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Au lycée, élèves et professeurs prisonniers

Adepte de la culture scientifique, j’ai animé avec mon collègue de physique un atelier scientifique durant 10 ans. Cela a commencé par un PEC de grande envergure plus ou moins instillé par le service éducatif de Samara. À l’époque, vers 1993, le samedi matin était une demi-journée de cours au même titre que le reste y compris le soir de 17h à 18h. Une demi-journée banalisée de 15h à 18h le jeudi après-midi était inscrite dans le projet d’établissement, ce qui favorisait toutes sortes d’activités sur la base du volontariat des élèves et des professeurs. Nous avons pu ainsi présenter des projets avec une dizaine d’élèves de tous niveaux qui reconduisaient leur participation jusqu’en terminale.
Malheureusement, la plage horaire n’a plus concerné que quelques classes tandis que toutes les secondes, qui pouvaient être un vivier, ont été libérées le samedi matin et de 17h à 18h. La pression des conforts familiaux et administratifs aboutit à la situation actuelle : aucune classe ne travaille le samedi matin ni de 17h à 18h (sauf 2 TS et la terminale cinéma audio-visuel). A force de vouloir condenser au maximum les emplois du temps, les élèves se sentent soient pris au maximum dans les séries les plus lourdes, ou libérées de fait.
Les TPE sont maintenant le seul moyen de faire de la culture scientifique — avec les élèves de S exclusivement. Sinon, il y a encore les PEC, encore faut-il que l’équipe pédagogique soit réunie autour des mêmes élèves, ce qui est loin d’être toujours le cas.
Enfin, il m’est arrivé, lors des programmes de S précédents, de me sentir moins prisonnière du temps et de m’aventurer avec bonheur dans un travail touchant certes au programme mais avec une méthodologie différente : ce n’est plus possible, compte tenu du carcan dans lequel je me sens enfermée par la rigidité des programmes actuels, en S en particulier. En dehors de la classe de terminale, il se fait sentir en premières L et ES puisque les horaires sont caricaturaux en SVT. En première S, c’est un peu plus confortable et l’on peut faire de la culture scientifique d’autant plus qu’il y a les TPE. Cependant, l’enjeu du bac est sous-jacent car beaucoup de notions conditionnent déjà le bon déroulement de la terminale. De plus, il y a la préoccupation de l’ECE (épreuve de capacités expérimentales) qui est désormais évaluée au bac. En seconde, le programme doit être couvert avec un horaire caricatural également (2h hebdomadaires dont une heure en classe entière par quinzaine).

Pour faire de la culture scientifique, il faut du temps et pas trop de rigidité. C’est pourquoi j’ai déposé pour la prochaine rentrée un projet d’option Sciences pluridisciplinaire en seconde qui permettrait de mettre en oeuvre cette culture scientifique attractive car sans contrainte horaire et sur la base du volontariat. Cette option sciences à laquelle je fais allusion est une expérimentation menée dans l’académie de Montpellier et semble avoir démarré de 9 lycées pour en toucher à présent 24 ! Elle n’a pas de contenu officiel dans la mesure où elle ne figure pas au BO. Chaque équipe volontaire pluridisciplinaire établit son propre programme. Dans mon lycée, j’ai réuni 5 collègues autour de moi (2 par discipline au cas où il y aurait plus de 2 groupes d’élèves inscrits). Nous nous sommes réunis et avons trouvé deux thèmes à explorer : formes et structures à partir de l’exemple de la ruche et le temps. C’est volontairement vague mais nous comptons bien suivre et explorer dans des directions venant des questions des élèves et à leur rythme. Pour l’instant, les contenus ne peuvent être qu’à l’état embryonnaire puisque l’expérience n’est pas encore faite. Une de nos préoccupations est bien évidemment la culture scientifique et le travail en partenariat avec, entre autres, des professionnels du supérieur et de la recherche.

Annick Boulanger, lycée Robert de Luzarches, Amiens.