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Avant-propos : « Un couteau suisse »

La littérature pédagogique s’est emparée depuis longtemps du genre du débat en classe, et les programmes officiels, depuis une vingtaine d’années, le promeuvent largement, quoiqu’en lui faisant surtout une place dans deux didactiques, celle du français (avec l’arrivée en force de l’oral) et celle de l’EMC (éducation morale et civique) à l’école et au collège ou ECJS (éducation civique, juridique et sociale) au lycée.

Parler du « débat » au singulier est en réalité bien trompeur. Plus on explore la question, plus on en découvre la variété. Tissant des visées, dispositifs, supports, dynamiques cognitives différentes, les enseignants et la recherche pédagogique inventent des formes adaptées aux diverses situations, des formes complexes ou légères, pour de faux quand il s’agit de jouer pour s’exercer, pour de vrai quand on traite de questions vives, qu’on cherche le sens d’un texte ou qu’il faut aboutir à une décision collectivement murie et acceptée.

On découvrira donc dans ce dossier, à côté de formes plus classiques mais toujours à revisiter, des débats sans paroles (ou presque), des débats dessinés, des débats écrits, des débats confinés bien sûr, époque oblige. La discussion à visée philosophique (DVP) n’est présente dans ce panorama que de façon discrète, qu’on ne s’en étonne pas, car une très abondante production bibliographique et sitographique est maintenant disponible sur cette pratique passionnante à laquelle les Cahiers ont, depuis de nombreuses années, consacré de riches dossiers et articles (citons entre autres le n° 432, « La philo en discussion », 2005 ; le n° 513, « Quelle éducation laïque à la morale ? », 2014, etc.).

Les débats scientifiques en classe, que les programmes officiels n’encouragent pas assez à notre sens, sont traités ici de plusieurs façons, de l’école au lycée. Leur visée centrale est bien la formation d’un esprit critique qui distingue les faits des opinions et fait éprouver la nécessité d’aller chercher des connaissances fiables pour argumenter. En sciences, ce mode d’enseignement par le traitement de questions scientifiques socialement vives (QSSV) veut répondre à une demande sociale de formation des citoyens : capacité à participer aux débats de société, éducation à la responsabilité.

Quelle qu’en soit la forme, dit Dominique Bucheton dont nous reprenons ici, sous forme d’encadrés, des propos toujours actuels parus dans un précédent dossier (n° 401, 2002), la situation de débat en classe permet à l’élève de partager des expériences intellectuelles, des points de vue, des tâtonnements, pour les confronter. Une socialisation cognitive qui fait (re)découvrir qu’on a besoin de l’autre pour apprendre, pour comprendre, pour inventer. Bel objectif à assigner à cette pratique du débat que le présent dossier** voudrait contribuer à promouvoir, dans un contexte où, à condition d’être outillée et réfléchie, elle est plus que jamais d’actualité.

** Ce dossier comprend quelques articles déjà parus, signalés à chaque fois, et une majorité d’articles nouveaux.


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