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François Taddéi est le directeur du CRI, le centre de recherches interdisciplinaires, à Paris. Retour sur ce lieu pas comme les autres.

« Au revoir Hakim. A bientôt Khadija. Tu as très bien parlé, Laura, bravo ! »

La personne qui s’adresse à Hakim, Khadija et Laura en leur serrant la main est un chercheur. Hakim, Khadija et Laura sont des petits chercheurs aussi, c’est en tout cas ce que leur dit celui qui leur serre la main, François Taddéi.

 

les_etudiants_chercheurs_pendant_la_presentation.jpgTous les trois et leur classe viennent de présenter devant les étudiants du CRI (Centre de recherches interdisciplinaires) les résultats de leur étude sur les fourmis, menée au cours de l’année avec leur maitresse, Ange Ansour**. Une vraie recherche avec des vraies fourmis élevées dans leur école, avec des vrais mots techniques en langage fourmi et une vraie présentation publique pendant laquelle chacun parle à son tour distinctement en faisant ressortir le plus important, sous les yeux souriants de la maitresse et les oreilles attentives des étudiants chercheurs.

Parmi les étudiants réunis, Clovis et Liad.
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Clovis est en licence et vise à entrer en master de biologie synthétique. Selon lui, une des particularités de l’école est de faire travailler très souvent en groupes à géométrie variable, de deux à six personnes. Un des derniers travaux portait sur la fabrication de peintures diverses.

 

 

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Liad a fait ses études en Israël et est arrivé au CRI en master de “computer sciences”. L’important ici, selon lui, c’est que l’on mélange les disciplines. Par la suite, il aimerait travailler à la création de niveaux de difficulté sur les pages wikipedia, sachant que Vikidia existe déjà pour les enfants. Ce serait un peu comme au ski, avec des pages vertes, rouges, noires.

 

 

Le I de CRI, c’est interdisciplinaire. Dans leur cursus, tous deux étudient biologie, physique, chimie, mathématiques, programmation et pas mal d’autres disciplines. Le I de CRI pourrait bien être celui d’International, puisque Clovis vient de France, mais Liad d’Israël. Ce pourrait être aussi celui d’interactif. Car ce qui frappe dans cette école très particulière, c’est qu’elle semble n’avoir pas des murs de béton mais des parois de verre. Et que le savoir y raisonne et y sonne, dans un grand accord, riche et consonnant. Et puis passe : passe de petits élèves à grands étudiants, de grands chercheurs à petits chercheurs, de savoir à discipline, de recherche à projets, d’école et entreprise, d’étudiant à étudiant.

Christine Vallin

 

photo_taddei._w._who_-1.jpgFrançois Taddéi, combien d’étudiants sont actuellement au CRI ?
Près de 200 pour l’instant, 600 d’ici deux ans .

De quelles nationalités ?

Toujours plus, tous les continents sont représentés.

Quelles disciplines sont enseignées ? J’ai noté maths, biologie, physique,
chimie, programmation. Et… ?

Et philosophie des sciences, histoire des sciences, communication, langues, sciences de l’éducation, sciences cognitives. Mais aussi des choses plus transverses comme apprendre par le jeu ou apprendre en faisant, analyse critique d’articles scientifiques, rédaction de projets, créations de projets interdisciplinaires, etc. Une de nos spécificités est le grand nombre de stages (trois dans trois environnements de trois disciplines différentes en Master 2 par exemple), pour leur permettre d’explorer différentes manières de travailler et éventuellement de les combiner pour réaliser de nouveaux projets.
On part des projets des étudiants. Les disciplines sont mises au service des projets. Il faut dire que j’ai été très inspiré par Freinet…

Est-ce que les aspects interdisciplinaire et international sont les seules particularités de l’école ?

le_grand_mur_des_presentatitions_ddes_eleves_chercheurs.jpgUn aspect qui joue un rôle croissant mais non exclusif est la capacité à créer quelque chose qui puisse bénéficier au plus grand nombre. L’idéal étant qu’à chaque fois qu’un étudiant aura appris quelque chose, cela facile l’apprentissage des autres, qu’ils soient présents dans nos murs ou pas, grâce au développement de contenus et d’outils numériques dont d’autres pourront bénéficier.
D’autre part, ce n’est pas enseigné en tant que tel, mais la créativité est un aspect très présent dans la sélection des contenus comme des étudiants et dans nombre des activités…

La vision de cette école est-elle le modèle d’une vision de la recherche qui nécessiterait d’avoir à la fois des spécialistes très pointus dans un domaine et d’autres assez au fait de plusieurs domaines pour avoir une connaissance suffisante de chaque domaine et en même temps capables de créer des ponts pour éviter les enfermements dans des chapelles ?

La recherche progresse souvent aux confins et a besoin de chercheurs capables de dépasser les barrières disciplinaires pour assembler outils et concepts permettant d’aborder les nouvelles frontières des connaissances. Il existe désormais de nouvelles manière de faire de la recherche via des jeux de découvertes scientifiques comme fold it ou galaxy zoo, ouverts à des centaines de milliers d’internautes de part le monde. Nous voulons permettre à nos étudiants d’explorer ces nouvelles manière de co-construire des connaissances en leur offrant de s’appuyer sur leurs savoirs disciplinaires tout en s’ouvrant à d’autres manières de travailler en faisant des stages dans des environnements différents.

Qu’en est-il du devenir des étudiants du CRI ? Dans quels secteurs sont-ils plus particulièrement embauchés ?

Le mur des présentations des étudiants chercheurs

Le mur des présentations des étudiants chercheurs

Pour l’instant, mais c’est sans doute amené à évoluer avec de nouveaux projets liés aux plus jeunes, dans le monde de la recherche en grande majorité, qu’elle soit publique ou privée française, ou étrangère. Certains étudiants créent leur propre structure et peuvent être accompagné en ce sens.

Est-ce une nouvelle façon d’apprendre construite sur un modèle existant ailleurs, ou une école d’avant-garde ?

Il existe déjà de nombreux écosystème d’apprentissage coopératifs où tous peuvent apprendre des progrès de chacun (Montessori, Réseaux d’échanges Réciproques de Savoirs, Escuela Nueva, Finlande, etc) et même des lieux de prestige où les plus chanceux peuvent apprendre par la recherche. Nous, nous cherchons à créer un écosystème de coconstruction de connaissances, capable d’aider à démocratiser l’apprentissage par la recherche et à l’ouvrir au plus grand nombre. Cela semble possible puisqu’aujourd’hui l’accès aux informations et à la technologie est démocratisé et naturel puisqu’on sait désormais que nous sommes tous nés chercheurs… Mais cela suppose de tester les choses et de les coconstruire pour s’adapter aux besoins de chacun.