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Avoir 30 ans en 1968 et en 1998

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Au départ, une idée simple : comparer la situation sociale et les perspectives d’avenir des jeunes gens de trente ans à trente ans de distance, en prenant comme point de départ symbolique l’année 1968. Si le sujet déborde le domaine scolaire, on comprendra bien que celui-ci est largement concerné et de nombreuses pages sont consacrées au rôle du système éducatif.

Dans le style toujours limpide et accrocheur qu’on leur connaît, Baudelot et Establet établissent des données précises tout en tirant ici ou là des conclusions aussi éloignées d’un pessimisme apocalyptique que d’un angélisme qui serait vraiment ici intempestif.

Ils montrent par exemple que « l’ascenseur social » ne fonctionne guère ; mais pas vraiment parce qu’il est « en panne » comme on le lit trop souvent, dans la mesure… où il n’a jamais fonctionné (il y aurait même plutôt une légère réduction des inégalités). Ce qui a changé entre 68 et 98, c’est que les jeunes débutent leur carrière professionnelle dans des conditions plus difficiles. Les écarts avec les classes d’âge plus élevées se creusent, surtout pour les couches sociales « en bas de l’échelle ». Ce qui ne signifie pas qu’il y a « guerre de générations », autre lieu commun très contestable : les générations se vivent au sein d’un espace familial qui est, lui, peu conflictuel.

Qu’en est-il du rôle du système scolaire ? On le sait, les ambitions des familles ont augmenté. À juste titre, puisque la possession d’un diplôme devient de plus en plus indispensable. Mais les espérances ont plus de chances d’être déçues, lorsqu’on sait qu’« à ceux des enfants d’ouvriers qui se classent dans le peloton de queue des épreuves d’évaluation en sixième, les parents assignent tout de même comme objectif, dans 60 % des cas, de continuer les études jusqu’à vingt ans et plus ». Car, ce qui s’est détérioré, c’est le placement à diplôme égal. Il faut lire les poignants témoignages des jeunes peu diplômés ne parvenant pas à être embauchés par les entreprises qui préfèrent les diplômés, mieux formés, mieux « socialisés » par l’école, et capables au besoinä de réparer gratuitement l’ordinateur en panne !

Les auteurs sont loin de rendre l’école responsable du « gâchis économique » qu’ils mettent en évidence : « la réforme, la critique, la transformation (ô combien nécessaire !) de l’école perdent toute boussole tant que n’est pas résolu le problème de l’emploi des jeunes. ». Et à la fin de l’ouvrage, ils avancent quelques propositions « pour une sortie de la crise », qui ne sont qu’esquissées. En particulier celle de l’élaboration d’un SMIC culturel (déjà avancé dans Le niveau monte), ensemble de compétences et de savoirs que chacun devrait pouvoir maîtriser à la fin de la scolarité obligatoire, ainsi que l’éternel serpent de mer de la revalorisation de l’enseignement professionnel. Les perspectives plus favorables pour l’emploi de ces dernières années ou mois rendent encore plus urgente une réflexion sérieuse sur ces sujets, dans un vrai débat démocratique et non à travers anathèmes et procès d’intention. Car ce qui ressort bien de ce passionnant livre, c’est qu’entre 68 et 98, il y a eu trop de « perdants » et que notre responsabilité est engagée pour le futur ouvrage qui sera écrit en 2028.

Jean-Michel Zakhartchouk


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