir aidé des camarades depuis leur arrivée en seconde. Neuf élèves citent des disciplines quand on leur demande sur quoi ils ont pu aider (essentiellement en français et en mathématiques), cinq des aides d’ordre méthodologique (« J’aide des personnes de la classe quand ils ne comprennent pas un exercice ou une leçon »), trois des aides « autres » (« J’aide un camarade dyslexique », « J’aide un camarade à s’intégrer dans la classe », « pour trouver les salles »).

À l’inverse, près d’un quart disent ne pas avoir été aidés par des camarades. Pour ceux qui ont été aidés (les trois-quarts), l’aide a porté sur des contenus académiques.

La perception de ce que sont des classes coopératives

Lorsque nous demandons aux élèves de donner les deux ou trois « dispositifs » qui représentent le mieux les classes coopératives, nous obtenons la répartition suivante :

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Le conseil coopératif est cité par plus de deux élèves sur trois. On trouve ensuite le travail en groupe, l’aide et le plan de travail. Lorsqu’on leur demande d’expliquer ce qu’est une classe coopérative, douze des dix-sept définitions comportent des éléments concernant l’aide ou l’entraide (« être à l’aide des personnes en difficulté », « travailler ensemble », « C’est une classe ou nous pouvons prendre de l’aide si l’on ne comprend pas quelque chose », « classe qui s’aide mutuellement », « C’est une classe qui s’entraide et qui est toujours là quand les autres ont un problème »).

Quatre élèves évoquent l’absence de notes, quatre l’aspect convivial (« convivialité », « bonne ambiance », « comme une famille »), trois parlent du soutien des enseignants (« coopération avec les profs », « les professionnels nous aident à nous améliorer dans la façon d’apprendre les leçons, on peut parler aux professeurs des problèmes pour qu’ils nous aident à chercher une meilleure façon de le résoudre en discutant avec les uns et les autres », « des professeurs toujours là pour nous soutenir et nous aider »). La possibilité d’avancer à son rythme apparait dans trois définitions, alors que le fait de passer quatre ans ensemble caractérise les classes coopératives pour deux élèves.

L’avis des élèves sur les classes coopératives

Une large majorité des élèves pense que la classe coopérative leur a permis de mieux apprendre. Un seul élève répond « pas vraiment » à cette question.

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Les explications qualitatives des élèves sont très variées, certains évoquent « des méthodes », d’autres parlent de « l’entraide », du fait de « mieux comprendre ce qu’il fallait faire », de « ne pas avoir peur de la note », ou encore de pouvoir « recommencer jusqu’à ce qu’on sache faire ». L’élève qui a répondu « pas vraiment » indique que « c’est une classe comme les autres ».

Autre point positif à relever : aucun élève n’a l’impression que sa parole n’était « pas du tout » prise en compte. Au contraire, un élève sur trois considère qu’elle a été « beaucoup » prise en compte, et plus d’un sur deux « plutôt » prise en compte.

Pour finir, tous les élèves sauf un conseilleraient à un ami d’aller en classe coopérative.

Les dispositifs plébiscités

Le point qui fait l’unanimité chez les élèves est le fait de garder les mêmes enseignants durant quatre ans. Même si toutes les matières n’ont pas pu être concernées, cela a été le cas pour une partie d’entre elles et pour le professeur principal. 100 % des élèves plébiscitent ce fonctionnement. Les élèves évoquent à plusieurs reprises la connaissance « des méthodes de travail », mais surtout le fait que les enseignants les « connaissent mieux et comprennent leurs difficultés ». La tendance est globalement la même sur le fait de passer quatre ans avec les mêmes élèves, même si deux élèves trouvent que c’est « plutôt une mauvaise chose ».

Parmi les dispositifs qui recueillent le plus d’avis positifs, on retrouve le conseil coopératif, que 15 d’entre eux trouvent intéressant, le tableau d’aide, les ceintures de compétences, le travail en groupe et le parrainage 6e/3e. Les autres dispositifs recueillent des opinions positives mais un peu plus contrastées.

Ces résultats nous encouragent dans la poursuite de nos démarches. Bien sûr, nous nous appuieront sur les remarques des élèves pour améliorer certains dispositifs.

L’équipe des classes coopératives du collège Lucien-Vadez de Calais

 

Méthodologie

 

  • Quelques précisions sur les conditions de réalisation de ce « sondage » :
  • Il a été réalisé via un questionnaire en ligne transmis aux anciens élèves.
  • Nous avons réussi à le transmettre à dix-sept des vingt-et-un élèves de la cohorte.
  • Les questionnaires ont été complétés de manière anonyme.
  • Un élève interrogé a quitté la classe en fin de 4e pour intégrer une 3e préparatoire professionnelle. Six élèves ont intégré la classe entre la 6e et la 5e (cinq étaient dans une classe de 6e pratiquant partiellement certains dispositifs coopératifs, un a été intégré parce qu’il posait des problèmes importants de comportement en 6e), un élève est arrivé en milieu de 5e par conseil de discipline.
  • Les élèves de cette cohorte n’ont pas choisi d’être en classe coopérative.

 


À lire également sur notre site :

Organiser la coopération dans sa classe, par Pierre Cieutat, Sylvain Connac, Cyril Lascassies et Cécile Morzadec

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